À la lecture des notes du livret de ce nouvel album de La Division Mentale, intitulé « M.I.R.E.K. », un détail intriguant saute aux yeux : ‘Musique inspirée par la vie et le travail de Miroslav Tichy’. Personnage inconnu au bataillon, quelques recherches permettent cependant d’apprendre qu’il s’agit là d’un photographe tchèque quelque peu atypique, qui montait lui-même ses appareils photo sur base de différents objets de récupération. Information intéressante, qui offre une porte d’entrée salvatrice afin de pénétrer au cœur de ce mystérieux concept album qui ne s’aborde définitivement pas d’une oreille distraite et nécessite une attention constante afin de tenter de saisir la complexité de ses morceaux. Amis de l’easy-listening, passez votre chemin.
Le décor est planté, on passe à la musique. Ce second LP des Français se fonde sur une base de Black Metal atmosphérique, tant par sa noirceur que ses parties vocales plaintives, en retrait, empruntant au registre de l’indus. Six morceaux également pétris de Sludge, au rythme lent, lancinant et répétitif. Des samples de bruits de machines ou de voix telles que tirées d’un vieux film viennent de temps à autre alimenter cette atmosphère stérile et dépressive. On ne peut s’empêcher d’imaginer Miroslav Tichy, « Mirek », déambulant dans les rues de Kyjov, appareil photo bricolé sous l’imper, volant des instants présents du quotidien. Une plongée dans la tête de ce marginal, à l’esprit décalé, réduisant en morceaux les balises artistiques au profit de l’expérimentation. Une ambiance retrouvée telle quelle le long de ces quarante-cinq minutes de voyage sombre et atypique, où l’on se croirait sous influences de substances peu catholiques, voire cadenassé dans l’esprit d’un schizophrène. Ça part dans tous les sens. N’essayez pas de garder pied, ni de nager à contre-courant, il suffit de se lancer emporter par ce tourbillon hallucinatoire.
Vous l’avez compris, il s’agit bel et bien d’un album qui sort des sentiers battus. Mais pas juste à côté de la route ! Il trace en effet à lui seul un nouveau chemin au travers d’un monde perché entre réalité décalée et sublimée. À ranger dans le tiroir généralement bordélique de ces œuvres conceptuelles, qui détruisent pour mieux reconstruire. Alors que beaucoup se perdent en tentant de remettre les pièces du puzzle, La Division Mentale parvient à ressortir un produit fini cohérent. Certes complètement pété, pour le dire vulgairement, mais qui a le mérite de nous plonger dans un état qui dépasse l’écoute musicale en allant gratter des coins de l’âme généralement tapis dans l’obscurité. À expérimenter.