Viet Cong est une formation canadienne née sur les cendres de Women. Un terme cruel mais adéquat, car ce point final est la conséquence de la mort du guitariste Christopher Reimer, en 2012. Le chanteur/bassiste Matt Flegel et le batteur Mike Wallace ont donc décidé d’entamer une nouvelle aventure, en compagnie de deux autres musiciens. Et le patronyme devrait encore changer dans le futur, car le quatuor a finalement admis qu’il réveillait le souvenir d’atrocités commises entre 1955 et 1975, lors de la guerre d’Indochine. Au sein des familles des victimes ; mais pas seulement…
Bref, revenons au premier opus de Viet Cong. Il est éponyme et se distingue par sa créativité. Découpé en 7 pistes, il mérite une analyse profonde. Il s’ouvre par « Newspaper spoons ». Tramée sur des percus indus (NDR : un timpani !), déchirée par des cris perçants de gratte et hantée de vocaux sinusoïdaux, cette piste baigne au sein d’un climat floydien ; mais dans l’esprit de « More » voire d’« Ummagumma ». Des guitares ‘mybloodyvalentinesques’ balaient « Pointless experience », une plage plus proche de Bauhaus qu’elle ne le paraît... « March of progress » constitue la pièce centrale de l’LP. Un morceau de 6’ dont la première partie est partagée entre percus, bruitages et claviers vintage, avant que les harmonies vocales ne viennent imposer la mélodie, alors que les synthés tournent en boucle. Le fruit d’une rencontre improbable entre Animal Collective et Liars. Des cordes de guitare abrasives et acérées cadencent mécaniquement « Bunker Buster » (Wire circa « Pink flag » ?) Le sombre, presque glacial, « Continental shelf » nous replonge carrément dans les eighties. La voix de Matt emprunte alors tour à tour les inflexions de Gary Newman, Ian McCulloch ou Brett Anderson, alors que tintinambulantes, les sonorités de cordes lorgnent vers les Chameleons. Cotonneuse, la basse nous invite à vivre une excursion ‘joydivisionesque’ tout au long de l’enlevé « Silhouettes », un périple susceptible de nous conduire à Wolf Parade. Enfin, hommage à Christopher Reimer, « Death » clôt cet LP. D’une durée de 11’, il s’ouvre par une sorte d’hymne funèbre programmé en boucle (NDR : guitare et basse, mais suivant un phrasé distinct), un hymne enrichi de superbes vocaux, avant, au bout de 4’, d’entrer dans une forme de jam expérimentale turbulente, frénétique (Sonic Youth ?), et de s’achever sur un tempo alerte, dans un registre que n’aurait pas renié Echo & The Bunnymen, à ses débuts. D’ailleurs des références, vous risquez encore d’en dénicher au fil des écoutes… Superbe !