Keith Stone est un enfant de la Nouvelle Orléans. Pas tout à fait un enfant car, âgé de 50 ans, il est déjà considéré comme un vétéran de la scène locale. Il est parvenu à assimiler tous les courants qui alimentent la musique néo-orléanaise : jazz, blues, R&B, funk, dixieland et Brass Band. Stone a fait ses armes chez Willie Lockett & The Blues Krewe. "The Prodigal returns" constitue son premier long playing. Il a été enregistré chez lui, en Louisiane, sous la houlette de David Hyde, également préposé aux parties de basse. Hyde avait participé aux sessions d’enregistrement de l'excellent album de Fo' Reel, "Heavy water", fin 2014.
Le court "Prélude" instrumental s'ouvre par le piano de Dr John. Il nous entraîne dans les rues du quartier français de New Orleans. On entend le bruit produit par une calèche, puis d’une fanfare, celle d’un brass band, qui parcourt habituellement ces quartiers. R&B largement cuivré, "Better things to do" évolue dans un registre proche du southern soul de Memphis. La voix de Keith est puissante. Sa guitare est particulièrement affûtée. Nelson Blanchard double orgue et batterie. Des cordes empreintes d’une grande sensibilité amorcent "First love", un superbe blues lent. Autoritaire, austère, la voix domine ce blues tapissé par l'orgue et les ivoires de Blanchard. Et si le solo de guitare est excellent, Stone prolonge volontairement ses notes pour obtenir un effet dramatique. Autre excellent blues, "Cindi Leigh" véhicule des accents zydeco, des accents entretenus par l'accordéon de Bruce ‘Sunpie’ Barnes et le frottoir d'Andy J Forest ! Et au cœur de ce climat naturellement cool, le saxophone ténor de Mike Broussard s’évade. Une forme de soul indolente mais chaleureuse baigne "Take me home". Elaine Foster participe aux chœurs et Keith injecte énormément de feeling sur ses cordes, tout au long de ce morceau au cours duquel les cuivres excellent : Lacy Blackledge à la trompette ainsi que Mike Broussard aux saxophones ténor et baryton. "New Orleans Moonlight" est bien ancré dans la ‘Crescent City’, un titre de soul/blues cuivré abordé dans l’esprit de Dr John, alors que les interventions de cordes dépouillées lorgnent vers BB King. La basse de David Hyde et les percussions de Nelson Blanchard sculptent "Time to move on" dans le funk. Bobby Henderson se réserve un bijou de solo sur son saxophone alto avant de céder le relais à Stone, inspiré par Albert King. Henderson est passé au ténor sax pour "Make me feel alright", un rock'n'roll contaminé par les rythmes de la Louisiane. La trompette de Blakckedge et la guitare de Stone colorent "Buster's Place" (NDR : le Buster's est un restaurant local réputé dans la Soul Food), un instrumental paradoxalement ‘no jazz’. Bénéficiant d’excellents arrangements, "The prodigal returns" est un morceau de funk au cours duquel Keith triture ses cordes à l’aide de son jeu de pédales. Longue finale instrumentale, "Just a closer walk with Thee" revient à la case départ : le piano magique de Dr John, la guitare tout en feeling, la voix, l'orgue de Blanchard et, enfin, le brass band avec trompette, sousaphone, trombone et saxo alto. Un excellent album!