Collectivement ou séparément, les membres de Tuxedomoon sont aujourd’hui responsables d’au moins cent albums. Et on ne compte plus leurs multiples collaborations dans le monde du théâtre, du film, de la danse et de la littérature. Bref, pour fêter leur 30ème anniversaire d’existence, le groupe devait frapper fort. Et il y est parvenu. En décidant de sortir un box en même temps que leur nouvel opus, « Vapour trails ». En édition limitée, cependant. Sous-titré "77o7 tm", il contient 4 disques dont trois audio et un Dvd. C'est-à-dire, leur elpee flambant neuf, un cd contenant des archives non reproduites sur support à ce jour, un cd live enregistré début 2007 et un Dvd de 160 minutes.
« Unearthed: Found Films » est un Dvd découpé en sections distinctes, parmi lesquelles on épinglera « Ghost Sonata », une musique destinée à un opéra sans paroles qui n’a jamais été joué et traduit ici en court-métrage. Toute une série de vidéos ("A Thousand Lives By Pictures"), un documentaire immortalisé en tournée ("Mythical Puzzle") et des expérimentations vidéo live commises fin des seventies, début des eighties ("Jet Wave" and "Colorado Suite") complètent le tableau. Des documents exceptionnels qui démontrent le cheminement incroyable opéré par cette formation mythique. A cet égard, si vous souhaitez un guide pour suivre le fil de leur histoire, je vous invite à lire ou à relire l’interview que Musiczine leur avait consacrée en 2003 (http://www.musiczine.net/fr/index.php?option=com_alphacontent§ion=2&cat=12106&task=view&id=1327&Itemid=36).
« Unearthed: Lost Cords » réunit 15 titres jamais enregistrés à ce jour, dont une majorité de versions démo. Des morceaux commis entre 1977 et 1997, parmi lesquels j’épinglerai le superbe « Atlantis » (NDR : une flip side datant de 85) ainsi que l’insolite et exotique « Brad's Loop ». Mais le reste vaut son pesant de surprises.
« 162o7 (39°N 7°W) » est donc le ‘live’ immortalisé début de cette année. Douze fragments parmi lesquels, on éprouve un immense plaisir à écouter « Luther blisset » et ses cuivres conjugués à la perfection, l’énigmatique « Still small voice », le semi-cabaret « Baron Brown », un « Triptych » plongé dans la musique de chambre contemporaine, le latino, intimiste et douloureux « Muchos colores », le classique « A home away » et en final le punk cérébral « The beast », finalement tellement proche du Wire des débuts.
Mais venons-en enfin au nouvel opus, « Vapour Trails ». Partagé en huit plages, je dois avouer qu’il n’est pas facile à digérer. L’expérimentation y est encore une fois très présente, et plusieurs écoutes sont indispensables avant de commencer à pouvoir s’en imprégner. D’ailleurs, je dois humblement avouer, ne pas encore être parvenu à me familiariser complètement avec la solution sonore de deux ou trois titres. Et en particulier « Dark temple », sorte de mélange improbable entre lounge jazzyfiante et électro-acoustique ténébreuse. « Waddin in to love », également. Presque soul, mais dans l’esprit de Tuxedomoon. Et enfin « Big olive », sorte de fusion jazz/funk/punk. Hanté par les accords sinistres d’un piano bar, il aurait pu relever du répertoire de Pere Ubu. Les cinq autres fragments adoptent un profil plus ‘classique’ tout en demeurant, bien sûr, avant-gardistes. Depuis le filmique et de mauvaise augure « Muchos colores », chanté dans la langue de Cervantes par Blaine Reininger à l’insolite « Epso meth lama », au cours duquel chœurs soviétiques ( ?!?!?) et electro ambient hypnotique (Tangerine Dream ?) baignent dans un climat arabisant enrichi d’un piano bar (NDR : rien que ça !) « Still small voices » épouse cependant un format plus rock, et lorgne manifestement vers le notoire « Heroes » de Bowie, alors que cuivré à la manière de Miles Davis, « Kubrick » trempe dans une sorte de post rock contemplatif et cauchemardesque. Reste donc « Dizzy » dont la boîte à rythmes torrentueux tapisse un univers sonore né d’une fusion entre le jazz, le rock et le psychédélisme. Toute une analyse qu’il est nécessaire de placer dans un contexte propre à Tuxedomoon. C'est-à-dire de musique intemporelle.
Bref, pour tout aficionado de Tuxedomoon, ce box est indispensable à sa collection.