Ecrit durant l’été, mais enregistré à Paris, quelques jours seulement après les évènements tragiques qui ont ébranlé la France en novembre 2015, le quinzième opus de Murat s’intitule cyniquement « Morituri » (‘Ceux qui vont mourir’).
Pour enregistrer cet opus, l’artiste a reçu le concours de collaborateurs notoires ; et tout particulièrement Gael Rakotondrabe aux claviers, Christopher James Thomas à la basse ainsi que Stéphane Reynaud à la batterie. Et celui dont la réputation de bougre n’est plus à démontrer, propose une œuvre qui lorgne ici davantage vers le pop-jazz.
Ce long format s’inscrit dignement dans la parfaite continuité de la carrière de l’artiste ! Les arrangements sont intelligemment construits et subtils ! Ils s’effacent quelquefois pour permettre à la voix profonde de se poser, adoptant même parfois des accents ‘biolesques’ surprenants...
Ici ou là, quelques nappes de synthé discrètes viennent enjoliver subrepticement un travail abouti. Peut-être aurait-il été intéressant d’y ajouter quelques cuivres pour rendre les chansons un peu plus rondes encore. Mais, c’est un choix de production qu’il convient de respecter ! Morgane Imbeaud (ex-Cocoon) vient poser ses douces cordes vocales sur quelques pistes, notamment sur la plage éponyme.
Que l’auditeur ne s’y trompe pas ! L’approche est certes épurée, mais pas minimaliste pour autant ! Cette quasi-absence de musicalité renforce l’atmosphère obscure qui auréole les 11 compos de ce disque.
Au-delà des textes annonçant ou dénonçant les affres d’une société maladive (comme sur le très réussi « Interroge la jument »), l’angulaire reste dogmatique, légère, profonde, voire presque poétique et limite instable. L’artiste s’amuse et s’invite aussi dans le quotidien d’anonymes ("Marguerite", "Francky" ou encore "La Pharmacienne d’Yvetot").
Les thématiques sont dépeintes sans aucune d’idéologie politique, sociale ou religieuse. Ni même sans haine, ni vergogne lorsqu’il évoque les pires barbaries.
Le phrasé surplombe le son, lorsque ce n’est pas l’inverse ! Chaque écoute permet de lever le voile d’un univers paradoxal situé à mi-chemin entre l’ombre et la lumière. C’est à la fois beau, enjoué, mélancolique et boisé.
Une belle réussite !