Quatre ans plus tôt, Dimmu Borgir promettait un successeur à « Abrahadabra », son neuvième opus studio. Mais depuis lors… silence nordique. Cependant, alors que des brumes de break commençaient à assombrir le futur de la formation, les égéries du Black Metal symphonique ont décidé de donner un coup de hache dans le blizzard pour revenir cette année, pas (encore) à la tête d’un nouvel elpee, mais bien en immortalisant deux prestations live. Et pas n’importe lesquelles ! Une même setlist au cœur de deux ambiances totalement différentes. Le premier concert remonte à 2011. Il s’est déroulé à Oslo (NDR : la mère patrie !) L’ambiance est feutrée. Et pour cause, le band est soutenu par le Kringkastingsorkestret (un orchestre symphonique norvégien). Le second date de l’année suivante. En plein air. Et se produit dans le cadre du célèbre festival allemand Wacken Open Air. Pour la circonstance, la formation est épaulée par l’Orchestre symphonique national tchèque.
Depuis 2003, soit la sortie du long playing « Death Cult Armageddon », la band use et abuse de collaborations orchestrales grandiloquentes pour enrichir ses compos. Ce Dvd permet donc de voir, d’écouter et surtout d’apprécier dix-sept morceaux, en plus d’une heure et demie, intégralement interprétés en live. Le choix des plages n’est évidemment pas anodin et privilégie les plus symphoniques, à l’instar de « Born Treacherous », « The Serpentine Offering » ou encore « Kings of the Carnival Creation ». Plus intéressant, un peu moins d’un tiers du set est exécuté uniquement par l’orchestre. Une centaine de choristes et musiciens se partagent l’estrade. « Xibir », « Dimmu Borgir » (qui sera interprété d’abord par l’orchestre, puis en compagnie du band) ou encore l’épique « Fear and Wonder », en version strictement instrumentale donc, permettent de savourer pleinement le soutien de l’ensemble musical. Car c’est bien là le principal reproche qui pourrait être adressé à ce projet : lors des titres auxquels participe le groupe, l’orchestre est malheureusement trop souvent dominé par les musicos de Dimmu Borgir, ne permettant pas de profiter pleinement de la palette instrumentale déployée en arrière-plan. Second bémol : le choix des morceaux. Et pour cause, le band n’est pas allé puiser dans son répertoire le plus ancien ; or, moins pompeuses, elle sont tout aussi, voire plus mélodiques. Quelques extraits de « Stormblast », joués par l’un des deux orchestres, auraient véritablement rendu ce live incontournable.
Il est légitime de se demander pourquoi le combo propose ici deux concerts live qui se consacrent à une même set list. Pourtant, Dimmu Borgir parvient à tirer son épingle du jeu en proposant, certes, des mêmes shows, mais plongés dans des climats totalement différents. Le premier s’est déroulé à l’Oslo Spektrum Arena. Les musiciens de l’orchestre sont tirés à quatre épingles, alors que les choristes sont vêtus d’un costume noir à capuche. Ces derniers sont répartis à gauche et à droite de la scène, laissant le centre de la stage au groupe norvégien. Les membres de Dimmu Borgir dont accoutrés de peaux de bêtes et de cuir blanc, ce dernier conférant à Shagrath, le vocaliste, un certain air de diva d’outre-tombe. La foule exulte lorsque apparaît la possédée Agnete Kjølsrud, afin de donner, exceptionnellement, la réplique au chanteur sur « Gateways ». Tout est magistral, grandiose et maîtrisé à la perfection.
Une année plus tard et 800 kilomètres plus loin, c’est au Wacken Open Air que le show est programmé. Fini l’aisance de l’arène norvégienne, place aux conditions de festival. Il faut pouvoir caser tout ce beau monde sur les planches ; et c’est bien une des premières fois que la scène principale du Wacken parait exiguë. Les chœurs occupent l’arrière du podium, suivi des musiciens, ne laissant qu’une petite bande d’espace aux Norvégiens grimés. Le soleil prend petit à petit congé d’une chaude journée de mois d’août. La poussière vole sur la plaine allemande, bondée à craquer. Shagrath revêt cette fois-ci sa tenue d’été, laissant tomber la fourrure pour se parer de cuir noir et rouge à longues franges, le tout parsemé de pentagrammes inversés. La nuit s’invite petit à petit pendant le spectacle. Une pluie d’étincelles illumine le dessus de la scène. La classe naturelle émanant des musiciens de l’orchestre côtoie l’étrangeté des chœurs encapuchonnés, renvoyant vers les artistes du groupe maquillés de noir et blanc. Le tout face à un public de festivaliers marqués par une journée de fête, nourrie au soleil et aux décibels. Une rencontre improbable, offrant une vision unique et hors du temps, où le Black Metal et le Classique se rencontrent une fois de plus, se séduisent et déploient ensemble une musique d’une incroyable puissance, séduisante et envoûtante.
Par le biais de ce double live, Dimmu Borgir annonce son retour par la grande porte. Il n’y a plus qu’à espérer que l’effet d’annonce soit à la hauteur des nouvelles compositions qui devraient, si tout se passe bien, pointer le bout de leur nez cette même année. L’entrée était savoureuse ; gageons que le plat principal le soit tout autant. Ainsi soit-il…