En parcourant le monde, Youri Defrance intègre dans sa musique toutes les expériences accumulées lors de ses voyages. Ce musicien français transforme ainsi sa ‘World Music’ en ‘Musique des Mondes’. S’il est originaire de Troyes, il a passé de nombreuses années en Bretagne, du côté de Brest. Il avait entamé sa carrière artistique sous le pseudo de Youri Blow, publiant même un elpee intitulé "The Corridor", en 2010. Lorsqu'il s'enferme dans son studio, c’est pour vivre seul dans son monde. Il y écrit, chante et joue d’une multitude d’instruments tant conventionnels (guitares, mandoline, percussions, violon, etc.) qu’insolites, et tout particulièrement à cordes. Et tout particulièrement issus de la Musique des Montagnes, en Mongolie, comme le Morin khuur, une espèce de violon à deux cordes, également baptisé Horsehead violin, car son manche est orné d'une tête de cheval ! Originale, sa musique emprunte autant au blues originel, à la World au classique qu’au psychédélisme. Elle reflète à la fois ses périples terrestres et spirituels. Alors bienvenue dans cette expédition initiatique à la rencontre de ce musicien visionnaire et humaniste, en quatorze plages distinctes.
"Ongod" nous entraîne au beau milieu des steppes mongoliennes. Les différents instruments produisent des sonorités étonnantes, étranges même, qui s'enchevêtrent alors que des raclements de gorge semblent émaner de l’au-delà. Empreintes de douceur, ces cordes acoustiques bercent "Spring tides" et fluctuent au gré des marées du printemps. Atmosphérique, la voix atteint son épanouissement, mais en prononçant des mots dans un langage incompréhensible. L’intro de "Wolf Tengri Totem" est relativement paisible, avant que les percus n’entrent en scène. Elles prennent le pouvoir, puis cèdent le relais aux accès du violon qui vous pénètrent littéralement. "Red Cloud" campe au cœur de cet Orient lointain. Des cordes s’élèvent autour d'une voix incantatoire qui implore. On entre en méditation. Semblant provenir d’un autre monde, ces sonorités envahissent votre inconscient. Des cordes amplifiées d'une rare beauté infiltrent "Koko". Elles se croisent, se multiplient et jaillissent par petits flots acides. Intensifiant l’activité sensorielle. Un peu comme lors d’un trip psychédélique. "Polar Circles" cherche à créer un lien entre le blues du Mississippi et le chamanisme des steppes asiatiques. La décomposition des différents éléments est complexe. Et la reconstruction est à la fois inattendue, impitoyable et improbable. Le voyage est toujours aussi intérieur. "Bad Mama" prend parfaitement ses racines dans le blues. Les accords de gratte sont sèchement plaqués. La voix est d’abord claire, mais violente. Mais Youri la refoule dans son pharynx. Avant qu’une guitare amplifiée et impétueuse, se met à délirer. Des délires entretenus par le Morin khuur tout au long d’un autre trip, baptisé "Antelope Island". "Snake Water dreaming" reflète l’esthétisme radieux d’un songe plutôt majestueux. Grisante, troublante, climatique, aventureuse, remarquable, "Makah Thunderbird" est la plus longue piste. Et son intro, abordée dans l’esprit de Jim Morrison, dans "The End", est d’une beauté à couper le souffle. Le rôle de la guitare amplifiée aux accords enfiévrés est, en outre, ici primordial. Caractérisé par le retour des voix et des différents instruments, "Tuvalakora Eagle feathers" joue en quelque sorte les prolongations. On signalera encore la présence de trois interludes, intitulés « OnGod », qui relient les différentes phases. Une œuvre achevée et d'une créativité rare.