Steve Guyger nous vient de Philadelphie. Harmoniciste depuis la fin des années 60, il a découvert le blues à l’initiative de Paul Butterfield. A partir de cet instant, il s'empresse d'aller écouter les grands bluesmen de Chicago. Il y a maintenant plus de trente ans qu'il a monté son groupe : les Excellos. Il a eu le bonheur de jouer longtemps (de 1980 à 94) au sein du backing band de Jimmy Rogers. Son premier album est paru en 1997 : "Last train to Dover". Sur Blues Leaf. Il a ensuite embrayé par "Live at Dinosaur". En 98. Un disque pour lequel il avait reçu le concours de Steve Freund et Dave Maxwell. Puis par "Past life blues", l'année suivante. Un elpee paru chez Severn. Il avait également concocté "Knockin' on the devil's door". En 1996. En compagnie de son ami Paul Osher, un ancien musicien du Muddy Waters Band. Une expérience en duo qu’il renouvèlera en 2000, pour "Living legends". Son dernier elpee, il l’avait également concocté en tandem : "Down home old school country blues". Paru en 2006, il épinglait pour partenaire Richard Ray Farrell.
Pour concocter ce nouvel opus, il a reçu le concours du Texan Johnny Moeller (NDR ; un remarquable guitariste qui milite aujourd’hui chez les Fabulous Thunderbirds), du claviériste Bill Heid, du drummer Robb Stupka (un ex-Darrell Nulish Band) et de son ami et bassiste Steve Gomes. Rick Estrin, le chanteur/harmoniciste de Little Charlie and the Nightcats s’est chargé des notes consignées dans le booklet.
Johnny Moeller introduit "Lookie here" par un puissant riff sur ses cordes. Steve chante d'une voix assurée, assez proche de Charlie Musselwhite. Claire et précise, sa première intervention à l’harmo déchire l'espace sonore. Plus léger, "You're so fine" est imprimé sur un tempo assez rapide. Les musicos manifestent énormément de cohésion. Le solo de Guyger est très créatif. Très expérimenté, il sait et fait ce qu'il veut. Pour la circonstance, il chante à travers son micro astatique. Préposé aux cordes, Moeller est un plaisir permanent. Blues alangui destiné aux soirées enivrées, "Cool in the evening" s’étire en toute décontraction. Réputé pour sa technique à l'orgue Hammond, Bill Heid joue ici du piano à la manière des seigneurs de Chicago. Plage allègre, proche de la bonne humeur entretenue par le zydeco, "Little Rita" recrée les rythmes dansants des bayous de la Louisiane. Heid siège enfin derrière son orgue, pour fluidifier "I can see by your eyes", une jolie ballade bercée par le rythme nonchalant des swamps. Guyger maîtrise aussi parfaitement l'harmonica chromatique. A l’instar de "Blues won't let me be", un blues lent, superbement chanté, au cours duquel le souffle libère une tristesse infinie. Des rythmes syncopés et exotiques contaminent "School is over". Stupka les alimente de ses fûts. Les tonalités des cordes de Moeller semblent hantées par Otis Rush. Le même Stupka excelle sur "Oh Red", une plage au cours de laquelle Steve est manifestement inspiré par Sonny Boy Williamson II. Boogie blues, "Won't you come on out tonight" déménage. La section rythmique réalise un travail remarquable. Il est vrai que Gomes et Stupka ont longtemps joué ensemble derrière Darrell Nulish. Caractérisé par un rythme participatif, élaboré par Steve et Robb, "Hey little baby" lorgne manifestement vers Billy Boy Arnold. L’elpee recèle l’une ou l’autre reprise. On en retiendra une excellente version du "I'm shakin" de Rudy Toombs (NDR : célèbre pour avoir écrit "One scotch, one bourbon, one beer") et, sans surprise, "Let me hang around" de Muddy Waters, une immersion dans le Southside, au cours de laquelle Moeller se révèle à la fois explosif, insatiable et intenable. Et on n’oubliera pas les performances instrumentales opérées par Guyger sur les courtes plages instrumentales, telles qu’"Afghan rumble" ou en finale, la cover du "Honeydripper" de Joe Liggins. Un excellent album!