En 2001, Tim Booth quittait James -un groupe phare de la pop anglaise des années 90- après avoir vendu plusieurs millions de disques sur le globe, essentiellement en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Mais curieusement sans jamais accéder à la notoriété internationale des artistes ayant assuré un jour la première partie de leur tournée. Parmi ceux-ci, nous retiendrons les Stones Roses, Happy Mondays, Stereophonics, Nirvana, Radiohead et Coldplay ! La formation décidait alors de mettre l’aventure du groupe entre parenthèses. Avant d’entrer en hibernation, le combo avait accordé une dernière tournée mémorable, au cours de laquelle tous les musiciens ayant transité par le line up avaient répondu à l’invitation. Même Brian Eno s’était circonstanciellement associé à l’événement. Depuis, Tim avait poursuivi une carrière en solitaire. Sans grand résultat, il faut le reconnaître. Début 2007, Booth a repris contact avec ses musiciens ; et le team est reparti en tournée. Et dans la logique des événements, le collectif nous propose son dixième opus studio (NDR : leur dernier, “Pleased to Meet You”, était paru voici déjà 7 ans). Booth, Gott, Glennie, Davies, Hunter et Baynton-Power, c'est-à-dire la formule qui avait commis « Laid », ont marqué leur accord pour reprendre du service instantanément. Le trompettiste Andy Diagram a pris le temps de réfléchir. Sans doute fatigué de son aventure partagée au sein de Two Pale Boys, en compagnie de David Thomas, il a finalement adhéré au projet.
Mais venons-en à cet opus. Tout d’abord la pochette originale a été censurée. Elle avait bien servi à la campagne de promotion, mais elle a déclenché une levée de boucliers. En cause, une arme à portée de main d’un nourrisson. Depuis, l’objet litigieux a été remplacé par un pistolet en plastique. En fait, l’image originelle était destinée à faire passer un message politique. Hostile à la participation de la Grande-Bretagne dans la guerre de l’Irak. Et surtout à l’envoi de jeunes soldats. Vous comprenez la métaphore. Et les lyrics du titre maître de cet album traduisent cette impression. Des lyrics toujours aussi soignés qui ne s’intéressent pas seulement à la politique, mais aussi au spirituel, à l’insécurité, à l’insatisfaction, à la folie ainsi qu’à des thèmes plus personnels. A l’instar de « Whiteboy » et surtout de « Bubbles ». Clairement autobiographique, ce dernier est ainsi inspiré par la naissance de son fils. Mais instrumentalement, cette chanson évolue bien dans l’esprit du groupe du début des nineties. A cause des interventions de cette trompette toujours aussi virevoltante. Celles de Diagram, bien sûr. Des interventions qui parsèment cet opus de manière aussi judicieuse que parcimonieuse. Tout comme celle du violon. Coproduit par Lee ‘Muddy’ Baker, personnage qui avait déjà bossé pour l’album solo de Tim Booth, « Bones », en 2004, « Hey Ma » nécessite quand même plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur. Pas de souci quand même, la plupart des plages sont toujours aussi hymniques et la voix de Tim aussi passionnée que versatile. D’ailleurs ce disque semble d’abord vouloir rassurer les fans de la première heure. Les détracteurs lui reprocheront probablement une mise en forme trop raffinée. Et pas de hit de la trempe de « Sit down » ou de « She’s a star ». N’empêche, ce retour est un événement fort sympathique. Et l’album s’avère très agréable à écouter. En outre, les profanes vont enfin se rendre compte de l’imposture de Clap Your Hands Say Yeah ! Me demande s’ils ne vont pas aller se rhabiller !
De « Hey Ma », on retiendra surtout les morceaux susvisés, mais également « Waterfall » (hanté par Lou Reed et les Kinks, il s’inscrit dans la lignée de la collaboration opérée entre Booth et Angelo Badalamenti »), l’atmosphérique « Boom boom » (ces arrangements de cordes en fin de parcours auraient pu figurer sur « Some Cities » des Doves), le poétique « Of monsters & heroes & men », un « Semaphore » sculpté dans la douceur semi-acoustique et le final « I wanna go home », un fragment construit en crescendo et caractérisé par un violon grinçant ainsi qu’une guitare cosmique. Probablement le titre le plus audacieux de l’opus. Et une idée à creuser, pour ne pas que la réunion ne se résume pas à un feu de paille. Croisons les doigts !