Les NiteCreepers nous viennent de Californie. De la région de Santa Cruz. Une obscure formation drivée par le chanteur/harmoniciste Richard Rodriguez et soutenue par le guitariste Tony Gullo ainsi que le claviériste Thom Merida. Pour la circonstance, elle a reçu le concours d’une section rythmique composée de Mark Carino à la basse et de June Core à la batterie. Le redoutable guitariste de Charlie Musselwhite, Chris ‘Kid’ Andersen, est tombé sous le charme de ce band. Pas étonnant dès lors qu’il ait décidé de produire leur premier elpee. Il assure même quelques solides parties de cordes dont il a le secret. Les sessions ont également bénéficié de la participation d’un autre guitariste : Johnny Cat. Résident à San Francisco, c’est le gratteur du saxophoniste Terry Hanck et le leader de ses Pleasure Kings.
Nous sommes en Californie et cela s'entend dès les premières secondes de "Mr Dollar". Du west coast jump tonique et dynamique. Richard possède une voix qui passe aisément la rampe. La section rythmique est solide et pétillante. Sa cohésion est plutôt impressionnante. Les doigts de Thom parcourent les 88 touches d'ivoire de son clavier. Chaque intervention de la ou des guitares est d’une incroyable efficacité. Ballade R&B, "I've been hurt" semble sortie d'un jukebox de la fin des années 50. Richard peut s’appuyer sut des chœurs ‘doowop’. Il se réserve une nouvelle sortie éclatante sur les cordes. Signé Mitch Kashmar et Randy Chortkoff, de l'écurie Delta Groove, "Nitecreper" est un blues dont le schéma rythmique, ma foi classique, est inspiré de Jimmy Reed. Richard souffle dans son harmo à la manière de Reed. Merida est très efficace derrière son piano, et le guitariste n'est guère en reste, étalant tout son potentiel. Rodriguez apprécie les harmonicistes de l'école instituée par Jay Miller, à Baton Rouge, en Louisiane. Il reprend deux titres de Slim Harpo et un de Lazy Lester. "Tip on inn" est imprimé sur un tempo élevé. Thom est à l'orgue. C’est probablement Kid Andersen qui se charge des parties de guitare ; mais ses interventions sont meurtrières. Swamp blues d’une grande limpidité, "Rainin' in my heart" est restitué selon son rythme classique. Le "Woman" de Lester enfin, évolue un ton encore au-dessus. La section rythmique porte littéralement les accords de piano dispensés par Thom Merida. Et il s’y révèle étincelant ! Les NiteCreepers ne composent pas ; et c'est dommage ! Cependant, ils puisent leur répertoire à de multiples sources. Ils s’attaquent même au rock'n'roll pur et dur de Chuck Berry, un exercice de style qui se transforme progressivement en surf music sur "Let it rock/Rawhide". Et on peut dire que ça déménage ! A mon humble avis, les concerts ne doivent pas être tristes. Deux guitares entrent en conflit tout au long de la cover du "Walked all nite long" d'Albert King. Kid Andersen doit figurer parmi les belligérants. Il se prend même pour Albert King. Kid, un prodige des cordes, exécute sans aucun doute son meilleur solo sur "The things I do for you", une plage issue de la plume de Mel London. Autre jump blues participatif, "Chonnie on chon" est une nouvelle démonstration de la cohésion de l’équipe. "Keep it to yourself" est digne de Sonny Boy Williamson. Son esprit hante le soufflé de Richard. Impressionnant ! Ce superbe album s’achève par une version vivement colorée du "Tell me what have I done wrong" de James Brown. Adapté en Chicago blues, ce morceau autorise une dernière sortie des cordes ; et le résultat est tout bonnement remarquable.