Manifestement, la fin des années 60 a bouleversé la musique rock. L’explosion de toutes ses limites, des frontières entre styles, a permis d’exploiter au maximum les possibilités musicales et instrumentales des musiciens, en quête d'imagination, en dehors des canons du bien-pensant commercial. La musique underground était occupée de naître, principalement aux Etats-Unis, même si les Anglais développaient des ressources de créativité énormes. Cette collection justement baptisée "Hors la Loi créatifs" est sous-titrée "US Underground 1962-1970". Elle s'attache donc à retracer cette révolution culturelle qui a sévi de l'autre côté de l'Atlantique.
Parmi les premiers artisans de ce mouvement, certains ont traversé le temps. Et je pense tout d’abord à Jimi Hendrix, pourtant décédé il y a déjà 37 ans. Son dépeçage de l'hymne américain "Stars Spangled Banner" et sa reconstitution totalement déjantée en est la plus belle illustration. Sa révolution aussi. Et il la proclame ici sur la scène de l'Albert Hall de Londres. Particulièrement engagé, le MC5 incarnait un autre protagoniste du désordre. Son message politique était extrême. Son cri de fureur symbolisé par "Kick out the Jams". Cette cité de l’enfer a enfanté un iguane immortel : Iggy Pop. Alors aux commandes des Stooges, il était également issu de la motor-city de Detroit. Il célèbre ici son ode à la frénésie : "1969". Davantage expérimental, avant-gardiste même, Captain Beefheart affrontait le blues de l'impossible. Cette compile en épingle "Dachau blues".
De la génération flower power à l'acid rock de San Francisco, de Haight et Ashbury, on retiendra surtout Country Joe & the Fish. Son "I feel like I'm fixin' to die" a été immortalisé au festival de Woodstock. Et bien sûr la chanteuse Grace Slick, militant alors chez le Great Society. Elle nous propose ici une première version de "Somebody to love", compo qui deviendra un énorme hit pour le Jefferson Airplane. Créateur unique en son genre, Moondog est un artiste emblématique issu de New York. Soutenu par Charlie Parker et Charles Mingus, il a immortalisé "On Broadway" dans les rues de la métropole. Les Fugs ont davantage forgé leur réputation sur une attitude anti-conventionnelle qu’à travers leur musique. Pourtant, leur "The garden is open" libère un son incroyable. Faut dire que tout devenait possible dans ce monde halluciné où se mêlaient drogue, violence et révolution sexuelle. Pearls Befoser Swine pratiquait déjà ce qu’on appelle du folk psychédélique. Drivée par Tom Rapp, cette formation stigmatisait le conflit armé au sein duquel les States s’étaient engagés au Vietnam. "Uncle John" en est la parfaite illustration.
Aux pays de l’Oncle Sam, le folk pouvait également émarger au courant dit progressif. Les Holy Modal Rounders en sont un premier exemple. Et puis surtout Kaleidoscope dont la musique baignait littéralement au sein d’un climat orientaliste déconcertant. Ce band avait alors pour tête de proue le prodige David Lindley, toujours sur les routes en 2006. On ne peut passer sous silence l’existence de Blue Cheer, un combo de hard rock déjanté, extrême, ou si vous préférez de heavy metal lysergique. Un trio responsable de la reprise sans concession d’un classique du rock'n'roll : "Summertime blues". La conjugaison des trois instruments est absolument démoniaque! Particulièrement novatrice, mais injustement méconnue, la musique du West Coast Pop Art Experimental Band était le fruit d’une imagination débordante qui est reproduit sur "Suppose they give a war and no one comes", un véritable collage sonore sous tension constante. Fin des 60s, éclot un ‘importantissime’ boogie band à Los Angeles : Canned Heat. Inspiré à l’origine par le blues le plus pur, il est parvenu à se forger un style unique en son genre. Faut dire qu’il pouvait compter sur des musiciens talentueux. Leur interprétation de "Sic 'em pigs" est absolument hallucinante. Quelle époque ! Quarante ans plus tard, le "Time has come today" des Chamber Brothers me trotte toujours dans la tête. S’appuyant sur des musiciens noirs doués de voix puissantes, le groupe avait délivré cet hymne psychédélique remarquable sans se douter qu’une version d'une dizaine de minutes de ce morceau allait dévaster les pistes de danse de l’époque. Et aujourd’hui encore il semble toujours aussi irrésistible!
Un témoignage éloquent d'une période de l’histoire qui ne peut laisser personne indifférent! Quelques absents de marque cependant : Frank Zappa, Grateful Dead et Quicksilver Messenger Service.