Après un curieux premier album, Menomena ouvre à grand fracas son univers en boîte de Pandore. Il suffit de se pencher sur la densité picturale de la pochette pour comprendre le ton de « Friend and Foe ». Un album qui se déploie sur des terres foisonnantes dont on s’émerveillera inlassablement des reliefs et des aspérités. L’envol s’opère instantanément à travers une rythmique fascinante, martelée avec la rigueur d’une marche funèbre. Puis, de l’intransigeance, des mélodies imparables prennent le large. Menomena ou lorsque la discipline fait surgir les formes les plus déconstruites. C’est au cœur du paradoxe que naît le génie des trois Américains. Rien de strictement novateur pourtant ; Wolf Parade et TV on the Radio avaient déjà amplement creusé les ornières de l’indie rock démembré. Mais l’efficacité est irrémédiablement présente. « The Pelican » hisse l’album à ses premières hauteurs ; à cause d’un piano malmené qui scande des voix presque plaintives dans un vertige d’émotions. Le mystère d’une telle puissance tient jusqu’à « Wet’n rusting », single agréablement schizophrène, où la candeur pop effleure une gravité troublante. Le dramatique exerce la fascination sans léser l’harmonie mélodique. Et, toujours, l’intérêt demeure dans le côté abrupt des profondeurs. En surface, l’écoute de « Friend and Foe » peut glisser et s’étioler par ses breaks parfois épuisants. Mais à qui laisse tomber ses résistances, s’offre une œuvre dense, riche et intense.