Sufjan Stevens sait raconter des histoires. Souvent autobiographiques, elles n’en sont que plus belles. Touchantes. Pourtant, évoquer Sufjan Stevens devient douloureux. La starification du garçon provoque, chez nous, une foule sentimentale sans précèdent. Avouons-le : on aurait apprécié que Sufjan demeure notre secret le mieux gardé. Mais on le savait trop beau, trop doué pour s’arrêter au bord d’un lac après un « Seven Swans » (2004) rédempteur. Un an plus tard, ce banjo illuminé, ces accords acoustiques et cette voix d’ange devaient pousser les curieux à venir humer « Illinoise ». Fin du secret. Terminé. L’album de la consécration aiguillait Stevens en direction du panthéon des singers-songwriters. Ses chansons, d’une beauté désarmante, venaient remplacer Elliot Smith dans les cœurs transpercés des fans et mettaient en avant un artiste illuminé, capable de chanter la grande Amérique par le prisme d’une humanité confondante.
Suite à ce succès (inespéré ?), Sufjan Stevens laisse aujourd’hui tomber « The Avalanche », chutes sonores abandonnées lors de la confection d’« Illinoise ». Certes, on pourrait crier au scandale, affirmer que notre meilleur copain tire sur une corde commerciale bien tendue. Rien de tout cela. Cette Avalanche de chansons constitue la preuve irréfragable du talent inébranlable de Sufjan Stevens. Cet homme est un héros. Et on l’aime. Pour ces qualités et ses (petits) défauts. Oui, Stevens est faillible. Pourquoi s’obstine-t-il à livrer trois versions alternatives de « Chicago » lorsque la version enregistrée sur « Illinoise » demeure inégalable ? Pourquoi persévère-t-il à signer des albums marathoniens (près de 80 minutes au compteur) ? Toutes ces questions trouvent certainement réponses dans l’esprit éclairé de Stevens. Nous, on reste là. A écouter ces merveilleux débris. Magnifique carcasse sonore pour laquelle de nombreux artistes se battraient toute une vie. Insolent, Sufjan Stevens leur balance ses magnifiques déchets. On en connaît qui vont encore faire les poubelles...