Cinq garçons doués, des noms sur mesure pour se tailler une place dans les encyclopédies du rock : Julian Casablancas (chant), Nick Valensi (guitare), Fab Moretti (batterie), Nikolai Fraiture (basse) et Albert Hammond Jr. Mais est-il encore nécessaire de les présenter ? Depuis les attentats du 11 septembre, les médias évoquent davantage les Strokes que Ben Laden. L’embrasement médiatique provoqué par l’initial « Is This It » est vite retombé sur les petites converses du quintet new-yorkais. Au lendemain des tremblements sonores engendrés par « Someday », « Last Nite », « Take it or Leave it », la vie des Strokes avait changé. C’était difficile à expliquer, « Hard to Explain » qu’ils chantaient. Sans l’aide de personne, ces enfants de la Grosse Pomme relançaient le rock : une mode désuète, un genre plongé dans la pénombre des projecteurs braqués sur une musique désincarnée. Les Strokes, un look, des mélodies, une attitude. Deux ans plus tard, « Room on Fire » est attendu au tournant, forcément. La critique est sévère. Ce deuxième album valait pourtant son lot de magie. Aujourd’hui, les Strokes reviennent et confessent leurs « Premières Impressions de la Terre » par le prisme d’une subtile métaphore. « First Impressions of Earth » retrace, en effet, les premières sensations du succès traversé par les Strokes. A cet égard, les paroles de Casablancas demeurent sans équivoque. ‘Tout le monde me regarde mais ce n’est pas évident de rester debout, sous ses lumières, dans l’attente d’un peu d’action’ (« Juice Box »), ‘Je les déteste tous, je me hais de les détester, alors je bois un peu plus, et je les aime tous, alors je bois encore, et je les déteste encore plus qu’au début’ (« On The Other Side »), les exemples sont légion. Caché derrière sa première personne du singulier, Julian répertorie ses mésaventures, les revers d’un triomphe international qui, dans un groupe, peut avoir des retombées mortelles. Musicalement, le troisième disque des Strokes ravive une flamme éteinte depuis « Room on Fire ». Les mélodies éclatent ici et là, fulgurance sonore et bravade de riffs sans concession. Mais attention, au risque de replonger dans les tréfonds de la critique, des jugements hâtifs qui avaient rangé le deuxième album des New-yorkais dans le bac recalé, « First Impressions of Earth » ne s’apprivoise pas sur une longueur. Après plusieurs écoutes, seulement, ce disque devient le meilleur ami du mélomane. Tout est bon à prendre. Même l’intro de « Juice Box » piquée au « Brand New Cadillac » des Clash (NDR : ou aux B-52’s, ce n’est pas encore très clair) en devient attachante. La grande force des Strokes est de retour : la mélancolie rageuse de Casablancas et sa nonchalance énergique viennent épouser les contours de riffs primitifs, tellement plaisants, flamboyants. Les guitares, justement. Plus en avant, elles appuient les courbes vocales de Julian qui, bien souvent, abandonnent son traditionnel filtre de distorsion. Une gratte gravée des initiales de Nick Valensi vient d’être lancée sur le marché. Cette apparente arrogance commerciale se légitime amplement dès l’entame du solo de « Vision of Division » où Nick tricote les cordes de sa guitare, à l’instar d’un improbable Dick Dale. Plus surprenant, Fab s’efface un instant de l’univers idyllique esquissé par les Strokes au profit d’une boîte à rythmes. Tel un crooner, Julian prêche ainsi son imperméabilité à la célébrité sur « Ask Me Anything » : ‘Je n’ai rien à donner, aucune raison de vivre, mais je me bats pour survivre, je n’ai rien à cacher’. Alors, « Is this It » ? La question que tous les observateurs sont en droit de se poser. Est-ce le plus grand album de rock de tous les temps ? Certainement pas. Les Strokes sont déjà confortablement assis dans l’histoire et une simple impulsion leur suffit pour lâcher un album redoutable. « First Impressions of Earth » est le disque de la semaine, du mois. L’année, elle, attendra.
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