Un disque country. La peur s’empare de la foule. On en imagine certains qui hurlent à la mort, le poil dressé et la bave aux commissures tandis que d’autres brandissent déjà des battes de base-ball, prêts à dégommer deux ou trois porteurs de stetson avant qu’ils n’aient eu le temps de dire ‘Vote W’. Pourtant, si on racle l’épaisse couche de crasse, la country n’est pas l’apanage de bouseux en manque de bière chaude et peux révéler une noblesse rare, voyageant dans les bagages de quelques orfèvres passeurs de trésors. On pense à Gram Parsons, Waylon Jennings ou Johnny Cash, chantres d’une musique outlaw et rebelle, qui ont engendré de jeunes pousses telles que les Long Ryders, les Replacements ou encore Green On Red. C’est dans cette étroite descendance alternative country que se situent les Hackensaw boys. Dès les premiers accords bravaches de « Sun’s work Undone », Neil Young est interprété par Uncle Tupelo, période Peter Buck, prouvant si c’était encore utile que le banjo demeure l’instrument le plus mélodieux de la création. Première gifle infligée, le combo de Charlottesville propose quelques morceaux à l’inspiration rednecks balancés avec la dose d’humour nécessaire à ce genre d’exercice (séchez vos mirettes, on reste bien loin du vomitif « Cotton Eyed Joe ») enrobés de délicieuses litanies pastorales mêlant folk et country. C’est d’ailleurs dans ce genre de manœuvres que les Boys s’en sortent le mieux. Par la grâce d’une emprise ancrée dans un glorieux passé, le groupe saupoudre son nouvel opus d’influences toutes assumées avec « We Are Many », tout droit sorti de la bande originale de « O’ Brother » ou « Bordertown » où ils se payent le luxe de ne pas inviter Emmylou Harris. « Buildings Are The Cages », petite note philosophe, achève de convaincre les plus sceptiques. Un disque hors du temps, propulsé par une bande de gosses vivant dans une autre dimension. ‘You will have more friends if you love what you do’ précisent-ils dans les notes de pochette. Ils aiment et ça s’entend. Les Hackensaw Boys ont un nouvel ami.