Ne perdons pas de temps, autant annoncer la couleur, le nouvel album de Richmond Fontaine est une claque. Willy Vlautin s’est isolé un mois dans une salle de casino d'hôtel à Reno afin de dépeindre exactement les joueurs, les alcooliques et les pécheurs qui occupent ces lieux d’espoirs déchus. En résulte un tableau effarant de réalisme, dont on ressort agonisant, les tripes à l’air. Chaque chanson est une implacable chronique et une tentative d’explication de notre inéluctable autodestruction. Le talent d’auteur de Vlautin est depuis longtemps centre des attentions. Rien d’étonnant au fait qu’il vienne de signer un contrat pour publier son premier livre. Il possède le timbre de voix désabusé qui nous fait immanquablement croire son récit et qui attire sur ses personnages notre sincère sympathie, plutôt que pitié ou condescendance. Débarrassé de ses oripeaux country, le groupe livre des comptines folk, que Willy Vlautin semble interpréter seul dans la plupart des cas. Des compositions parsemées de délicates notes de piano, empruntant quelques ambiances à Nick Drake ou Calexico, toujours graciles et d’une profondeur triste. « There’s no one else I can talk to… » conclut-il. Paradoxalement, il semble s’adresser à chacun d’entre nous, nous plongeant dans la confidence. Et nous buvons ses mots, ivres mais comblés.