A l’écoute de cet album, on est immédiatement frappé par l’originalité du son. Et la production de Colin Linden n’y est certainement pas étrangère ! Dès "Winter birds", la machine rythmique est en marche : la basse sourde de Linden et les percussions à l'avant-plan de Bryan Owings crèvent le décor. Et paradoxalement, elle côtoie une guitare acoustique fragile. "Big not small" baigne également au sein de cet univers si particulier, que le label Fat Possum semble cultiver depuis quelques années. La voix adopte un ton monocorde. Elle contrebalance l’instrumentation, pour la circonstance enrichie d'une mandoline. Le titre maître traduit toute l’élégance manifestée par l’artiste, pour sa musique, tout au long de cet opus. "Long gone music" évoque un passé lointain. La voix traîne face au violon discret de Kathleen Edwards. Larry Taylor est à la basse. "Luck in love" nous plonge davantage dans l’insolite. C’est le moment choisi par Reddick pour sortir son harmonica. Le piano de Richard Bell et la mandoline de Linden sont également de la partie. Il se dégage un charme indéfinissable de cette plage. L'album monte en régime. Très roots, "Waves" opère un dialogue entre l'harmonica et le dobro. La voix de Paul y est tellement authentique qu’elle communique un effet irrésistible de pré war blues! "So long thank you goodbye" exhale le parfum suranné d'un jug band. Ballade douce, sereine, particulièrement apaisante, "Round this time of year" est magnifiée par la beauté de l’harmonica. Un harmonica soutenu par une guitare qui épouse la sonorité d'une pedal steel. "Five silver dollars" maintient cette beauté paresseuse et caressante. Le mal être du début d'album refait surface. Une atmosphère dramatique et oppressante règne tout au long de "Six was the six". Bell est de retour au piano. Une plage impressionnante, nonobstant le son trafiqué! Linden remet une couche de loops pour envelopper la voix sur "Hook's on the water". La basse de Dymond est linéaire. Gary Craig y essaime d’épisodiques percussions. Linden a ramené sa guitare d'outre-tombe. Et sa mainmise sur la production est toujours bien présente pour "Blue eventide". Une compo qui nous entraîne dans l'ambiance lourde et minimaliste du Velvet Underground d'autrefois. Et ce climat ne change guère sur les plages suivantes. Avant de retrouver un titre à la sonorité quasi classique : le superbe blues lent "Dog Catcher". Stephen Hodges est à la batterie et Larry Taylor à la basse : la rencontre du mystère et de la beauté. Country blues "Some afternoon alone" achève l’opus. Un fragment au cours duquel la voix et les cordes de Linden évoquent Lightnin' Hopkins. Nonobstant son originalité, cet elpee peut parfois déranger ; parce qu’il est avant tout le résultat d’un travail de production.