Au cours des dernières années de la vie de Muddy Waters, l'albinos texan a beaucoup côtoyé le seigneur du Chicago blues. De son véritable nom John Dawson Winter, le Texan d’adoption était né, en réalité, dans le Mississippi. A Leland très exactement. En 1944. Au cœur des années 70, il est au sommet de sa gloire en pratiquant un rockin' blues, hard et largement amplifié. C’est à cette époque qu’il devient le producteur de Muddy Waters. De cette collaboration, 4 vont naître : "Hard again" en 1977, "I'm ready" en 78, "Muddy 'Mississippi' Waters Live" en 79 et enfin "King Bee" en 81. D’excellente facture, cette compilation réunit des extraits de ces 4 productions, très judicieusement intitulées "The Johnny Winter sessions". Parmi les collaborateurs, on ne décèle que d'excellents musiciens ; et en particulier le drummer Willie ‘Big Eyes’ Smith et le pianiste Pinetop Perkins. Et pour cause, ils sont sur la brèche du début à la fin de l’opus.
L’elpee s’ouvre par un royal "Mannish boy", un morceau inspiré par le "I'm a man" de Bo Diddley. Le riff puissant trame la plage. James Cotton est préposé à l’harmo. La voix du maître est superbe, terriblement expressive. Le tempo hypnotique. La répétition incessante du même accord traduit le pouvoir d’envoûtement de la musique de Waters ; mais aussi son potentiel sexuel! La production de Johnny Winter confère une coloration franchement rock à l'ensemble. De quoi chatouiller les oreilles des bluesmen. A l’instar du "I want to be loved" de Willie Dixon, au cours duquel, les percus de Big Eyes Smith sont littéralement hantées. Des percus qui galvanisent la section rythmique pendant que l'harmo accrocheur de Cotton talonne toutes les phrases du leader. "The blues had a baby and they named it rock and roll" est un titre très significatif. Pour la première fois, Winter se met en évidence à la guitare. "Crosseyed cat" est encore un extrait de l'elpee paru en 77, sur lequel Waters se réservait les vocaux. Un morceau qui met en exergue les interventions bouillonnantes de Cotton. Il est alors au sommet de son art. De son côté, Pinetop Perkins s'amuse comme un petit fou derrière ses ivoires. Un bottleneck détonant mais séduisant froisse l’acoustique, "I can't be satisfied".
Pas moins de sept plages sont issues d’"I'm ready". Bob Margolin est passé à la basse. Le grand Jimmy Rogers est préposé à la guitare et deux souffleurs participent à cette série de toute bonne facture. Un noir : Big Walter Horton. Et un blanc : Jerry Portnoy. Le titre maître est le théâtre d’un véritable festival à l’harmonica. Se succèdent Big Walter. Puis Jerry. La version de "Rock me" est bien plus contemporaine que l’originale. Le leader sort enfin sa slide et impose l’intro tant attendue destinée à attaquer le blues lent magique "33 years". Le "I'm your hoochie coochie man" est un classique parmi les classiques. Johnny Winter s’illustre à la slide et Horton à l'harmo. "Good morning little schoolgirl" autorise Portnoy à prendre un ticket de sortie.
"Baby please don't go" relève de "Live", un opus remontant à 79. Jerry Portnoy s’est affranchi à la musique à bouche. Les échanges de cordes se multiplient entre Winter, Margolin et Luther Johnson. La même équipe embraie par "Trouble no more".
Quatre plages sont extraites de "King bee", le quatrième volume, dont une excellente reprise du titre maître. Et bien rythmée ! Ensuite, une adaptation délicate du "Mean old frisco" d'Arthur Crudup. Puis "Champagne & reefer", que Muddy attaque armé de sa slide, soutenu par Bob Margolin et Guitar Jr Johnson. Et enfin, "Keep me in trouble", un titre au cours duquel plane le souffle magique de James Cotton.
"Walking thru the park" clôt les hostilités, un fragment immortalisé sur l'album de Winter, "Nothin' but the blues". Epaulés par Cotton, Muddy et Johnny conjuguent leurs vocaux. Vous savez tout ou presque sur le sujet et ce qu’il vous reste à faire…