En 2022, la mort inopinée du drummer Taylor Hawkins laissait Foo Fighters dans une douloureuse incertitude quant à son avenir. En 2023, paraît un nouvel LP, une tournée mondiale est annoncée et Josh Freese remplace le batteur décédé. Comment aborder la mort de proches à travers la musique ? C’est le délicat défi que propose Foo Fighters. Mais pour enregistrer cet opus, c’est Dave qui siège derrière les fûts. Les deux derniers elpees de Foo Fighters manquaient d’inspiration. La formation semblait s’être installée dans une zone de confort qu’elle n’arrivait plus à fanchir. Sur « But Here We Are », Dave Grohl et ses complices en reviennent aux sources. C’est le onzième long playing studio en 28 ans de carrière.
« Rescued » ouvre les hostilités et se distingue par ses paroles puissantes, percutantes et significatives (« It came in a flash/It came out of nowhere » (Cela est arrivé comme un éclair/Cela venait de nulle part) ainsi que ses riffs incisifs. Alors qu’habituellement, Grohl construit des envolées lyriques et des variations d’octaves pour exprimer vocalement la progression d’une chanson, ici il emprunte un chemin différent. Sa voix manifeste une forme de résignation plaintive, mêlant parfois optimisme et douleur. C’est une manière plus nuancée de communiquer les émotions liées à son deuil. Un autre retour aux sources jaillit d’« Under You ». Ses airs enjoués et son énergie faussement naïve rappellent « The Colour And The Shape » (1997).
Ce disque prend le contrepied du précédent, « Medicine At Midnight ». Il s’inscrit à la fois dans la lignée des Foo Fighters de 1997 (« Under You » pourrait être une chute de bande qui a servi au premier album, paru en 1995) voire de 2002 époque « One By One », mais habité par toute la souffrance féroce qu’un homme a besoin d’évacuer, avec comme point d’orgue le morceau maitre qui atteint donc des sommets d’intensité. Il est dans la continuité de la plage précédente. « The Teacher » constitue la pièce maîtresse. Elle rend hommage à Virginia Grohl, sa mère écrivaine disparue. Durant les dix minutes de cette piste, le chanteur nous entraîne dans un voyage introspectif à travers une relation parent-enfant confrontée aux défis de la mort. Il se questionne sur la transmission, l’après, l’annonce de sa propre mort à venir et celle des êtres qui lui sont chers. Telle une chevauchée épique, cette compo commence de manière planante, puis se distingue par des riffs incisifs soutenus par une batterie galopante avant de laisser la place à un abandon et de s’achever par un ‘goodbye’ empreint d’émotion contenue.
La formation évite cependant de sombrer dans le pathétique et, a contrario, atteint une forme de douceur et d’apaisement. C’est une composition plutôt inattendue dans le répertoire de Foo Fighters.
« Hearing Voices » élève le tempo alors que la voix de Grohl se déploie majestueusement et reproduit son originelle vigueur d’antan. Néanmoins, cet elpee manque de quelques brûlots énervés et incendiaires dont la band a pourtant le secret. Des traces de colère, souvent ressentie après une perte aussi soudaine et inexpliquée, auraient pu pimenter la plage. Une certaine résignation envahit même le titre maître. Dave Grohl pousse sa voix sur certains mots, atteignant presque le cri pour insuffler davantage de force au message. Nonobstant la ligne de basse groovy, « Nothing At All » souffre de son refrain trop formaté. Peu convaincant, « Show Me How » manque de dynamisme.
Le long playing recèle deux ballades, « Beyond Me » et « The Glass ». La première manque singulièrement de punch. Minimaliste, la seconde se signale par une intro émouvante.
Légèrement teinté de psychédélisme, « Rest » oscille entre légèreté et lourdeur. Une belle manière de clore cet opus. Car s’il est dédié à Taylor Hawkins et Virginia Grohl, il ne faut pas oublier que Foo Fighters s’est formé à la suite de la disparition de Kurt Cobain. Son ombre plane d’ailleurs tout au long de l’œuvre…