J’ai toujours éprouvé une certaine sympathie, voire admiration, pour ce vieux roublard de Snoop Dogg. Son flow nonchalant et unique ainsi que le mythe gangsta qu’il cultive en sont plus que probablement les causes. D’ailleurs, les singles ‘laidback’ « What’s My Name » et « Drop It Like It’s Hot », parcourus de beats tellement originaux ainsi que l’album « The Last Meal », paru en 2000, méritent assurément leur place au panthéon du hip-hop. Mais mon respect pour l’artiste ne s’est jamais traduit en béate vénération… Car après avoir écoulé près de 40 millions d’albums, le rappeur semble s’essouffler…
« Malice N Wonderland » constitue déjà le dixième long playing de Cordozar Calvin Broadus Jr. (NDR : absolument, même son véritable nom est sorti tout droit d’un dessin-animé !) Et première constatation, une foule de guests ont participé aux sessions d’enregistrement. Pas nécessairement une bonne idée. Elle est même carrément fatale. Le phrasé si séduisant du natif de Long Beach se suffit pourtant à lui-même. Pourquoi rameuter une foule de pseudo étoiles montantes afin d’agrémenter ses morceaux, alors que ses, trop rares, essais solos (« I Wanna Rock » produit par Dr.Dre ou « 2 Minutes Warning) s’avèrent de bien meilleure facture…
Les invités haussent rarement le niveau. A la limite, la présence de vieux briscards comme Kokane sur « Secrets » (NDR : déjà présent sur les meilleurs morceaux de « The Last Meal »…) et R. Kelly sur « Pimpin Ain’t EZ » apportent un léger plus. Mais pour le reste, c’est un véritable désastre pour un artiste qui, avec Dr. Dre, a écrit les plus nobles pages du hip-hop West-Coast. Le Dogfather se fait vieux. Une chose est sûre, il est en perte de vitesse. Aurait-t-il atteint la limite d’âge pour rapper ? Lorsqu’on entend ce que Gil-Scott Heron produit dans son registre, on se dit que l’âge n’est pas une excuse mais que l’argent anesthésie probablement l’inspiration. Les collaborations opérées auprès des jeunes chiots du hip-hop sont sirupeuses à souhait et lorgnent vers un R’n’B bas de classe. Et les sommets de l’horreur sont atteints par « Different Languages », lors d’un duo échangé en compagnie de la chanteuse R’n’B Jazmine Sullivan ainsi que l’autotuné « Pronto » (NDR : impliquant celui que le Snoop qualifie de neveu, Soulja Boy).
« Malice N Wonderland » est un disque à oublier au plus vite. Seuls les fans irréductibles du pape du G-Funk sont susceptibles de s’en contenter. Mais si l’étoile du Prince du hip-hop West-Coast est occupé de pâlir, il ne faut pas nourrir la moindre inquiétude à son égard, car il est en mesure de bien vivre de sa réputation forgée au cours des 90’s. Et puis, même s’il perd ses couleurs, son astre navigue à des années lumières au-dessus de celui d’un certain 50 Cents…