William est considéré come un des plus grands souffleurs du blues. Un des génies de l'harmonica chromatique, et sans doute le meilleur élève de Georges ‘Harmonica’ Smith ; n'en déplaise à Rod Piazza ! Hélas, son cœur l'a lâché le 3 novembre 1996. Il n'avait que 45 ans. Sa veuve, Jeannette Lodovici semble avoir surmonté l’épreuve de sa disparition ; et une chose et sûre, elle dirige d’une main de maître la carrière posthume (si l'on peut dire) de Clarke, en compagnie de leur fille Gina. Elles nous avaient déjà légués plusieurs brillants témoignages discographiques consacrés à l’artiste, dont un superbe "Live in Germany", "Now that you've gone", "One more again" et deux volumes de "The early years". Sans oublier "My last goodbye", une vidéo lui rendant hommage. La source semble inépuisable, puisque vient de paraître "Live bootleg cassette Anthology". Pas vraiment un bootleg, puisqu’il est édité sur le label Watchdog de Miss Jeannette. Des prises ‘live’, immortalisées sur de modestes enregistreurs à cassette. Ce qui n’empêche pas le charme d’exercer son effet.
Sur les onze plages, huit sont issues d’un concert accordé à San Francisco, en 1991. Les trois dernières de sa toute dernière tournée accomplie 1996. Nous sommes à San Francisco. Bill est planté au milieu de la scène. Comme d’habitude, il est entouré de musiciens brillants : Zach Zunis et Rick Holmstrom aux guitares, Will Brinlee à la basse et Lee Cambell aux drums. Après une brève introduction, il attaque "Walked all night long". Et on entre instantanément au sein du fabuleux univers nocturne de Clarke. Le tempo est vif. William crache déjà des phrases assassines sur son harmo. L'ensemble libère un groove pas possible. Parfaitement huilé, le band peut hausser le rythme. L’attaque perpétrée sur le "Lollipop Mama jam" de Roy Brown est incisive et directe. Cette compo ouvrait "Blowin' like hell", le premier elpee, paru en 1991, chez Alligator. Les cordes de Holmstrom explosent dans un style digne du Hollywood Fats Band au sommet de son art. Ce west coast jump évolue en première division. Les poumons de William sont gonflés à bloc. A cette époque, il pétait encore la santé. Une compo qui atteint un véritable sommet, même si le son n'est pas hi-fi. Et puis tant pis ou tant mieux! Les deux gratteurs conjuguent leurs talents à merveille, tantôt en soliste, tantôt à la rythmique ; mais toujours au service du leader. L'introduction de "Telephone is ringing" est percutante et tonique (NDR : ce titre figurait sur "Groove time", et impliquait Kid Ramos à la guitare!) Mr Clarke entame enfin un blues lent, "Must be jelly", un hommage appuyé à son maître Georges Smith, au cours duquel Bill aligne des notes invraisemblables. Bref mais percutant, "Trying to stretch my money" campe un shuffle californien, un morceau caractérisé par le rôle des guitares rythmiques qui poussent sans cesse leur leader vers l'avant. "Lonesome in my bedroom" est un blues lent. Le type de compo au cours de laquelle Clarke injectait toute sa passion, au point où parfois il était au bord des larmes. Ce cri d'amour et de désespoir est vraiment bouleversant. La fin du concert approche ; et le présentateur le remercie. Mais c’est avec un pincement au cœur que nous écoutons religieusement "Bill's last tune… Goodbye".
Au beau milieu de la plaque, figurent trois plages extraites d'un concert accordé lors de son dernier périple accordé en 96. Paul Bryant se réserve les cordes, Rick Reed la basse et Brian Fahey les drums ; mais seul Mr Clarke se libère comme soliste. Se succèdent ainsi l’émouvant, mais prémonitoire "My last goodbye", un blues lent qui transpire le vécu. Un morceau au cours duquel on a l’impression que l'harmonica chromatique reste collé à ses lèvres. Puis deux plages plus rythmées. "Home is where the heart is" et un "Loose your life", marqué par ce riff à la Bo Diddley, une compo au cours de laquelle le maître s’autorise une sortie remarquable sur son instrument. Un riff signé Paul ‘Pops’ Bryant, c’est-à-dire plus que probablement le dernier guitariste à avoir accompagné Clarke sur la route ; un chemin parcouru depuis la fin 94 jusqu'au 20 octobre 96, à Abilene Texas. Deux semaines plus tard, William quittait ce monde. Repose en paix l'artiste!