Le Kilborn Alley BB est un groupe issu de Champaign, près de Chicago. Il sillonne les routes, depuis pas mal de temps. Son line up réunit Joe Asselin à l’harmonica, Chris Breen à la basse, Andrew Duncanson à la guitare et au chant, Ed O’Hara aux drums ainsi que Joshua Stimmel à la guitare. Ils collaborent régulièrement avec Johnny ‘Yarddog’ Jones, un bluesman noir originaire de Detroit. Eponyme, leur premier opus est paru en 2003, sur le label Pee Dee. "Put it in the Alley" constitue leur second. Enregistré fin 2005 à Chicago, ce disque a été produit et mixé par leur ami Nick Moss. Ils signent pratiquement tout leur répertoire.
L'ouverture est royale. Elle me rappelle les débuts du Paul Butterfield Blues Band, opérés voici environ 40 ans. Andrew jouit d’une voix puissante, adaptée à ce type de musique. "Your next baby's daddy" est explosif. Joe souffle rageusement dans son harmonica pendant qu’en arrière-plan, une slide rôde dans l'ombre. Différent, "Tales from the Alley" évolue sur un tempo exotique : un mambo. Un style régulièrement adopté dans l’univers du Chicago Westside (NDR : pensez à Otis Rush !) Ces aventures de la Kilborn Alley paraissent bien excitantes. Asselin dispense un solo d'une tristesse infinie. On est au bord des larmes, tant l'émotion est parfaitement traduite. Sauvage et immédiat, "The blues take me in" est imprimé sur un rythme soutenu. Nous ne sommes ici plus tellement loin d’un Sonny Boy Williamson. Pourtant, j’avoue être davantage séduit par les thèmes lents. A l’instar de "Thousand miles". Joe fait pleurer son instrument. Le son traduit un sentiment de désespoir. Persuasif, Duncanson chante impeccablement. Son interprétation fait mouche. Son timbre évolue régulièrement dans un registre proche d’Eric Burdon. Et c’est un compliment ! Blues lent, "Can I get a hello?" nous plante dans le décor du Southside blues de Muddy Waters… Malheureusement, toutes les compos n’atteignent pas le même niveau. Parfois, la section rythmique trahit quelques signes de faiblesse. Et je pense tout particulièrement aux lignes percussives tracées sur "Can I get a hello?". Une situation reproduite tout au long de "Soldier blues" ainsi que sur le très primaire "Behind my back", même si cette dernière plage ne manque pas de charme. Les musiciens avouent avoir vécu des moments difficiles sur la route. Et ils restituent parfaitement ce sentiment de souffrance sur "Got dues to pay". Le spectre de Howlin' Wolf hante ce fragment parcouru par le saxophone de Dave Fauble, réminiscent d’Eddie Shaw. La fin de parcours est plus heureuse. "Home to my baby" en est la plus belle illustration. Un boogie sans artifice. Les musiciens y reprennent le refrain en chœur pendant que Joe décolle. Ce dernier empoigne son instrument chromatique pour attaquer "The breakaway", un de ces blues dont le sympathique George Smith avait le secret. Duncanson injecte toute sa rage et sa passion dans son chant. A l’instar du maître, Muddy Waters, il exécute un dialogue entre ses cordes. Le dépouillement musical manifesté ici est le gage d'une rare qualité. Le message du blues passe en force. Mais dans l’univers du blues lent, "Mr Campbell's blues" constitue un sommet. Parcimonieuses, les notes restituent cette sensibilité à fleur de peau. Nick Moss à la guitare, Gerry Hundt à l'orgue Hammond et Dave au sax sont au sommet de leur art. Nick et Gerry reviennent pour participer au titre final. Intitulée "I like to live the love", cette ballade est attachante et stimulante. Andrew Duncanson possède une excellente voix. Joe Asselin est talentueux. Et le Kilborn Alley BB réunit une équipe de passionnés : de véritables blues soldiers. Enfin, pour que votre information soit complète, sachez que Kate Moss s’est chargé des illustrations de la pochette, reproduisant une Kilborn Alley bien peu engageante…