Totalement ignoré par la presse internationale, « Featherbrain », quatrième long-playing de la musicienne norvégienne, appartient certainement aux curiosités cachées de l’année 2012 et peut même être signalé comme l’un des albums pop-rock les plus surprenants de cet exercice.
Perdue dans un tourbillon musical scandinave qui ne cesse de produire de plus en plus d’artistes, Hanne Hukkleberg se distingue pourtant comme l’une des figures de proue de cette nouvelle génération de musiciens issu du Nord, depuis la sortie de son premier Ep en 2003 (« Cast Anchor ») et rapidement confirmé par un étonnant premier album en 2004 (« Little Things »).
En publiant cette cinquième réalisation, la chanteuse-compositrice norvégienne s’élève, cependant, au sommet de son art. Un douze titres sur lequel chaque microsillon s’enchevêtre parfaitement pour filer une toile d’une densité exceptionnelle de texture. Un ensemble riche, luxurieux, construit de mélopées mélancoliques et potentiellement infinies qui dérangent les tympans.
On pourrait se laisser glisser sur la pente de la facilité, succomber à la tentation des comparaisons convenues et raccrocher les compos de la jeune diplômée du conservatoire d’Oslo aux wagons Stina Nordenstan, Björk, Emiliana Torrini ou encore Soap&Skin. Pourtant, le monde de Hanne est bien incontestablement singulier et nous réjouit de solides compositions aux structures audacieuses. Une instrumentation dérangeante aux sons coupés, déchirés, qui parvient à tisser une atmosphère souvent inquiétante et imprévisible. Tout au long de ce disque, abondent, fourmillent, se télescopent, l'imagination, l’excentricité, la subtilité, l'audace et la délicatesse ; la noirceur et la vitalité, la retenue et l'exubérance.
Typiquement nordique dans ses ambiances, singulièrement expérimental, se jouant des styles et des conventions, chaque titre est unique. Les tonalités sont continuellement modifiées et il serait inutile de chercher deux chansons au même niveau d'intensité. Un quatrième essai sorti de l’imagination créative de l’artisane norvégienne qui se distingue par ses structures ingénieusement bricolées sur lesquelles elle n’hésite pas à user et d’abuser de sonorités incongrues : bruits de chandeliers, sonnettes de bicyclettes et autres ronronnements de chat...
« My Devils » sombre d’ailleurs rapidement dans des mélodies étranges, des airs entre insouciance et sérénité, nous rappelant sans cesse et sans concession, aux profondeurs de son identité nordique. Un morceau au chant parfumé de la robotique de Karin Andersson Dreijer (The Knife) et de la tessiture décontractée de Phil Elverum (The Microphones). Quant à « The Bigger Me », morceau qui aurait très bien pu être enregistré dans une cuisine, il s’agite d’un dépouillement bricolé et fait écho à des percussions de bocaux, de casseroles et à des sifflements de bouilloire. « Erik », piste de clôture, brille encore d’excentricité et contraste complètement avec le reste de l’album. Un titre qui nous offre un insolite et improbable duo chanté en norvégien par Hanne Hukkelberg et Erik Vister, illustre inconnu de 88 ans, et accompagné de quelques notes intemporelles sorties d’un vieux piano désaccordé. Un duo intergénérationnel surprenant.
Hanne Hukkelberg, une artiste qui n’a pas fini de nous étonner.