Inutile de jeter le trouble en précisant d’emblée de quelle formation contestée et contestataire sont issus deux des membres de Kreda, tant les 4 compositions de « Crest » sont personnelles, frondeuses et ne nécessitent aucunement un lien de parenté, qui du reste, fausserait, dans le cas présent, le prisme de la perception.
Voyez plutôt en cette formation anglo-slovène l’association maligne de talents curieux aux ambitions ouvertes sur différents types d’expression alliant musique expérimentale et installations visuelles. Si l'elpee dont il est question ici, ne propose pas, par la force des choses, d’embrasser les différents aspects de sa vision artistique, il s’agit néanmoins d’une excellente introduction à son univers.
Élément central de cette escapade aventureuse, la voix de Mina Spiler, atome autour duquel viennent tournoyer les deux électrons libres que sont Matevz Kolenc et Alastair McNeil, collaborateur de Roisin Murphy.
C’est donc cet élément vocal qui fabrique la matière d’un univers sombre et passionnant, recelant ses parts de lumière et d’espoir.
Des vocalises qui sombrent au cœur des ténèbres pour s’élever ensuite vers des cimes étoilées en l’espace d’un instant. Emmenant dans leurs sillages un voile de mystère troublant, telle une nébuleuse en mouvement.
Se faisant, les rythmiques et autres sonorités binaires qui jonchent le chemin sur lequel nos oreilles charmées ne tardent pas à se fondre, ne sont pas en reste. Car toute l’inventivité des compositions se révèlent en miroir, justes répliques aux accents et intonations de Milna Spiler.
Plus loin, la ballade onirique se prolonge, accentuant toujours l’intriguant voyage en ces terres balayées de mystère.
Mais si la musique s’adresse directement à l’intellect, elle ne laisse pas pour autant le cœur en friche. Dressant la cartographie de ses terres en peignant le portrait d’une humanité en recherche d’elle-même, « Emotional Tides » résume à lui seul la démarche du groupe.
Voyage au long des canaux vénitiens, il revisite l’histoire par le prisme des émotions humaines.
À l’instar de sa musique, le trio opère de façon anarchique ; s’imprégnant d’abord de la matière visuelle d’Atej Tutta, réalisateur et vidéaste vénitien avant de régurgiter des sons. Un concept qui laisse libre cours à une filmographie toute personnelle dont l’auditeur est libre de s’en accaparer les motifs pour en remodeler les contours.
Bref, une musique dont la genèse est l’image et qui génère un flux d’autres images, propre à chacun.
Il serait pertinent de découvrir Kreda et de s’immerger totalement dans cet ensemble, à l’embouchure de leur créativité, mais en toute vérité, les panoramiques offerts à notre imagination se suffisent déjà à eux-mêmes.
Une association de talents et de visions pertinentes, menant à un projet binaire excitant du début à la fin, sensiblement éloigné du berceau industriel du groupe dont sont issus la moitié de ses membres.