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Stéphane Reignier

Stéphane Reignier

samedi, 31 août 2024 19:22

Août en Eclats 2024 : samedi 31 août

Août en Eclat est LE rendez-vous incontournable de fin d’été. Gratuit, familial et pluridisciplinaire, ce festival accueille, depuis 2005, une vingtaine de spectacles, un village des enfants, un marché du monde et des saveurs ainsi que des animations de rue. Arts circassiens et concerts en tous genres trouvent un magnifique écrin sur les places Verte et Van Zeeland, en plein centre historique de Soignies.

Une journée fort attendue par petits et grands, d’autant plus que l’ensemble des activités et des concerts ne coûtent que dalle. Et gratuité ne rime pas avec facilité, puisque d’année en année, l’affiche se veut de plus en plus alléchante. La preuve, cette année, les Négresses Vertes et Stephan Eicher, qui se chargera de présenter une rétrospective d’une carrière longue de 40 ans, vont clore la journée.

Le soleil est généreux, tout comme d’ailleurs l’ensemble du staff qui ne ménage pas ses efforts pour que les festivités puissent se dérouler sans accroc. Bravo à eux !

Côté musique, deux scènes se côtoient, la grande pour les artistes confirmés et la plus petite pour celles et ceux, qui pourraient le devenir.

Sur le coup de 13h30, CestCalvin ouvre les hostilités sur la petite scène. Il s’agit d’un tout jeune gaillard d’à peine 24 berges. Auteur, compositeur, réalisateur et interprète hip-hop, il est carolo d’origine. Sa particularité ? Il s’est construit à la seule force de ses vibes.

Fils d'un bassiste de jazz, il baigne dans la musique et la culture afro-brésilienne depuis son plus jeune âge. Fort de ces influences, mais également de celles d'artistes comme Daft Punk, Outkast ou encore de la scène rap issue de la côte Ouest américaine, son premier morceau posté sur Instagram, « Ignorance », a été enregistré sur son téléphone, dans sa chambre. Osé, non ?

Le jeunot est accompagné d’un comparse qui lui procure un support musical à l’aide de sa platine (NDR : rares sont ceux qui, en effet, dans ce style, sont épaulés par des musicos). Gageons dès lors qu’il parviendra à remplir l’espace scénique. Il est vêtu d’un polo, capuche sur la tête ; et de grosses lunettes de soleil sont vissées sur son front.

Timide, sa voix tremblote un peu. Ses textes sont largement inspirés d’expériences qu’il a vécues. Il y brosse l’amour, les sentiments ou encore les ex, à l’instar de cette compo légère, mais profondément sincère : « Gros bisous ». Il sait aussi se montrer perspicace lorsqu’il s’agit de décrire son quotidien à l’instar de « All-in », qui vient malheureusement rappeler que la période des congés est un souvenir lointain pour la majorité des festivaliers présents sur le site. Qu’importe, Carpe Diem !

Il s’affranchit. On apprend qu’il a coopéré avec d’autres artistes de renom comme JeanJass, principalement connu pour ses multiples collaborations en compagnie du rappeur belge Caballero. Malheureusement, il n’a pu être présent. Mais que les fans se rassurent, CestCalvin a plus d’un tour dans son sac. Ni une, ni deux, un pote surgit des coulisses. C’est Nicki. Ensemble, ils partagent le projet Tempo. Le jeu du rappeur prend alors une dimension plus professionnelle à travers sa flopée de compos tantôt incisives, tantôt amusantes, à l’instar de « No stress ».

Le set, dans son ensemble, manque encore de cohésion et de profondeur, mais CestCalvin s’en tire globalement bien. Seul bémol, les trop nombreux effets sur la voix, obtenus à l'aide de l’autotune, utilisé à l’origine pour corriger les notes aiguës ou plates de la voix.

The Rackers opère un virage à 180°. Fondé en 2016, ce trio réunit des amis de longue date : Allan Tombeur (basse), Yohan Pisella (batterie) et Jimmy Morais Rosa (guitare, chant).

The Rackers, c’est la tradition du bon vieux rock des 90’s aux influences UK puisées chez Royal Blood, The Strokes, The Rapture, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys, Blur, The Libertines et bien d'autres....

Le groupe rôde ses compos en concert, remporte plusieurs concours et se produit sur de belles scènes, comme au Bota ou dans le cadre du Ronquières Festival. Le succès prenant de l’ampleur et l’envie de partager un univers bien à eux l’incite à enregistrer un premier album. Prometteur, il s’intitule « Lovaria », un nom emblématique dans la Cité des loups. Pas étonnant donc que les lascars arborent des vestes en jeans noires à l’effigie distinctive d’un grand loup.

Après une brève intro, le combo grimpe sur les planches et attaque immédiatement « Melany ». Une compo énergique aux riffs de guitare et dont les coups sur la caisse claire déchirent.

Le son punchy pousse le public à se presser en masse pour découvrir ce groupe à la vitalité débordante.

Le power trio s’en donne à cœur joie tout au long d’’un « Doctor » au sonorités post-industrielles mancuniennes voire liverpuldiennes.

L’investissement est réel alors que dehors, la chaleur devient tropicale. La sueur perle sur le front de Yohan, tandis qu’Allan garde la bouche ouverte ; sans doute la seule alternative pour diminuer sa température corporelle.

Les chansons s’enchaînent à grande vitesse. Les références britanniques sautent aux oreilles tout au long de « Fabulous », « You think » ou encore « Quiet drink ».

Le public danse frénétiquement. Des festivaliers lambdas ont même retiré leurs godasses, dans une communion folle. « Hey Honey » provoque une exaltation des grands jours.

Caractérisé par ses contre-temps temps à la basse et à la batterie, le tonitruant « Lolly’s Wood » clôt un set au cours duquel les portugaises en ont pris un sacré coup.

Une découverte à suivre de très près, c’est une certitude.

Nouveau changement de cap puisque Benni est responsable d’un folk doux et léger.

Le destin de cette jeune demoiselle hors du commun s’est écrit alors qu’elle n’avait que 18 printemps, en Nouvelle-Zélande. Elle y croise fortuitement un gars qui joue de la gratte en rue. Une rencontre qui va orienter son parcours.

Si la musique fait partie de son ADN, elle a d’abord fréquenté une académie à partir de 8 ans, pour y apprendre à jouer de la guitare classique. Elle a participé à la chorale de son village pendant un peu plus d’une décennie. Ensuite, elle a achevé sa formation musicale à la SAE de Bruxelles, en 2020. Elle a également participé au ‘Concours-circuit’ la même année ; ce qui lui a permis d’assurer des premières parties d’artistes confirmés comme Sharko, Roscoe ou encore Cœur de Pirate.

S’il lui arrive de se produire seule, Benni est aujourd’hui soutenue par un backing group. La demoiselle semble intimidée par la foule qui est déjà conséquente en ce début d’après-midi.

Elle entame sa prestation par un magistral « You ». Maîtrisée, sa voix possède un grain voilé, lui conférant une fragilité singulière.

Son univers musical rencontrerait davantage d’écho au sein d’un environnement beaucoup plus feutré. Se produire au cours d’un tel festival pourrait constituer une mise en danger, notamment parce que le public ne s’est pas nécessairement déplacé pour elle. Mais, elle s’en sort formidablement bien. Des spectateurs se sont assis sur le sol écoutant religieusement cette artiste au grand cœur et au talent indéniable.

Le féérique « September 20 » (NDR : il a été produit par Thomas Médard de Dan San et mixé par Tommy Desmet, mieux connu pour son travail auprès de Girls In Hawaii, entre autres), signe le deuil d’une première histoire d’amour. Benni, soudainement abandonnée, écrit les lignes d’une lettre d’excuses qu’elle aurait aimé recevoir. Dès lors, pourquoi ne pas prendre la plume à la place de l’autre ? La chanson a-t-elle provoqué une réponse chez la personne dont le message était destiné ? Nul le saura !

D’une voix envoûtante, elle entreprend ensuite un « Come » destiné à toutes ces âmes perdues. Ses musiciens ont quitté l’estrade et Benni, seule, interpelle. Sa prestation est plus que convaincante. D’une passion, elle dessine aujourd’hui les traits d’une future carrière musicale jalonnée d’excellentes critiques. Comme quoi, il faut croire en ses rêves. Si sa vie était une histoire, cette fable en serait-elle la morale ?

Proche de son public, l’artiste ne manque pas d’humour lorsqu’elle lui demande de mimer la tristesse juste avant d’interpréter un faux dernier titre, prétexte au rappel, sous la forme d’un « Queen of cactus cove » épatant.

Petite, Benni adorait dessiner des baleines. Symbolisent-elles la protection et la sagesse ? Communiquent-elles par la musique de leurs ultrasons pour prendre soin des unes et des autres ou pour naviguer entre la profondeur des océans et la surface ? La question reste posée, au terme d’un set vraiment trop court.

Si les festivals prônent souvent l’éclectisme et le mélange des genres, ici, le choix de cette artiste à fleur de peau s’est avéré gagnant.

Sur la main stage, les préparatifs qui précèdent le concert de Fùgù Mango (prononcez Fou-Gou-Mang-Ô) s’activent. Pendant ce temps-là, le soleil frappe dur sur la caboche.

Formé en 2013, à Bruxelles, le combo implique les frangins Lontie, Jean-Yves (guitare) et Vincent (chant et percus), tous les deux issus de feu Bikinians. Ils partagent une même passion pour le groove, les rythmes africains et l’indie pop… Deux Eps, publiés respectivement en 2008 et 2009 leur procureront d’ailleurs une critique impressionnante dans les pages d’un célèbre magazine français, qui les compare alors à Oasis et Supergrass. Rien que ça !

Les deux frangins fondent Fùgù Mango en 2013. L’un est situé à front de scène, tandis que l’autre reste en retrait. Le line up inclut également Anne. Elle se réserve les backing vocaux, les claviers et la basse. Et elle se plante au centre du podium. Deux blacks corpulentes se placent de part et d’autre. Elles sont vêtues de blanc. A l’arrière, le batteur et un percussionniste sont chargés d’imprimer le rythme.

L’estrade est relativement bien achalandée d’instruments divers et variés. Les classiques guitare, basse et batterie, évidemment. Mais aussi, des percussions, de maracas, ainsi qu’un xylophone.

C’est par son dernier né, « Toposphère », que FM débute son set, profitant de multiples reflets ensoleillés et chaleureux qui entretiennent un certain sentiment d’allégresse. Une compo dans la langue de Voltaire svp. Un exercice de style qui colle bien à la formation. Une ode à l’envie de liberté et d’évasion.

Le combo était déjà parvenu à mettre sa culture métissée au service de « Mango Chicks », un premier Ep fort prometteur paru en 2016 qui lui avait permis d’écumer pas mal de scènes et festivals (Eurosonic, Printemps de Bourges, Europavox, Paléo, etc.) et même de partir en tournée dans les Balkans…

Très vite, le concert offre une large palette de sons exotiques, rythmes afro et indie pop, tout en privilégiant le groove. La culture de Fùgù Mango en quelque sorte. Malgré les températures élevées, les chansons provoquent un élan dansant. Même les plus timides s’y adonnent.

La conjugaison des voix opérées entre Vince et Anne rappelle, de manière incantatoire, le binôme de The XX, groupe de rock britannique en vogue. Le rôle des choristes va bien au-delà de la simple représentation. Elles s’investissent franchement et apportent même une raison d’être à l’ensemble.

Intemporel, « Blue Sunrise », tiré de « Alien Love », rappelle l’aspect tropical et métissé de la pop concoctée par FùGù Mango. Les percus apportent elles aussi pas mal de rondeur. Ça sent le sable chaud et la mer turquoise. De même, « Willy Wonka », issu d’un dernier essai baptisé « La Maquina » permet de savourer pleinement les fragrances exotiques grâce à son rythme afrobeat, tout comme « Subugu », prétexte parfait pour un collé/serré endiablé, sublimé par ses enveloppes plus électroniques à base de xylophone.

Et lors du titre maître aux accents hispaniques, « La Maquina », les paroles sont hurlées et reprises en chœur par un public décidément fort réceptif…

Véritables hommes du monde, les frangins absorbent les cultures issues de leurs périples. Ces guitares langoureuses, ces nappes de synthé luxuriantes et ce plaisir de produire de belles mélodies illustrent parfaitement ces desseins.

Résumer FùGù Mango à quelques synthétiseurs chauds, des accords de guitares, et une basse qui ondule au gré des chansons, serait faire offense à une formation qui cherche depuis ses débuts à produire une musique du monde dominée par un courant exotique. Un courant dont on se sent inexorablement attiré.

Le show tire doucement vers la fin. Mais avant de baisser le rideau, le combo s’essaie à la cover d’un titre de la dance des 90’s, « It’s gonna be alright » de Deep Zone, un de leurs plus gros succès. Une franche réussite ! Vraiment surprenant ! Il y a quelques années, c’était « Golden Brown » des Stranglers que le band s’était réapproprié.  

Retour sur la petite scène pour le set de Thomas Frank Hopper. Né à Bruges, son parcours musical a débuté en Afrique, où le chanteur-compositeur a passé une grande partie de sa vie. De retour en Belgique à 17 ans, il rejoint Cheeky Jack, une formation pop-rock groovy au sein de laquelle il milite durant quelques années, histoire de se faire les dents.

Il décide ensuite de créer son projet solo. Il enregistre un premier Ep baptisé « No man's land », en 2015. Et l’année suivante, un premier elpee intitulé « Searching Lights », qu’il considère davantage comme un essai qu’un véritable album.

L’artiste est épaulé par trois compères. Un batteur installé en retrait, un claviériste et un bassiste, qui de temps à autre troque son instrument contre une six cordes.

Le set débute par un « Back to the wild », qui suinte le blues/rock, une chanson issue d’un dernier opus plébiscité par les critiques. Le gars pince les codes de sa gratte avec une facilité déconcertante. Pas de doute, Hopper compte bien prêcher le blues aux plus récalcitrants.

Très vite, « Paradize city » prend le relais, une chanson plus rock plus pêchue, avec un petit côté vintage obtenu grâce à l’utilisation d’une tête d’ampli ‘Orange’.

Frank alterne également avec une steel guitar qu’il joue assis. L'instrumentiste utilise alors un bottleneck qui lui permet de faire varier la hauteur des notes produites, alors que « Bloodstone » fait apparaître des sons plus contemporains avec en filigrane ses guitares poisseuses ainsi que le gimmick entêtant du clavier. Quoiqu’il en soit, un mélange très réussi de blues et de rock. Bref, ça décoiffe !

Le leader possède un timbre de voix puissant, notamment lorsqu’il monte dans les aigus. Généreux également, ses interactions avec le public sont nombreuses. Et il le lui rend bien par des signes fédérateurs.

Alors que le concert bat son plein, le gars se saisit d’un étrange instrument. A s’y méprendre, on dirait une planche de skateboard. Mais, en réalité, il s’agit d’une Weissenborn (une marque hawaïenne de guitares en bois de koa, un bois originaire d’Hawaï), qui s’apparente à une lapsteel. L’artiste connaît bien cet instrument pour avoir séjourné au Pays de Galles. Les sonorités qui en découlent sont très particulières. Un animal mystérieux qu’il maîtrise parfaitement.

Frank empoigne ensuite une sèche alors que ses musiciens se retirent. Il entame un « Tomb of the giant » génial où la voix du crooner est particulièrement mise en exergue. Un régal !

Alors que le concert prend des allures de départ, « Till the day I die » souligne l’authenticité d’un musicien aux mille facettes, bercé autant par des rythmes africains que par des mélodies anglo-saxonnes dans lesquelles il puise toute son inspiration.

Thomas Frank Hopper a livré ici une prestation qui sonne décidément très roots !

Morpho va-t-il pouvoir rivaliser ? Un inconnu aux yeux et aux oreilles de votre serviteur.

A l’état-civil, Mathias De Vleeschouwer, est un produit de la téléréalité. Un de plus ! Un de trop ? A vérifier !

Après sa participation à la saison 9 de ‘The Voice Belgique’, Mathias a été repéré par Alex Germys, producteur notoire, avec qui il a mis en forme son premier Ep.

Pas étonnant que des jeunes demoiselles se soient soudainement immiscées dans le public. Faut dire que le gars possède aussi un physique qui ne passe pas inaperçu.

Il est accompagné d’un batteur, d’un claviériste, d’un guitariste et d’une bassiste. Ex-Coline et Toitoine, cette dernière milite également au sein de Colt.

Influencée par Coldplay, London Grammar, Inhaler ou encore Charles, sa musique oscille entre pop sucrée, rock un tantinet rebelle et électro endiablé, à l’instar de « Higher », un premier single sorti il y a un an déjà ou encore d’« Over again ». On peut remettre en cause la crédibilité des jeunes issus d’émissions télé, mais force est de constater que l’univers sonore de cet artiste est bien personnel.

Peu puissante, sa voix est plutôt atmosphérique.

Parfaitement maîtrisée, sa version du « Coming Home » de The Haunted Youth (NDR : un groupe belge drivé par Joachim Liebens) est une vraie tuerie !

Pour terminer, Morpho livre une compo en français, brillamment interprétée et qui risque de devenir son nouveau cheval de bataille.

Si le set de cet artiste émergent manque encore de maturité et de relief, il faut reconnaître que son charisme et sa performance vocale lui ouvrent les portes d’une future belle carrière. A suivre donc !

Après une pause bien méritée, votre serviteur s’installe à nouveau devant la main stage. Des vieux de la vieille s’apprêtent à y grimper : Les Négresses Vertes (NDR : le patronyme aurait été choisi à la suite de l'invective d'un vigile dans un bar, qui se serait exclamé ‘Sortez les négresses vertes !’, en voyant leurs cheveux teints). Au sein du collectif formé en 1987, figuraient des musicos issus de la scène punk rock.

Alors que François ‘Cizzko’ Tousch se pointe doucement accordéon en bandoulière pour entamer « La valse », il est vite rejoint par ses comparses Stéfane Mellino (guitare, chant), Jean-Marie ‘Paulo’ Paulus (basse, chant, guitare, ukulele), Isabelle ‘Iza’ Mellino (percussion, chœurs), Michel ‘Ochowiak’ Estrade (trompette), Gwen Badoux (trombone) et Matthieu Rabaté (batterie). Une sacrée bande !

Si la musique est toujours aussi pétillante, les visages des membres du groupe sont burinés par le temps qui passe. A vrai dire, ont dirait des papys qui font de la résistance !

Après avoir accueilli les ados prépubères de Morpho, l’auditoire est maintenant essentiellement constitué de quinquas.

Plus de trente ans après le succès de leur premier opus « Mlah », Les Négresses Vertes opèrent un retour remarqué ! « Voilà l’été » ravit les aficionados, heureux de (re)faire connaissance avec une tranche de vie, qui, semble-t-il, les a bien marqués. Une compo tout en couleur qui sent bon le soleil et l’herbe fraîche (NDR : pas celle que l’on fume ; d’ailleurs, elle ne l’est pas vraiment…)

Grâce à des titres comme « L’homme des marais » ou encore « La danse des Négresses », la musique de cette formation légendaire allie joyeusement la guinguette et le folklore méditerranéen.

Le concert se mue en fête paillardes tout au long de l’incontournable « Zobi la mouche », qui symbolise une putain d’histoire de la chanson française de la fin des années 80 et du début des années 90. Une compo qui, en fin de parcours, dérive dans l’impro. Alors, la foule ne peut s’empêcher de reprendre le refrain en chœur, comme s’il venait de nulle part.

Ces vieux briscards est parvenue à agréger l'impertinence du rock, les rythmes latins (dont le raï), l’aspect le plus gouailleur, truculent et festif de la chanson française (cabaret, java, etc.) et même la fanfare (trombone, trompette), tout en véhiculant des textes graves avec un humour féroce.

Le décalé « Famille nombreuse » aux accents italiens et le percutant « Les yeux de ton père » mettent littéralement une ambiance de feu tout en se remémorant la décadence des années folles.

Sur un rythme endiablé tout en célébrant la rencontre entre la guitare et l’accordéon, « Sous le soleil de Bodega » s’enfonce alors dans la pénombre de notre matière grise et il est probable que, quelques jours plus tard encore, il continue de résonner dans la tête de milliers de festivaliers qui ont vécu ce concert.

Ces trublions de la chanson francophone ont conservé leur énergie originelle et durant une heure, tout en s’amusant à dispenser un répertoire qui tient toujours la route, ont entraîné un public à faire la fête…

Il n’y manquait, sans doute, que le grain de folie d'Helno, chanteur emblématique du groupe, décédé en 1993 d'une overdose...

Enfin, le prochain et dernier grand artiste à se produire est Monsieur Stephan Eicher. La place est noire de monde. Votre serviteur est bien placé, à front du crash, et préfère y rester, quitte à faire le pied de grue durant une heure.

A 22h30 précises, Eicher débarque. Il prend place sur un siège que le staff a posé sur l’estrade quelques minutes auparavant.

Il ne pète pas un mot, se saisit de sa gratte et entame quelques accords, mais s’arrête presque instantanément agacé par le bruit (‘boum boum’) d’une activité voisine qui pollue son interprétation.

Il interroge l’assemblée. Est-ce quelqu’un qui roule en BMW, fenêtre ouverte, à écouter Plastic Bertrand ? Quoiqu’il en soit, il lui est impossible de poursuivre dans de telles conditions ! Il quitte le podium, mais y revient quelques instants plus tard. Et bien décidé de prendre le contre-pied de la situation, empoigne sa gratte électrique et attaque « Pas d’ami comme toi », un morceau issu d’« Engelberg », paru en 1991. L’interprétation est percutante. Le ton est donné ! Tout cela n’était donc qu’une mise en scène !

Et comme, le public présent est fin connaisseur, autant rester dans ce qui fonctionne le mieux en embrayant par « Combien de temps », dont les accents nostalgiques nous ramènent à la fin des eighties. La mémoire d’Eicher flanche. Il en oublie les paroles. Qu’importe, pour pallier ce trouble mnésique, le public lui vient en aide et chantonne en chœur ce hit impérissable. Jouant le jeu jusqu’au bout, les musiciens exécutent leur partition, alors à pas de loup.

L’homme se souvient être venu dans le passé et s’inquiète du sort du cheval de bronze qui trônait non loin. A-t-il été mangé durant la période hivernale, demande-t-il, sous les rires des aficionados ? Il n’y a pas à dire, c’est un vrai showman !

De toute beauté, « Le plus léger au monde » est propice au rêve. Un titre qu’il interprète d’une voix grave, chaude et éraillée. Reconnaissable entre mille, elle lui permet de se mettre à nu en revenant aux fondamentaux, célébrant, en quelque sorte, la chanson renaissance, après avoir essuyé l'un ou l'autre échec commercial.

Superbe ballade, la « Prisonnière » constitue un des points d’orgue de sa prestation. Tout comme « Riviere » (NDR : sans accent !), morceau au cours duquel il invite les milliers de spectateurs à taper un index afin de reproduire le bruit d’une goutte d’eau qui vient s’échouer sur le sol. Et franchement, le résultat est convaincant.

Alors que le show bat son plein, une bagarre éclate. Eicher, en gentleman avisé, intervient et demande de cesser immédiatement ce vacarme, invective les fouteurs de trouble tout en tentant de trouver une pseudo raison à ce bordel : la musique rend-elle fou ou la consommation d’alcool a-t-elle dépassé des limites raisonnables ? Histoire de se calmer, Eicher, leur conseille d’aller bouffer des frites à la baraque du coin. Un connaisseur cet artiste !

Et comme la musique adoucit les mœurs, le Suisse joue successivement quelques notes de la gamme afin de savoir qu’elle est celle qui apaise le plus. Ce sera finalement le ‘mi mineur’ qui obtiendra le plus de succès, à tel point que les musiciens se sont soudainement couchés à l’écoute de cette note inspirante.

Stephan évoque ensuite le séparatisme à la Belge et se questionne sur l’existence des conflits politiques du plat pays. En réalité, il s’agit d’un subterfuge, de manière à introniser le tube « Eisbär », un titre puissant de Grauzone, groupe suisse éphémère fondé à Berne au début des années 1980 par Martin Eicher, Marco Repetto et G.T. (Christian Trüssel) et qu’a rejoint circonstanciellement Stephan, pour les sessions et lors des concerts (NDR : un seul elpee à son actif, un éponyme et suivant les rumeurs, un second serait en préparation… Wait and see !)

En évoquant ce morceau, il s’épanche en tout cas longuement sur sa conception et ses paroles. Une époque où Philippe Djian, romancier, nouvelliste, parolier et scénariste français, mais également parolier du chanteur dès 1989, était encore très jeune.

On sent que le set tire doucement vers la fin. Le chanteur a chaud. Si manifestement, il apprécie la bière –à le voir déglutir comme un goret, il déteste cependant les rappels ainsi que la nage synchronisée. Ne cherchez pas de lien de cause à effet, il n’y en a simplement pas. Simple diversion ? Peut-être…

Alors que les très jolis « Si tu veux que je chante » et « Tu ne me dois rien » viennent apaiser les esprits, il nous réserve un vrai/faux rappel. Il s’agit de « Déjeuner en paix », une chanson qui décrit le quotidien et les scènes de la vie conjugale d'un couple sur fond d'actualités internationales. Un énorme succès datant de 1991 qui signe le début d’une revanche de la musique acoustique sur la musique électronique.

Mais les surprises ne sont pas terminées. Alors que le batteur vient de fêter son anniversaire, il y a trois jours, il est invité à exécuter un gage. Muni de balais (accessoire de percussion composé d’un faisceau de brins, le plus souvent métalliques et utilisé de façon similaire à une baguette pour frapper les instruments de percussion), le drummer est chargé de produire un solo de deux heures sur « Hemmige ». Et devinez quoi, il accepte le défi tout en caressant avec insistance la peau de sa caisse claire durant de longue minutes, le souffle haletant. Un chouette moment de complicité et d’improvisation.

Il est 23h30, ce concert magistral vient de s’achever. Dans une forme olympique, Stephan Eicher s’est montré généreux, communicatif et altruiste. Et il n’a rien perdu de son éclat.

La plupart des festivaliers regagnent leur pénates. Les plus résistants et ceux qui sont encore en vacances s’attardent encore aux bars entourant le site.

Il faut admettre qu’Août en Eclats n’a plus rien à envier aux festivals de grande envergure. L’équipe pluridisciplinaire du Centre culturel, pourtant réduite à sa simple expression, démontre qu’aujourd’hui, quand on a des idées, de la persévérance et de la bonne volonté, il est possible d’y arriver.

Merci à eux pour cette journée magnifique et ses nombreuses activités.

(Organisation : Août en Eclats)

dimanche, 25 août 2024 18:02

Les Solidarités 2024 : dimanche 25 août

Les conditions météorologiques des deux jours précédents ne sont plus qu’un mauvais souvenir ! Le temps est bien plus clément ! Le soleil est au rendez-vous et les températures tournent autour des 22 degrés, ce qui est tout à fait acceptable en cette saison.

Il y a du monde sur le site ! Faut dire que l’affiche a de quoi susciter l’intérêt !

A commencer par Talisco qui se présente sur le podium PV. Il est accompagné d’un préposé à la batterie et d’un autre qui alterne claviers et basse.

Son nom de scène aux consonnances latines se réfère à ses origines espagnoles. Jérôme Amandi découvre la musique et la guitare à l'âge des premières révoltes. Le conservatoire le saoule, il compose ses chansons dans sa chambre et monte un groupe de rock, en cherchant à marcher sur les traces de Slash, Rod Stewart et Stevie Wonder. Mais la vie l'embarque vers d'autres horizons. Il met sa carrière musicale entre parenthèses, et bosse dans l’univers du marketing. Cependant, en 2010, il décide d’en revenir à la musique et se lance dans l’aventure. Une voie qu’il ne quittera plus…

Il y a 10 ans, Talisco créait la surprise en gravant des singles comme « Your Wish » et « The Keys », des hymnes électro rock enrichi de productions orchestrales, de chœurs, de refrains fédérateurs et découpés dans des riffs de Telecaster.

L’artiste n’a pas, à proprement parler, de nouveautés à proposer, si ce n’est un elpee paru l’année dernière déjà. Il s’étonne même de figurer en exclusivité. La seule, la vraie, c’est l’auditoire et l’amour qu’il lui donne ! Il le clame haut et fort : les Belges constituent le meilleur public !

Si le chanteur interprétait ses compos dans la langue de Shakespeare, avant 2023, il a opté pour celle de Voltaire sur son quatrième elpee, « Cinematic ».

Considérer Talisco comme une machine à tubes serait réducteur. Il est plus que ça. Sa musique, en multipliant les décors, est une invitation aux fantasmes. Une perspective volontairement lumineuse et subtile. Sans oublier son caractère complexe, l’artiste tirant parti des superpositions tant des sons que de la voix.

Instinctive, la musique de Talisco est franche, directe et immédiate. Son univers ressemble à une fresque électro pop. Ses textes parlent de prises d'élan pour un saut dans le vide, de plongées intérieures pour fuir la surface, de vivre l'instant présent dans l'urgence, à l’instar du vivifiant « C’est ici ».

Influencées par Ennio Morricone, ses chansons baignent tour à tour dans le rock, la pop ou encore l’électro. Une chose est sûre, il s’impose en artisan bricoleur, humble face au résultat de sa création.

Talisco prend une dimension toute particulière en live. Généreux, il permet à son public de prendre du plaisir.

Il faut cependant attendre des titres incontournables comme « The Keys », 2ème single extrait de l'album « Run », pour que le public s’enflamme. Une compo restée dans la mémoire collective puisqu’elle a été choisie pour illustrer, en son temps, la nouvelle campagne 4G de Bouygues Telecom.

Et pendant « Your wish », la foule exulte évidemment. Les sonorités atmosphériques de la gratte de Jérôme vampirisent l’esprit. Une sensation d’onirisme s’empare de votre cerveau. Putain, que ça fait du bien !

Alors que l’ambiance est à son paroxysme, « Sun » (NDR : le générique de la série ‘Un si grand soleil’ sur France2) rayonne sur la foule. On s’imagine alors contempler un coucher de soleil au Pays basque où l’artiste a récemment posé ses valises ou celui brûlant de la Californie, là où le groupe a accompli une longue tournée en 2018.

Bref, Talisco et son team ont brillamment assuré un show empreint d’humilité et d’amour.

Retour à la main stage pour y voir et écouter Jain. Si au début de sa carrière, elle se produisait seule sur les planches en se servant d’un tas de boucles, aujourd’hui elle a complètement changé de cap, puisqu’une équipe complète l’accompagne désormais.

La demoiselle travaille particulièrement son image, que ce soit à travers son apparence ou la mise en scène. Le décor est constitué d’un plateau métallique qui accueille synthés et percus en tout genre. Elle est habillée d’un petit short et d’un top multi coloré, rappelant que nous sommes encore en été (si, si, c’est vrai…)

Son arrivée dans l’univers musical s’apparente à un raz-de-marée. Auteure, compositrice et interprète, elle rencontre le succès dès la sortie de son premier long playing, « Zanaka » ; et des titres tels que « Come » et « Makeba » (qui signifie enfant en malgache) tournent en boucle sur les ondes radiophoniques. Le suivant rencontrera un succès plus important encore. Paru 2018, il se vend à 1,2 million d'exemplaires dans le monde et atteint plus de 2 milliards de streams.

Après cette envolée qu’elle ne maîtrise pas, elle annule sa dernière tournée pour se ressourcer. Et au bout de quatre longues années, elle refait surface, plus positive que jamais et nous propose un nouvel essai baptisé « The Fool ». Certains n’ont pas hésité à établir un parallèle avec la carrière de Stromae qui lui aussi s’est vite laissé submerger par la réussite et les tournées fatigantes.

Jeanne Galice, à l’état civil, n’a pas, elle non plus, d’actualité à défendre, son dernier long playing datant de l’année dernière. Il paraît que c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes. Mais à la condition qu’elle ne colle pas au cul !

Cinq longues années auront donc été nécessaires à la jeune femme pour remonter la pente après avoir publié l’elpee, « Souldier ».

L’artiste a, semble-t-il, décidé de faire table rase des affres du passé et propose des compos plus matures et sans doute aussi moins accessibles pour le mélomane lambda. Mais qu’à cela ne tienne, elle a décidé de brasser large aujourd’hui, le public des Solidarités réunissant toutes les pyramides d’âges et socio-culturelles.

Son set début par « Heads Up », à la rondeur absolue, très vite rejoint par les « Flash (Pointe Noire) » ou encore le radiophonique « Alright » et son refrain entêtant.

« The fool » et ses accents un brin électro ravit les plus sceptiques. Jain apparaît dès lors comme une Déesse parmi les Dieux et se taille un capital ‘sympathie’ auprès de la foule.

Caractérisé par ses lignes de basse primaires, « Come » met une ambiance de feu ! Un titre d’une simplicité musicale élémentaire, puisqu’il n’est composé que de trois accords, mais qui fait mouche. Le public y succombe. C’est léger, mais ça sent le soleil et le sable chaud. What else ?

Afin de remercier le public, l’artiste descend de l’estrade et sollicite les fans scotchés aux crashs pour s’essayer aux joies du looping en enregistrant leurs voix pour les intégrer finalement à sa performance. Si certains ont des dispositions au chant, force est de constater que ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais, l’idée est sympa et mérite d’exister.

Après cette mise en bouc(h)(l)e, l’autre moitié du set est consacrée à des morceaux plus punchy, à l’instar de « Save The World » ou de « Star », tous deux issus de « Souldier ». Des titres qui montrent toute l’étude du talent de la Toulousaine et lui permettent littéralement de se défouler et d’entraîner le public dans une danse collective.

La prestation prend doucement fin. Evidemment, l’inévitable « Makeba » n’est pas oublié, un morceau qui a repris vie grâce à la plateforme Tik Tok. Dès les premiers ‘Ooh-ee’, les cris fusent et les bras s’agitent vers le ciel. Une communion s’annonce. Si les fans sont évidemment ravis, l’artiste n’est pas en reste non plus. Les bras balancent de gauche à droite et de droite à gauche imitant parfaitement le va-et-vient des essuie-glaces.

C’est à l’issue de la ballade « Maria » que Miss Jain prend congé de ses invités. Une chanson dans laquelle on se laisse surprendre par des vocalises d’une douceur exotique aux relents rocailleux. Un exercice de style qui lui va comme un gant !

Humaine et altruiste, Jain est parvenue à se réinventer après des années de doute et d’errance. Merci à elle !

Lisette Lombé et Cloé du Trèfle lui emboitent le pas au sein du féérique Magic Mirrors. L’endroit est couru puisque la salle est comble. Deux jeunes femmes apparaissent dans une pénombre maîtrisée.

Cloé est planquée derrière les ivoires, tandis que Lisette est à peine dissimulée derrière son micro. Elle est aussi à l’aise avec les textes puissants et incisifs que Lucky Luke avec son colt.

Artiste plurielle, passe-frontières, Lisette Lombé s’anime à travers des pratiques poétiques, scéniques, plastiques, militantes et pédagogiques. Ses espaces d’écriture et de luttes s’appuient sur sa propre chair métissée, son parcours de femme, de mère, d’enseignante. En dérivent des collages, des performances, des livres et des ateliers, passeurs de rage et d’éros.

Co-fondatrice du Collectif L-SLAM, elle a été faite, en 2017, Citoyenne d'Honneur de la Ville de Liège, pour sa démarche d'artiviste et d’ambassadrice du slam aux quatre coins de la Francophonie.

En 2020, elle a reçu un Golden Afro Artistic Awards pour son roman ‘Vénus Poética’ (éd. L'Arbre à Paroles) et le Prix Grenades/RTBF pour son recueil ‘Brûler brûler brûler’ (éd. L’Iconoclaste). Elle sera la prochaine Poétesse nationale de Belgique en 2024 et 2025.

Elle s’impose naturellement mais respectueusement.

Cloé du Trèfle est auteur-compositeur-interprète belge. Multi-instrumentiste, elle utilise piano, bruitages, voix, guitare électrique, claviers analogiques, samples pour des compositions qui oscillent entre électro-pop et motifs symphoniques en échappant à toute classification.

Dès lors, il n’est pas étonnant que le partage de leurs deux univers intrigue. Elles sont venues défendre ‘Brûler Danser’, un spectacle tiré d’un album-concept qui navigue quelque part entre slam et spoken word (littéralement ‘mot parlé’), façon particulière d'oraliser un texte, qu'il soit poétique ou autre. Il entraîne souvent une synergie (ou expérimentation) avec d'autres formes d'art comme la musique, le théâtre ou la danse. Cependant, le spoken word se concentre essentiellement sur les mots eux-mêmes, la dynamique et le ton de la voix, les gestes et les expressions.

Doucement, les notes de synthés résonnent. L’ambiance est religieuse. Le public, bouche bée, observe tranquillement le duo qui s’acquitte de sa prestation de manière militaire.

A travers « Puisqu’il faut bien », on comprend que la narration tourne autour d’un personnage fictif qui s’appelle Remontada. L’héroïne va s’immiscer au cœur de 9 scénettes durant près d’une heure.

C’est osé, mais magistralement conçu ! Lisette s’exprime brutalement, notamment pendant « Les injustices » qui dénoncent, comme son nom l’indique, tous les travers sociétaux qu’un Homme (avec un grand H) peut rencontrer, de la naissance à la mort.

Remontada chemine ensuite doucement vers le moment où, n’y tenant plus, son corps est pris de soubresauts comme « Pour aller danser », une chanson invitant les spectateurs à venir se trémousser au gré des notes machiavéliques de Cloé et de la voix onirique de Lisette. Une tranche de vie qui surfe entre rêve et réalité. Une compo étrange vers laquelle on se sent irrésistiblement attiré et dont le gimmick devient addictif.

Très objectivement, ce set est conçu par et pour des femmes ! Les propos de Lombé sont parfois à la limite de la provocation, notamment lorsqu’elle affirme une posture féministe à l’instar de « Les miettes du sexe » où elle expose le personnage central en désir et l’homme en objet.

Le show s’achève par « La reconquête », Remontada ayant pris conscience de « La puissance du ventre ».

Quelque part entre préceptes philosophiques et musiques australes, ‘Brûler Danser’ est une invitation à redécouvrir le jour après les tumultes de la nuit.

Une bien belle découverte.

Le peuple s’est dressé en franc-tireur pour Puggy qui se produit sur la main stage. Faut dire que parallèlement à la musique, le leader s’est illustré comme membre du jury dans une célèbre émission de télécrochet devenant ainsi, auprès de nombreux téléspectateurs, la nouvelle icône de la télé-réalité.

Fondée en 2005 à Bruxelles, la formation propose une forme de pop/rock aux mélodies contagieuses.

Un calicot surplombe l’estrade, sur lequel est indiqué en grandes lettres ‘Puggy’. Irons s’avance d’un pas décidé. Il est accompagné du bassiste Romain Descampe et du batteur charismatique Egil ‘Ziggy’ Franzén.

La basse de Ziggy a déjà bien bourlingué ; elle porte sur elle les traces du temps et surtout de son utilisation.

« Never Give Up » ouvre les hostilités. Un titre de son nouvel Ep. De quoi mettre l’eau à la bouche. Alors que Matt cisèle les riffs, Romain frappe ses cordes avec acharnement, tandis que le troisième larron, manifeste une intensité rare pour marteler fûts et cymbales.

Furieuse, l’expression sonore gronde alors que l’auditoire jubile. Un climat grandiloquent envahit « To Wind The World », atmosphère amplifiée par les ivoires largement syncopées.

Irons troque sa gratte électrique pour une semi-acoustique. C’est alors que « Lonely Town » prend son envol. Une compo aigre-douce qui permet au chanteur de monter allègrement dans les aigus, tandis que le batteur s’amuse à imprimer un tempo à contre-temps.

Matthew tente de convaincre l’auditoire que le nouvel opus est cool. Et il insiste. Pour le démontrer, le trio nous livre « Lost Child », une bien belle ballade aux accents nostalgiques. Et puisque Yseult manquait à l’appel, les deux musicos accompagnent le vocaliste dans un slow à l’unisson. Un moment suspendu, hors du temps.

Afin de garder le cap et l’attention des festivaliers « Last Day On Earth » permet aux percus de décoller, alors que les cordes de la basse sont mises à rude épreuve. Un morceau percutant, aux riffs singuliers et au solo tonitruant parfaitement maîtrisé par Irons lors du bridge.

Matt reprend ensuite son rôle de préposé à la gratte semi-acoustique et entame, une seconde ballade dans une configuration atmosphérique. On se sent alors bercé par ce « How I Needed You » très construit, vite rejoint par « Change The Colors », un morceau qui libère des sonorités pop/rock dansantes dignes de l’identité primaire du band. L’essai est convaincant dans son ensemble.

Le set est proche de sa conclusion. « When You Know » constitue la pierre angulaire d’un show de très bonne facture, pugnace et solide comme un bloc de béton. Un titre qui permet de belles progressions au clavier, un solo de batterie étourdissant et une belle complicité entre un public réceptif et un groupe fédérateur.

Puggy a, de nouveau, été convainquant. Il a dispensé un set frisant la perfection qui risque de résonner encore longtemps dans la tête des aficionados, la période des festivals passée !

Grandgorge se produit à la Magic Mirrors. L’endroit est plein à craquer et, comme la veille, impossible de s’y faufiler. Dommage !

Votre serviteur en profite donc pour faire le pied de grue devant la main stage. Shaka Ponk va s’y produire. Mais des festivaliers l’avertissent ! Pas trop près, car les concerts sont souvent le théâtre de pogos turbulents. En véritable guerrier, il défie ces paroles et se plante à une encablure de la scène.

Shaka Ponk est un groupe français d’alt électro/rock qui puise son inspiration au sein de différents courants musicaux tels que le rock alternatif, le grunge, le heavy metal, l'électro, le hard rock, le punk rock, le hip-hop et le funk. Les morceaux son chantés, en général, en anglais ou en français et occasionnellement en espagnol.

Le line up implique sept membres : Goz, un singe en images de synthèse, Frah (François Charon) et Sam (Sofia Samaha Achoun) au chant, Mandris (Mandris Da Cruz) à la basse, CC (Cyril Roger) à la guitare, Ion (Yohann Meunier) à la batterie, Steve (Steve Desgarceaux) aux claviers et aux samples. Bien que le groupe ait signé son premier contrat à Berlin (Allemagne), c'est à son retour en France que sa notoriété se développe.

A l'origine, il s’agissait d’un collectif d’amis qui organisait des soirées où chacun devait apporter un petit projet vidéo ou musical. Après la rencontre d’un hacker qui donne à Frah, alors webdesigner, et CC, guitariste, une mascotte, le singe virtuel Goz, le band est fondé officiellement en août 2002. Thias (Matthias Pothier), bassiste, Bobee O.D. (Jean Philippe Dumont), batteur, Mesn-X (Gael Mesny), guitariste, et Steve (Steve Desgarceaux), claviériste et préposé aux samples, les rejoignent ensuite. Sam n'intègre réellement le combo, qu'à partir de 2010.

Lors de sa création, à Paris, les musicos ont pour premier objectif la création d’un groupe zen, bouddhiste, mais à l’esprit punk et de ne pas se cantonner à un style de musique précis. Cet aspect ressort dans le patronyme. Shaka (Shākyamuni), c’est le nom du premier bouddha, choisi par référence au terme anglais shaker qui signifier le mélange entre styles ; et Ponk, c’est l’appellation d'une tribu amérindienne qui reflète le côté punk du band…

Des milliers d’aficionados se sont massés devant le podium. Normal, la formation se sépare et le concert de ce soir sera l’un des derniers. La tournée n’a d’ailleurs pas été baptisée ‘The Final F#*cked Up Tour’ pour rien !

L’estrade est bigrement bien achalandée. On y a dispersé des piles de vieux livres, des cageots en bois ainsi que des fauteuils poussiéreux. Un visuel soigné donc ! Rien de très étonnant, Frah et Sam, les deux leaders, exercent la profession de designers.

Un grand écran sert également de toile de fond. Et puis, une chorale gospel constituée de filles vêtues de longues robes blanches est installée sur une estrade, donnant l’impression qu’elles flottent dans les airs. Sincèrement, c’est très impressionnant !

Shaka Ponk mélange les genres depuis près de vingt ans au cœur d’une ‘fusion’ qui met en exergue de grosses guitares saturées et des sonorités futuristes, à l’instar de « Twisted Mind » et « Wanna Get Free ».

Des projections d’images défilent. On y voit des géants apparaître et disparaître comme par enchantement. C’est tellement bien fichu qu’on a parfois du mal à faire la distinction entre le virtuel et le réel. Sans oublier, les messages en faveur de Paul Watson, un militant écologiste qui, depuis des décennies, lutte contre la chasse aux baleines et a néanmoins été emprisonné pour avoir défendu cette cause noble et juste.

Et ces choristes ne se contentent pas seulement d’émerger du paysage puisqu’elles intègrent également des éléments de performance scénique et de danse.

Shaka Ponk fait honneur à son statut de groupe de scène. C’est riche en riffs électriques tranchants ! Que l’on aime ou pas son univers musical, le spectacle est unique en son genre.

Entre colère sociale et propos frondeurs, on épinglera ces images où l’on distingue un Macron qui, sous les traits d’un marionnettiste, précipite des gens dans le vide. Horrible !

Dans ce décor, Shaka Ponk applique une fois encore de vieilles recettes. Le band est là avant tout pour faire le show et très objectivement, c’est parfaitement réussi.

Il embraie alors par l'incontournable « Picky ». C’est le moment choisi pour inviter un garçon ainsi qu’une jeune fille sur les planches. Cette dernière semble effarouchée et se demande bien ce qu’on lui veut. Le gars, fier comme un pan, s’amuse à prendre des selfies, avant de se jeter dans la foule qui, bras tendus, l’emporte comme la vague…

« Circle Pit » constitue le moment épique du concert. Frah s’avance vers le podium central afin d'y lancer un circle pit géant. Votre serviteur se laisse entraîner dans ce cercle dangereux, au cours duquel de nombreux téméraires perdent l’équilibre et se font piétiner. Frah avait pourtant prévenu les femmes enceintes et les jeunes enfants de na pas s’y mêler. Mais pas les trouillards !

Alors que la tension est à son comble, une reprise downtempo du « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana vient calmer l’ambiance. D’autant plus que la fin du set approche. Une chose est sûre, le public semble ravi du spectacle auquel il vient d’assister.

De mémoire, votre serviteur a rarement vécu un concert d’une telle intensité ! Seul bémol, les trop nombreux messages idéologiques et politiques. Ce militantisme et ce combat contre les inégalités sociales sont certainement justifiées, mais le festivalier ne vient-il pas à ce type d’événement pour se délasser et oublier les contraintes du quotidien ?

Il est temps de contempler une dernière fois le site des Solidarités. La majeure partie de la foule vide les lieux. Quelques-uns ont décidé d’attendre encore un peu que la circulation se fluidifie. Pas votre serviteur qui a encore une longue route à effectuer.

Une dixième édition marquée par des prestations d’une grande qualité, d’une part, et une gestion des risques parfaitement maitrisée, d’autre part. A l’avenir, il restera encore le problème des flux de spectateurs qui arrivent à l’entrée du site à régler. Mais c’est un souci que rencontre la plupart des festivals.

(Organisation : Solidarités)

samedi, 24 août 2024 16:02

Les Solidarités 2024 : samedi 24 août

Dix années maintenant que les Solidarités sont programmées à Namur, le dernier week-end d’août. Et un tel anniversaire se fête dignement ! Comment ? A coup de grosses têtes d’affiche évidemment !

Alors que la Citadelle accueillait jusqu’alors le festival, il a déménagé vers le site d’Ecolys qui s’est refait un lifting à quelques millions d’euros.

Le festival des Solidarités est singulier car il est fédérateur d’un bien vivre ensemble, de justice sociale et de lutte contre les inégalités.

Durant trois jours, il offre une programmation musicale particulièrement qualitative. Mais pas que puisqu’une kyrielle d’activités sont organisées autour des thématiques précitées, telles que conférences, spectacles pour enfants, activités ludiques, découverte de la culture hip-hop, programmation off des associations, etc. L’offre est telle qu’elle en donne le tournis !

Si en 2023, de nombreuses critiques avaient été formulées, notamment en ce qui concerne la mobilité, il faut reconnaître que, cette année, les organisateurs ont remédié au problème. Ainsi, notamment, de nombreuses navettes effectuent des trajets de et vers la gare ferroviaire et l’aérodrome. De même, l’espace sur le site a été agrandi permettant une meilleure fluidité de déplacement.

Deux scènes de taille quasi-identiques se côtoient, ‘La place des Arts’ et la ‘Scène PV’. Cette dernière est installée à proximité d’une grande roue, elle aussi, sponsorisée par le même groupe. Une troisième, plus iconoclaste, est baptisée ‘Magic Mirrors’ et se situe plus en retrait. Et comme son nom l’indique, elle est empreinte de magie et de mystère. 

Le festival est sold out. Autrement dit, il y aura du peuple !

Ce samedi, les prévisions météorologiques ne sont pas des plus optimistes ; une alerte jaune a été lancée par les autorités. Pourtant, on a peine à le croire, vers 15 heures, le ciel est d’un bleu azur éclatant, les températures affichent 30 degrés et un vent souffle, certes, en rafales, mais il fait un bien fou.

Après avoir emprunté l’une des nombreuses navettes du TEC et retiré son bracelet auprès du service spécifique, votre serviteur arrive enfin au pied de la main stage. NEJ se prépare à livrer son set.

D'origine marocaine, Najoua Laamiri est une auteure-compositrice-interprète de musique pop française.

Elle se fait connaître en 2016 par sa reprise du single « Aime moi demain » initialement interprété par The Shin Sekaï. Mais elle gagne en popularité à la suite de collaborations avec différents artistes de la chanson française. Parmi ses singles les plus connus figurent « I Miss U », « Paro », « Ma colombe » ou encore « Indomptable ».

Cette jeune trentenaire déconcerte sur les planches. A cause de ses compos. Inspirantes parfois, enivrantes souvent. Pas de doute, elle se sert de la musique comme un véritable exutoire.

Elle alterne sans complexe le français ou l’anglais. Pas étonnant dès lors que le public soit majoritairement composé de jeunes demoiselles influencées par les sonorités orientales et urbaines de l’artiste.

Très franchement, si la curiosité s’est vite imposée, elle s’est tout aussi vite dissipée, les chansons de l’artistes embrassant des contours faciles et gnangnan. Quelques accords de base et des thématiques mille fois revisitées, nuisent à sa crédibilité.

Autant de raisons pour filer tout droit voir et écouter Doria D. Une artiste qui n’est pas inconnue aux yeux de votre serviteur pour avoir assisté à son concert, il y a quelques semaines, dans le cadre du Les Gens d’Ere.

Elle est accompagnée d'un drummer, d'une jolie dame brune au clavier, et d’un bassiste un peu grassouillet.

Sa carrière musicale ressemble à un conte de fées. Alors qu’elle vient juste de souffler ses 16 printemps, la jeune fille, armée de sa gratte électrique, écume les bars. Elle signe dans la foulée chez le label G-major ; et puis, en 2021, grave un premier Ep réussi, intitulé « Dépendance ». Depuis, son succès est en progression constante.

Elle est venue présenter son dernier format intitulé « Je cherche encore… ». Mais que le public se rassure, son set livrera une panoplie de titres anciens et nouveaux, à l’instar de « Hors tempo », un titre bien groovy.

Entre amour-passion et amour-raison, elle distribue, à qui veut l’entendre, des « Coups et bisous », afin d’évacuer la « Colère » qui sommeille en elle, préférant cette solution à la frustration dont elle a manifestement gardé des séquelles. Elle souhaite désormais vivre plus sereinement. Grand bien lui fasse donc !

Manifestement, Doria D est l’une de ces artistes torturées qui, grâce l’écriture de chansons aigres-douces, capture l’instant pour en faire surgir une matière subtile. Mais c'est encore sa reprise de l’emblématique « Jeune et con » de Damien Saez qui la hisse comme véritable porte-drapeau de toute une génération. Sa gratte électrique en bandoulière, elle frappe les cordes avec une sensibilité à fleur de peau. Une chanson qui trouve sa raison d’exister dans sa bouche.

Inspirée par Billie Eilish, Lana Del Rey, mais aussi des rappeurs francophones tels que Nekfeu et Lomepal, Miss Dupont propage des sonorités french pop modernes qui s’inscrivent dans l'air du temps, le tout dans un style décontracté. Grâce à un sens mélodique et des textes percutants, elle marque les esprits.

La demoiselle s’épanche sur sa « Dépendance », un texte qui traite d’une relation toxique. En fait, elle s’émancipe et touche le public à l’aide de textes simples véhiculés par une expression sonore fraîche, dansante et contemporaine. Et si sa popularité monte en flèche, c’est largement mérité.

Retour à la main stage pour y découvrir Pierre De Maere, un artiste qui fait beaucoup parler de lui depuis quelques années. Et de surcroit, c’est un Belge, pardi !

Soutenu par un backing group, il est tout de noir vêtu, et sans préambule, il entame « Enfant de », une composition positive qui met tout le monde d’accord. Que l’on apprécie ou pas son côté dandy, il faut admettre que ce jeune gars d’à peine 23 piges, compose de belles chansons. Pertinentes, savamment orchestrées, elles véhiculent des textes ciselés et des mots qui font mouche à l’instar de « Menteur » ou encore de « Roméo », un morceau au cours duquel sa voix grimpe dans les aigus. Et il s’y sent d’ailleurs très à l’aise.

De Maere est un artiste à part, loin de tout stéréotype. Autodidacte, il compose ses premiers morceaux sur le logiciel ‘Garage Band’, dès l’âge de 9 ans, avant de s’intéresser à la photographie de mode. C’est lors de ses études à l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers qu’il publie son premier morceau, sous statut indépendant, « Potins absurdes ». Le succès est immédiat.

Repéré par le label Cinq (Dominique A, Kalika, Jean-Louis Murat), il publie son premier Ep dans la foulée, « Un jour, je », en janvier 2022. Le disque est propulsé par les médias au-delà de ses espoirs. Pierre de Maere enchaîne alors les plateaux télévisés et les interviews dans la presse.

Après avoir décroché le prix de la Révélation belge de l'année aux NRJ Music Awards en 2022, il reçoit une ‘Victoire de la Musique’ en 2023, dans la catégorie ‘Révélation masculine’ de l'année.

Lorsqu’il ouvre la bouche, son phrasé à la bourge peut surprendre et en énerver plus d’un. Arrogant et pédant ? Est-ce un rôle qu’il aime se donner ? En tout cas, une chose est sûre, son attitude baigne dans la sophistication la plus totale.

L’auditoire ne semble pas prêter d’attention particulière à sa contenance. D’ailleurs, les applaudissements fusent. Pierrot attire la sympathie, notamment lorsqu’il s’épanche sur sa « Lolita », une chanson inspirée par… sa chatte (l’animal, pas une métaphore à connotation sexuelle) et qui ne manque ni d’audace ni de fantaisie…

Sa manière de rouler les ‘r’ à la Stromae, ses envolées vocales et son univers un brin rétro, mais stylé, secouent la scène francophone.

Il devient émouvant lorsqu’il évoque l’indifférence à laquelle il a dû faire face plus jeune, à l’instar de Lady Gaga dont il voue d’ailleurs une admiration sans faille. Il raconte ainsi qu’elle a dû se dévêtir pour attirer l’attention des clients, quand elle chantait dans les bars.

Le set touche doucement à sa fin. Evidemment, il nous réserve « Un jour je marierai un ange », une manière de remercier celles et ceux qui ont bravé la pluie et le vent lors du concert.

Enfin, le nostalgique « Mercredi » invite à retourner dans l’enfance fantaisiste et clôt un set de bonne facture placé sous le signe du kitsch et de la bonne humeur.

Pierre remercie le public et son équipe. Sans oublier son frère Xavier, son ingé-son, qui l’accompagne forcément partout.

Le vent forcit. Les organisateurs sécurisent les barrières entourant le site en enfonçant des pieux dans le sol. Et à une vingtaine de mètres devant le podium PV, plus personne n’a le droit de traîner, afin d’éviter de se prendre quelque chose dans la tronche. Principe de précaution oblige !

Les températures ont baissé de plus de 10 degrés en quelques minutes. Alors que les festivaliers se promenaient en t-shirts, les parkas font maintenant leur apparition. Le temps se gâte ! Votre serviteur fonce vers la Magic Mirrors, la seule scène couverte. Sa taille est réduite ; de quoi parfois susciter un sentiment de frustration.

Conçu à la manière des salles de bal des années folles, ce chapiteau de bois révèle tout son charme, à peine les portes franchies. On y découvre un abri chaleureux, un univers feutré, ambiance art nouveau. Dès son arrivée, le spectateur est enveloppé dans l’atmosphère chaude des velours carmin, des boiseries, vitraux et miroirs.

Au centre de cet espace circulaire, une piste de danse en parquet de bois a été posée et conforte le sentiment de convivialité propre à cette salle.

L’endroit se prête bien à l’univers doux et feutré de Zoé Joséphine, une auteure-compositrice-interprète de vingt-et-un printemps. Un patronyme choisi afin de rendre hommage à un arrière-grand-mère qu’elle a eu la chance de connaître.

La petite est une artiste au sens noble du terme. Elle apprend le solfège dès ses 5 ans, et quelques années plus tard, le piano. À un peu plus de 10 ans, elle écrit ses premiers textes. Et à13, elle prête sa voix à un projet de sensibilisation sur l’autisme lors de l’enregistrement de la première chanson de ‘Artiste Émoi’, un groupe composé à 90% d’enfants atteints de ce trouble du neurodéveloppement, avant de créer sa propre chaîne YouTube en 2016 qui lui permettra d’être repérée par l'équipe de ‘The Voice Kids France’. Elle y passe les auditions à l’aveugle interprétant une version personnelle du « Marchand de cailloux » de Renaud. Sa carrière est lancée.

Après avoir grimpé sur l’estrade, elle s’avance timidement les cheveux tirés en arrière ; ce qui sublime son visage angélique, mais en même temps, lui confère un air sérieux. Elle se plante alors derrière son synthé. Elle est soutenue par un batteur. Dès les premiers instants, une évidence s’impose : cette femme est belle. A voir, oui, mais aussi à entendre. Son timbre de voix caresse les conduits auditifs. Et provoque une sensation de douceur indicible. Elle incarne tantôt l’irréel, tantôt un prisme d’introspection.

Sans doute l’une des belles surprises de la journée. L’inattendu dans toute sa splendeur ! Comme quoi, il ne faut surtout pas hésiter à se laisser bercer par des artistes dont on ne connaît finalement pas grand-chose. C’est aussi ça la magie des festivals !

Grâce à des textes qui viennent du cœur et au sein d’une ambiance solennelle, les titres de Zoé Joséphine envoûtent, à l’instar de « A quoi tu penses », une bien jolie ballade aux couleurs australes.

Tantôt seule au piano/voix, tantôt épaulée par la rythmique du drummer, la demoiselle s’exécute avec une aisance digne des plus grandes. Ses chansons s’inspirent de ses ressentis, ses expériences et donnent aussi la parole à ceux que l’on ne regarde plus, notamment à travers « Paris ». Une chanson qui aurait pu s’intituler « Bruxelles », « Madrid » ou « Barcelone », toutes ces grandes métropoles où quiconque devient quelconque.

Lorsqu’elle entame « Quand le soleil entre », une compo aux sonorités pop exaltantes, l’artiste et l’auditoire entrent en communion, ce dernier scandant haut et fort le refrain entêtant qui retentit encore aujourd’hui dans les têtes. Oui, Zoé, « Regarde dehors », comme le ciel est beau, comme la vie est belle.

Sincères et émouvants, ses messages font du bien, touchent le cœur et l’esprit.

Amusante aussi lorsqu’elle se remémore, aidée d’un ami, de vieux mots du passé comme ce « Wheeling », sur des accords de piano dont la puissance rythmique syncopée est incroyable.

Fan d’Eddy Mitchell et de Laddy Gaga, c’est finalement de cette artiste qu’elle entamera une bien jolie reprise d’un de ses titres incontournables.

En interprétant seulement une poignée de chansons, elle est parvenue à explorer l’universalité des sens et des âmes. Un futur grand talent de la chanson française ! Nul doute que Zoé aura encore mille histoires à raconter dans le futur. Dans son futur.

Etienne Daho débarque comme un conquérant sur la main stage. Il est 20 heures 30 précises. Si le light show est alors tamisé, on distingue nettement les lettres ‘DAHO’ sur néons rouges qui semblent embraser la scène. Les musicos arrivent un à un sur le plateau. Le chanteur entonne, micro à la main, « l’Invitation ». Un morceau de circonstance. Le ton est donné.

Il enchaîne rapidement par « Le grand sommeil » et « Sortir ce soir », deux grands classiques issus de « La Note la Notte », album sorti en 1984.

Pourtant âgé de 68 ans, le Français tient la grande forme. Veste noire pailletée sur le paletot, Daho livre un set bien plus rock que ceux dispensés ces derniers temps.

Alors que la pluie s’est à nouveau invitée pendant quelques minutes, l’artiste en profite pour contempler au loin « Le Phare » qui lui indique la direction à prendre. Un temps qui lui rappelle celui de la Bretagne profonde, comme il aime à le préciser. Et, il n’a pas tout à fait tort.

Pas avare en anecdotes, Daho n’oublie pas d’évoquer ceux qui ont compté pour lui comme Jane Birkin, Françoise Hardy ou encore Jacques Dutronc. Et bien sûr, Serge Gainsbourg et ses légendaires 102 (entendez par là des double 51), rue de Verneuil, où il n’en est jamais sorti, raconte-t-il, avant d’interpréter son « Comme un boomerang », qu’il a ressuscité en 2001 avec la regrettée Dani. L’ombre de Gainsbarre, l’alter ego de Gainsbourg, plane tout à coup en région namuroise.

C’est alors que l’artiste se livre à une déferlante de tubes, synthétisant ainsi au mieux quarante ans d’une carrière bien remplie, tels que « Mon manège à moi », « Saulade » et son refrain atmosphérique, « Duel au soleil » ou encore l’incomparable « Tombé pour le France » et ses roulements de tambour électronique. Bref, des hits magiques et intemporels.

La scénographie est remarquable, la scène est auréolée de couleurs le plus souvent à dominante rouge.

Tandis que le show bat son plein, le public a la surprise de découvrir la belle Vanessa Paradis lors d’un duo virtuel sur l’écran géant installé en arrière-plan, pour « Tirer la nuit sur les étoiles ».

Le concert tire doucement vers la fin. Et si nous partions un « Week-end à Rome » pour un « Épaule tattoo » ?

Enfin, « Ouverture » parachève un spectacle particulièrement dynamique.

Daho a sans doute livré l’une des meilleures prestations de sa carrière. Tout était parfait : le son, la scénographie, le choix des chansons, l’ambiance. Et l’amour qu’il porte au public. Qui le lui rend bien ! Un Daho dans une forme olympique (NDLR : c’est de circonstance) !

Grâce à des chansons intemporelles, rétrospectives de sa carrière, un show millimétré, une maîtrise vocale imparable et un charisme singulier, ce grand bourlingueur n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour combler le public.

Direction maintenant la Magic Mirrors. Le grand Saule s’y produit (au sens propre comme au figuré). Alors que votre serviteur s’est empressé de rejoindre cet espace tel un marathonien, impossible d’y mettre le pied. La salle est bondée. Deux gardes veillent au grain. Quelques deux cents festivaliers attendent patiemment, à l’extérieur, en désespoir de cause. Il faut se rendre à l’évidence, la mission est impossible.

Résultat des courses, votre serviteur, habitué des foules et des festivals, bat en retraire. Il est peut-être temps de regagner ses pénates. La route est encore longue pour y parvenir. Et demain, on annonce du beau monde sur les planches...

(Organisation : Les Solidarités)

Les précipitations de la veille n’ont pas provoqué de catastrophes. Seul le parking vert a partiellement été paillé et des planches métalliques ont été placées au sol afin de faciliter les déplacements. Et comme cette journée s’annonce ensoleillée, aucun autre problème ne devrait troubler cette dernière journée.

Comme d’habitude, le dimanche est consacré aux groupes plus rock.

Votre serviteur arrive un peu plus tardivement sur le site du festival et se dirige haletant pour y voir et écouter Brutus, qu’il avait apprécié lors de son set accordé deux semaines plus tôt, à Dour. Et il avait pris une claque !

Brutus est un trio constitué de Peter Mulders à la basse, Stijn Vanhoegaerden à la sixcordes et Stéphanie Mannaerts, aux drums ainsi qu’au chant. C’est également la leader.

Originaire de Louvain, le band s’est établi à Gand. La gonzesse a pris position en front de scène. Après une longue intro au synthé, elle frappe les tambourins pour entamer « War », une compo détonante, très vite suivie par « Liar », un morceau qui pétarade comme le Glaude dans la soupe aux choux.

La musique de Brutus oscille entre post-hardcore, alt rock, shoegaze et sludge. En bourlinguant de festival en festival, les musicos se forgent progressivement de l’expérience. Et on sent que la prestation est encore montée d’un cran depuis la précédente.

Alors que tout au long de « Miles Away », Stefanie diversifie son jeu et apporte de l’espace au morceau, « What Have We Done » permet à Peter Mulders de faire vrombir sa basse, tandis que la guitare de Stijn construit de splendides envolées mélodiques lorsqu’elle ne dispense pas des riffs tranchants, à l’instar de « Brave » ou « Victoria ». On est très loin du monolithisme.

Alors que les titres s’enchaînent, un constat s’impose : la voix de Mannaerts est solide comme le roc. Elle y va la petite ; elle mène ses compos comme un général dirige ses soldats qui vont à la guerre.

Encore une fois, Brutus est à l’image de son patronyme ; un groupe sans concession, d’une dynamique incroyable et d’une richesse musicale à toute épreuve.

Le band peut se targuer d’avoir assuré un show à la hauteur des attentes !

Warhaus est prêt à en découdre sur la main stage. Pas mal de spectateurs se sont déplacés plus pour la découverte que par connaissance du combo.

Warhaus, c'est le patronyme du projet solo de Maarten Devolder, un compositeur, chanteur et multi-instrumentiste, mais également un auteur-compositeur-interprète et producteur belge. Excusez du peu !

Il a entamé sa carrière en 2010, à 22 ans, au sein du groupe Balthazar. Ce n’est qu’en 2015, qu’il s’est également lancé en solitaire.

A ce jour, il ne compte que trois albums studios : « We Fucked A Flame Into Being » (2016) - inspiré d'une citation du roman ‘Lady Chatterley's Lover’ (‘L'amant de Lady Chatterley’) de D.H. Lawrence et acclamé par la critique, « Warhaus » (2017) et « Ha ha heartbreak » (2022). Il semblerait qu’un nouvel opus soit en gestation et il devrait paraître, selon toute vraisemblance, en 2025.

Maarten Devoldere, au centre, est chargé de driver ses comparses, assez nombreux sur les planches. Ils sont multi-instrumentistes.

Après une longe intro à l’orgue de barbarie, les musicos débarquent d’un pas décidé. En espérant que la suite soit moins poussiéreuse.

Très vite, il appert que Maarten possède un grain de voix de crooner adapté aux compositions chargées de spleen. Dans les textes, Il y est souvent question de chagrin d'amour. Et forcément, au cœur d’un climat feutré et empreint de nostalgie, les arrangements sont soignés, mais ne collent pas vraiment à l’ambiance qui règne lors d’un festival.

Pendant « Desire » ou encore « Fall In Love With Me », des morceaux pétris de charme et de sensualité, les spectres de Leonard Cohen, Tom Waits ou encore Lou Reed se mettent à planer…

De son timbre caverneux au phrasé nonchalant, Devoldere livre des compos profondes et sombres, bercées par l’amour ou la haine, mais de manière quasi-industrielle, ne communiquant que très rarement avec le public. Dommage !

L’instrumentation est riche : trompette, trombone, clavier, violon, guitare électrique et sèche, batterie et flûte. Et cette liste n’est pas exhaustive, chaque musicien manifestant un don pour la virtuosité.

Et pourtant, les compositions commencent à libérer un groove du tonnerre ! A l’instar de « Beaches », stimulé par une ligne de basse grondante. La tension devient palpable et le concert entre dans sa phase la plus intense. Et lors de « Mad world », Maarten se détache du personnage statique qu’il incarnait en début de parcours. Une fin en apothéose !

Les musiciens saluent chaleureusement le public, alors que l’orgue de barbarie referme la boucle. A défaut d’adieu, un au revoir, qui, espérons-le, sera de courte durée.

French 79 embraie sur la Colline. Il s’agit du projet solo de Simon Henner. Fondé en 2014, à Marseille, il a rencontré un certain succès lors de la sortie de son premier album, « Olympic », en 2016.

Réputé pour son électro/pop, il suscite la curiosité. Mais au bout de quelques minutes, on se rend compte que sa musique s’adresse surtout aux plus jeunes. Planqué derrière ses platines et machines électroniques, il déverse un flux de beats glaciaux et aussi sensuels que des cadavres…

Votre serviteur préfère donc redescendre vers la main stage, où Ghinzu est chargé de prendre le relais.

C’était une bonne idée ! La plaine est noire de monde côté Tribord. Il faut préciser que c’est la seule date accordée cet été par la formation bruxelloise, dans le cadre d’un festival, en Belgique.

Chaussé de lunettes fumées, John Stargasm grimpe sur le podium. Il est suivi par une bande de joyeux drilles. En l’occurrence le bassiste Mika ‘Nagazaki’ Hasson, le guitariste Greg Remy, le drummer Antoine Michel et le claviériste/guitariste Jean Montevideo, également préposé aux backing vocaux.

Le look du sixcordiste ne passe pas inaperçu ! Il porte de longs cheveux. De dos on pourrait le confondre, soit avec Jésus Christ, soit avec une belle demoiselle. Une illusion ! Car lorsqu’il se retourne on est en présence d’un gars, dont la veste ouverte laisse apparaître un torse couvert de poils hirsutes. Peace and love, le babacool (NDLR : qui a dit hippie ?) !

Le batteur est installé en retrait. Le bassiste a opté pour une position quasi-centrale. Lunettes de soleil vissées sur le nez, il porte un costume ‘classique’ de couleur noire. Il ressemble à Kévin Bacon, un acteur, producteur, réalisateur et compositeur américain notoire pour son film musical ‘Footloose’ ou encore pour avoir endossé le rôle de méchant dans une kyrielle de longs métrages, dont ‘Sleepers’ et ‘Hollow Man’.

Alors que la bande originale du film Rocky, « Going The Distance », sert d’intro, Stargasm se plante devant le clavier Roland placé à front de scène. Il signale que le morceau dure environ huit minutes. On a vite compris qu’il s’agit de « Blow », plage d’ouverture de l’elpee éponyme. Rien d’étonnant puisque le combo est venu célébrer le vingtième anniversaire de sa sortie. Toujours aussi punchy, cette compo conserve une place de choix dans le répertoire de la formation.

Mais ce comeback sur les planches annonce la sortie d’un nouveau long playing, prévu pour l’année prochaine.

Très inspiré, « Jet Sex », « Cockpit Inferno » ou encore « Dragon » maintiennent la pression. Mais c’est encore « Cold Love », issu de « Mirror Mirror », aux riffs de guitare tranchants et à la rythmique schizophrénique, qui recueille tous les suffrages au sein de la foule.

Le set ne manque certainement pas d’énergie. Punk dans la démarche, des titres emblématiques tels que « Do You Read Me ? » ou « The Dragster Wave » ne sont pas oubliés. Mais le sixcordiste a tendance à en remettre une couche. Il n’a pas l’air dans son état normal et en s’imposant de la sorte, il s’arroge un rôle qui n’est pas le sien.

Quant à Stargasm, malgré tous les efforts consentis, il ne semble pas beaucoup plus frais. En outre, il y a quelque chose d’inachevé dans la prestation de Ghinzu. Une impression que partagent de nombreux fans.

Et dans la fosse, c’est la perplexité qui s’installe. Alors qu’elle devrait pogoter, la foule reste pratiquement insensible aux frasques des loustics. Un moment surréaliste !

Le guitariste, fou furieux, s’empare de sa gratte, s’avance et la balance à plusieurs mètres de distance, sous le regard médusé de l’auditoire. C’est spectaculaire, mais honteux, lorsqu’on connait le prix d’un tel instrument. Et elle a dû morfler sec puisque qu’un roadie vient lui en proposer immédiatement une autre. Ce qui lui permet de poursuivre le set.

Le frontman lui emboîte le pas. Il grimpe sur son clavier Roland qui vacille dangereusement et prend une forme incurvée sous le poids du gaillard. Encore un peu, il avait deux claviers !

La tension redescend d’un cran lorsque le quintet interprète le grave et spirituel « Mother Allegra ». Mais, l’accalmie sera de brève durée, « Mirror Mirror » et d’un « Dream Maker » rallumant ce climat survolté.

La fin du concert approche. Au cours de « Mine », Stargasm s’évade dans le public et rend heureux les adeptes du crowdsurfing.

Remy s’est couché sur le sol. Apparemment, inerte, son corps ne répond plus. Les autres musicos quittent l’estrade presque désabusés par ces singeries d’un autre âge. Un type accourt. Il prend le mec par les pieds et le traîne en coulisses de manière virulente. On se doute qu’il s’agit là d’une misse en scène de plus, l’individu se portant probablement bien.

Il reste deux têtes d’affiche : Shaka Ponk et les Pixies. Cependant votre serviteur doit prendre la route très tôt le lendemain matin pour partir vers d’autres cieux nettement plus ensoleillés ; et au vu des centaines kilomètres à avaler, il est plus prudent de conserver des forces.

Une édition qui s’achève sans trop de problèmes. On félicitera les efforts consentis par les organisateurs en matière de gestion des risques, pour avoir réétudié la mobilité, et notamment en créant des parkings payants.

On regrettera cependant le manque de confort visuel et acoustique de la scène ‘Colline’.

En fin de compte, Ronquières a eu le bon goût de proposer, aux côtés de grosses têtes d’affiche, de belles découvertes. Mais c’est encore la prestation de Phoenix qui a véritablement marqué l’édition 2024 de son empreinte. Bravo !

Photos Vincent Dufrane ici

(Organisation : Ronquières Festival)

 

Et de deux ! Journée marathon pour votre serviteur ! Ce samedi propose une affiche plus pop que la veille, faisant la part belle à des artistes qui vont plaire à une large frange des festivaliers, des bambins aux parents. C’est une constante ici à Ronquières. Cependant, demain, dimanche, sera une journée axée sur le rock ; une journée dédiée aux vieux briscards comme votre serviteur.

Il fait noir de monde. Des rumeurs circulent : cette journée serait sold out. Votre serviteur est donc entourné d’environ 25 000 personnes. Les conditions de visibilité ne sont pas optimales, il faut bien le signaler.

Deux contretemps sont venus contrarier la joie et la bonne humeur. Vers 18h, le réseau internet, censé gérer les paiements et le cashless, était d’une lenteur incroyable. Quasi-impossible donc d’étancher sa soif ! Fallait donc faire preuve de courage !

Comble de malchance, les prévisions météo pourtant favorables, n'ont pas tenu leurs promesses puisque la pluie s’est invitée, elle aussi, en fin de soirée, pour arroser les concerts de Bigflo et Oli ainsi que celui de Lost Frequencies. Sans doute que l’eau sert d’écosystème aux festivaliers, puisqu’ils bravent les caprices du temps.

Reste à voir comment les organisateurs, qui se targuent à grand coups médiatiques d’avoir anticipé les scénarii possibles, vont faire face aux parkings devenus, à défaut d’être praticables, à tout le moins difficilement carrossables.

Arrivé sur la plaine relativement tôt, direction la Colline pour y voir et écouter Youssef Swatt’s. Le Tournaisien est venu défendre son nouveau projet, en compagnie de ses musiciens.

Il est rompu à l’exercice du ‘live’ puisqu’il s’est produit dans le cadre de quelques festivals. Il compte aussi cinq albums à son actif, des collaborations avec des artistes belges et français de renom tels qu’Oxmo Puccino (« Le poids des mots ») ou Demi Portion (« Maintenant ou jamais ») et a assuré le supporting act des concerts de IAM, en 2022, mais aussi de Bigflo et Oli, en 2023.

Youssef Swatt’s a remporté tout récemment le concours organisé par l’émission française de rap, ‘Nouvelle Ecole’, dont la finale était diffusée sur Netflix, une compétition qui a accentué sa popularité.

Le peuple s’est réuni en masse pour y écouter sa parole. Son truc c’est le rap. Contrairement à pas mal de ses congénères, ses textes ne sont pas vindicatifs. Vous n’entendrez donc pas d’insultes à l’égard de la Police ou d’injures adressées aux femmes. Son discours est soft ; un phrasé intelligent appuyé par une ligne musicale.

Grâce à des compositions enivrantes et chaloupées, l’artiste se livre entre lyrisme poétique et introspection maladive. Si aujourd’hui la majorité des gens écoutent la musique sur les plateformes, c’est surtout en live que l’expression symbolique de ce jeune homme se livre. Il existe une sincérité chez lui que l’on ne retrouve pas chez d’autres.

Ses textes synthétisent les pôles de la vie et de la mort, à l’instar de « Générique de fin ». Ce sont des thématiques facilement adoptées par beaucoup de rappeurs, mais ici, elles sont dictées par son road trip accompli en Islande, en 2022, pour y notamment contempler cette « Etoile filante », chanson interprétée à l’origine en compagnie de Colt, un duo belge, né sur des cendres de Coline et Toitoine.

Alors qu’à ses débuts, il se produisait devant deux pelés et trois tondus, aujourd’hui, à seulement 24 ans, le jeune rappeur peut se targuer d’avoir, à la force de ses mots et au fil du temps, acquis une notoriété certaine. Elle est loin l’époque de ses 14 ans et de son premier Ep, « L’Amorce ». Une vie, parmi les vies, qu’il aime raconter dans « Remonter le temps ».

Exigeant, Youssef a livré un live frais, rythmé de chansons inspirées et inspirantes. Plus qu’un artiste, un véritable showman.

Adèle Castillon, dressée en haut de la Colline, baigne dans la musique depuis son plus jeune âge. Alors qu’elle n’a que 13 ans, elle compte déjà des millions de vues grâce à des vidéos qui font la part belle au second degré et à l’autodérision.

Fort de ce succès, elle publie, dès 2018, « Amour plastique », avec Matthieu Reynaud, son compagnon à la vie comme à la scène. Suivra un premier elpee, « Euphories », sous le patronyme Videoclub avant la séparation, en 2021. Ne dit-on pas que les histoires d’amour finissent mal, en général ?

Elle a l’intention d’exorciser ses démons du passé à travers « Plaisir Risque Dépendance », son premier opus solo ; un elpee qu’elle est fière de présenter face à un public attentif.

Pendant « Sensations », il y en aura, à l’instar de cette compo éponyme, pop et colorée, subtilement dansante, mais au récit tragique puisque la demoiselle y conte son addition aux opiacés, entamée fin 2019 et qui la conduira, début 2023, à une cure de désintoxication. Une chanson dispensée sous forme de pansement, estimeront les plus sceptiques.

Adèle est une artiste fragile, espiègle et remplie d’amertume. Entre espoirs et amour déchu, elle s’épanche sous des allures positives, même lorsqu’elle reçoit ce « SMS », résumant trois ans d’amour et annonçant une rupture.

Une idylle qui prend fin, mais donnera naissance à une légende douloureuse ponctuée d’un « Je t’aime », d’une sincérité foudroyante.

Proche de l’univers d’Adé, Adèle Castillon livre un show sculpté dans une électro-pop légère, réminiscente des 80’s, destinée au dancefloor. Pensez aux débuts de Mylène Farmer, de Lio ou du groupe Taxi Girl.

Autour d’élans mélancoliques et de textes intimistes, l’artiste exprime beaucoup de sentiments, entre amour et déception, à travers sa musique. Ou comment faire de l’hypersensibilité, une force, versus Miss Castillon.

Le set prend fin. « Impala », premier single paru l’année dernière, suscite cette impulsion démesurée d’envoyer balader ses ex. Peut-on se remettre de son premier amour ? Nul n’aura la réponse au terme d’un irrésistible concert.

Tribord toute ! Colline et Toitoine s’y produisent ! Enfin, pas tout à fait, puisque les deux ont cessé leur collaboration sous cette appellation pour tenter une nouvelle aventure, sous le patronyme de Colt.

Ceux deux-là se connaissent parfaitement ! Ils ont arpenté les couloirs de la même crèche ! Ados, ils partageaient déjà passion débordante pour la musique !

Leur succès est en progression constante. Ils ont écumé une kyrielle de festivals qui les ont emmenés jusqu’à New York. Sans compter les streams sur Tik Tok et Instagram, leurs clips ‘home made’ les propulsant au-delà de la sphère physique.

Coline Debry et Antoine Jorissen sont affublés d’une tenue, devenue l’étendard de leur prestation scénique : un costume blanc rapiécé de tissu bleu.

Ils ont décidé de se produire groupe. Antoine se charge du clavier/pad électronique, tandis que Coline se réserve le chant. Elle est aussi à l’aise dans la langue française que dans celle de Shakespeare.

« Milles vies » ouvre les hostilités, une compo qui percute comme un « Scooter » qui déboule à vive allure. Alors qu’elle s’applique méticuleusement, lui se lâche complètement dès le début du concert et le haut de son corps exécute des va-et-vient du haut vers le bas à chacun des coups de grosse caisse imprimé par son comparse caché derrière les fûts. Il est vraiment dedans.

Colt s’applique à jouer une musique positive, rayonnante et lumineuse qui brasse finalement des genres assez différents. Entre électro/pop, rock et indie. Les Bruxellois libèrent une belle énergie propulsant des corps statiques en une frénésie indomptable.

Le courant musical du combo donne envie de chanter, de danser et même de rêver. Même lorsque la jeune demoiselle se livre le temps d’une chanson baptisée « La salle aux lumières », référence à ses orientations sexuelles et du coming-out qui en a suivi.

Une belle prestation, des chansons qui vibrent et font vibrer ainsi qu’une énergie dévastatrice. Et si tout cela provoquait chez le festivalier, pourtant ravi, une « Insomnie » ?

Mentissa, à l’autre bout, prend le relais. Une Belge expatriée outre-Quiévrain pour des questions purement professionnelles. Quand on connait les enjeux et les opportunités en la matière, on ne peut que souligner l’intérêt d’une telle initiative !

La black est épaulée par un claviériste et une violoncelliste se charge de faire glisser l’archet sur les cordes.

La fanbase est constituée de jeunes. Assez classique, puisque la jouvencelle s’est illustrée dans le cadre du télécrochet ‘The Voice’, dont elle deviendra d’ailleurs un des jurés dans sa version belge.

Elle a du coffre ! Et pas que dans le soutif ! De sa voix pure, elle chante ses doutes, ses complexes et ses rêves. Rien de bien neuf ! C’est assez gnan- pour être honnête !

Y compris, lorsqu’elle se confie pendant « Balance », une compo au cours de laquelle elle évoque ses kilos superflus et les restrictions auxquelles elle a dû s’astreindre pour atteindre un idéal de canon de beauté.

Elle est venue pour y présenter son premier et seul opus, « La vingtaine », disque pour lequel elle s'est attaché les services d’auteurs notoires tels que Vincha (qui écrit souvent pour Ben Mazué), Yannick Noah et Claudio Capéo.

« Et bam », la belle tisse sa toile en alignant une déferlante de chansons destinées aux pré-ados, entre pop et chanson françaises, à l’instar de « Prends-moi la tête » ou encore « Premier janvier », des titres altérés par un spleen à la mords-moi-le-nœud.

Un set qui ravit pourtant les plus fidèles aficionados. Quant aux autres, ils ne retiendront pas grand-chose de sa prestation ! Suite et pas fin ?

Selah Sue est programmée sur la scène principale. Elle est attendue par des milliers de fans qui se sont déjà massé en nombre, malgré le soleil brûlant !

Flanquée d’une veste pailletée de gris et de noir, un legging, une brassière noire et chaussées de souliers à talons, la femme de 35 ans entame son récital par un « This World » incisif.

Débordant d’énergie, la dame embraie par « On The Table », un morceau d’une puissance équivalente à la droite décochée par un boxeur dans les gencives de son adversaire.

Sanne Putseys, à l’état civil, sait s’y prendre pour satisfaire le public hennuyer. Lorsqu’elle entame son « Raggamuffin », l’hymne qui l’a catapultée en tête des charts, c’est l’extase, pardi ! Du coup, les corps se déhanchent ou sautillent. C’est l’explosion !

En 2008 elle postait des vidéos de ses performances sur MySpace… qui sont rapidement devenues virales.

En 2010, elle sort son premier opus. Un éponyme ! Qui récolte un énorme succès en Europe. Ce qui la propulse sur le devant de la scène internationale. Depuis, outre ses nombreux elpees studio, elle a collaboré avec des artistes tels que CeeLo Green ou encore Ronny Jordan.

Ce soir, l’artiste louvaniste est de retour, mais hormis son troisième LP, « Persona », paru en 2022, (sept ans après « Reason »), elle n’a rien proposé de neuf depuis. Une œuvre ‘pansement’ diront certains, la jeune fille ayant traversé des périodes dépressives relativement importantes durant sa vie. La thérapie qu’elle a suivie l’a d’ailleurs inspirée pour l’écriture de ses chansons.

Elle connaît bien Ronquières pour s’y être présentée, il y a quelques années Une absence qui n’a en tout cas nullement affecté cette voix reconnaissable entre mille. Une voix soul, solide, puissante, profonde, légèrement éraillée et faussement fragile l'instant d'après.

Un organe vocal qui respire l’authenticité et l’assurance. Elle poursuit son concert intelligemment, mêlant chansons douces et mélancoliques aux compos très énergiques.

Respectant une ligne de conduite blues, soul et groovy, l’artiste n’en oublie pas ses titres incontournables, à l’instar d’« Alone » qui fait mouche auprès de l’auditoire. Et épisodiquement, elle leur apporte une touche de subtilité supplémentaire, en s’accompagnant à la sèche.

Alors qu’elle se distingue dans un registre reggae-ragga-soul, elle mérite une attention particulière lorsqu’elle interprète « Pills », une chanson où elle s’exprime sur son combat contre les antidépresseurs et qui l’atteint encore aujourd’hui. Un moment suspendu dans le temps !

Le show s’achève. Elle s’exclame ‘Je suis fière d'être une humaine, je suis fière d'être Belge’, puis tout de go, interprète sauvagement un « Peace in your mind, peace in the world » déchirant.

Selah Sue vient de livrer un set rempli d’humanité, de douceur et de paix. Vu la chaleur, des traces luisantes apparaissent sur son visage. Aucun doute, Selah… sue !

Et puis un grand moment de tendresse lorsque ses deux enfants viennent la rejoindre sur l’estrade. Du peace, oui, mais du love aussi !

Lucie, Elisa et Juliette sont aux commandes d’une formation souvent typographiée L.E.J, mais également orthographiée Elijay suivant sa prononciation.

Elles sont prêtes à entamer leur show tout en haut de la Colline.

Elles sont vêtues de jupes courtes qui leur confèrent un petit côté tenniswomen ! Et ce n’est le peuple masculin agglutiné aux premiers rangs qui va s’en plaindre ! D’autant plus qu’elles sont canon !

Alors que Lucie et Elisa, élèves au lycée Jean-de-La-Fontaine à Paris, suivent un cursus musical en lien avec la Maîtrise de Radio France (qu’elles fréquentent pendant dix ans), Juliette étudie au conservatoire de Saint-Denis. Un curriculum vitae qui leur permet d’acquérir les bases de la musique classique.

Dans la pratique, elles sont parfaitement multi-instrumentistes, s’échangeant, au gré des chansons, les instruments, sous le regard médusé du public. Elles jouent avec une précision chirurgicale. Normal, quand on est en présence de musiciennes. Mais, ce n’est pas toujours le cas !

Elles se sont forgé un nom auprès du grand public grâce à un succès inattendu, décroché en août 2015 et plus particulièrement à travers le clip « Summer 2015 », un mashup posté sur Youtube.

Excitées, elles entament le set par une intro, leur laissant le temps d’accaparer l’espace scénique. Très vite, « Paris En Hiver » et « Mots Noirs » suffisent pour constater que les trois jeunes filles maîtrisent parfaitement les codes du hip-hop.

Mais, là où elles excellent surtout, c’est dans le mashup, où elles s’exécutent, à tour de rôle, dans des « Summer 2019 », « Summer 2020 » ou encore « Summer 2023 » endiablés. Aucune différence de taille entre ces propositions. Facile et sans intérêt artistique !

Le combo livre un concert plein d’énergie et mise sur le côté visuel du show, mais elles manquent cruellement de conviction, leurs compos embrassant des contours minimalistes et mièvres, à l’instar de « Pas l'time » ou « La dalle ».

Avant de quitter leurs hôtes d’un jour, les demoiselles s’improvisent dans ce qu’elles savent faire le mieux finalement, à savoir, un nouveau mash-up, « Summer 2015 ».

Bref, L.E.J n’a pas cassé la baraque !

Hoshi est une habituée des lieux, elle aussi.

C’est une artiste, une vraie. Elle baigne dans la musique depuis son plus jeune âge. Elle commence à jouer du piano à six ans et la guitare à quinze. À la même époque, elle écrit ses premières chansons.

Elle effectue ses premiers pas au sein du groupe amateur TransyStory, formé en septembre 2011. Passionnée par la culture japonaise, elle choisit comme nom de scène Hoshi Hideko, puis simplement Hoshi qui signifie ‘étoile’ en japonais.

En dévoilant ses préférences sexuelles, elle est devenue, au fil du temps, l’égérie de la cause homosexuelle. A ses dépens parfois !

Alors que ses musiciens s’avancent d’un pas décidé, Hoshi reste confinée derrière un grand parapluie drapé de carreaux noirs et blancs. Soudain, les premières notes de « Mauvais rêve » retentissent. Elle se débarrasse alors de son pépin et s’avance, grosses godasses aux pieds, chaussettes remontées jusqu’aux chevilles et lunettes de soleil vissées sur les yeux. Sur cette chanson, elle retrace les étapes d’une vie que l’on comprend difficile. Rejetée de tous et du système, elle a morflé la petite !

La fanbase est constituée de jeunes, mais plus généralement de familles impatientes de voir celle dont les des titres passe-partout inondent les radios depuis quelques années déjà. Et ceux qui la connaissent savent très bien que sa présence risque de se faire de plus en plus rare car elle souffre de la maladie de Ménière, un mal qui la poursuit depuis toute petite. Cette pathologie provoque des acouphènes et entraîne des pertes d'audition. Ce qui ne l’a pas empêché de réaliser son rêve et de devenir chanteuse. Mais à certaines conditions : pas plus de deux concerts par semaine, car des vertiges peuvent apparaître rendant alors impossible ses prestations. Son meilleur traitement reste le soutien indéfectible du public.

Très vite, elle passe à « Tu me manques même quand t'es là », une compo traitant de la relation passion, particulièrement émouvante.

L’artiste répète à qui veut l’entendre qu’elle est heureuse de venir fouler les planches des festivals du plat pays. Le public, lui, est complètement hystérique. Des dizaines de festivaliers brandissent des pancartes sur lesquelles est mentionné ‘Hoshi, je t’aime’. Emue, elle ne peut s’empêcher de laisser couler ses larmes. Un joli moment d’émotion.

Généreuse et humaine, on la sent fusionnelle au sein de son band, et on remarque même qu’il existe une grande complicité avec sa bassiste.

Mathilde Gerner, à l’état-civil, s’épanche sur la bestialité sans nom dont elle a été victime à travers son appel au manifeste, « Amour censure », hymne à la tolérance et à la sincérité des sentiments amoureux. Hoshi, elle-même victime d'agression homophobe, a écrit cette chanson en réaction à une certaine libération de la parole discriminatoire, notamment après la ‘manif pour tous’. Une compo qui malheureusement a encore des raisons d'exister auprès des biens pensants. Et pour contrer toute cette haine, rien de tel qu’un gros fuck à tous ces enculés dont elle n’a plus peur aujourd’hui dit-elle ! Le public ne peut s’empêcher, à son tour, de lever le majeur, signe de l’intégration des mœurs.

L’artiste parle avec tristesse de son grand-père, un homme qui lui a communiqué la fibre musicale alors qu’il l’emmenait voir des concerts. C’est donc à la mémoire de ce grand monsieur qu’elle entame « Marcel », au refrain poignant ; une chanson qui rend à la chanson française ses heures de gloire.

Douée pour les métaphores et autres figures de style, elle achève son set par « Réveille-toi », sous le regard bienveillant de son public.

Après une heure de concert, un constat s’impose, Hoshi reste bel et bien l'étoile montante de la chanson française ; et pour cause, elle est parvenue à imposer son style musical bien à elle. Des textes simples, une musique entraînante et une aura exceptionnelle, des valeurs qui ont rendu cette femme sympathique.

Elle regagne les backstage, ses musiciens la suivent. Un cœur avec ses mains se dessinent. Hoshi maîtrise décidément les codes du genre.

Direction la Colline pour y voir et écouter Eddy de Pretto, un habitué des lieux, lui aussi.

Alors que lors de sa première tournée, le chanteur français faisait uniquement appel à un batteur et proposait un concert assez sombre et percutant, il a décidé de changer de fusil d’épaule sur cette tournée baptisée « Crash Cœur », le titre de son troisième disque sorti fin de l’année dernière. Exit donc les balades engagées, l’artiste mise avant tout sur des compos R&B où la danse et la fête sont reines.

Le podium accueille une structure métallique. Une toile géante se dresse tout au fond ; ce support servira aux nombreuses images qui vont flirter avec les chansons.

Alors qu’il entame son set par « Crash <3 », Eddy de Pretto se hisse sur la plateforme métallique afin d’y présenter ses musiciens. Mais de manière virtuelle, puisque ceux-ci ne jouent sur des bandes-son. C’est sans intérêt ! Un concert ne se justifie que par les interactions entre l’artiste et son public mais aussi ses musicos. L’artiste semble faire fi de ces préceptes et a donc décidé de miser sur le visuel et la scénographie.

Il paraît tout de même bienveillant ce soir et assène à qui veut bien l’entendre que le but du concert est de faire oublier les galères du quotidien. C’est donc pas le biais de « R+V » ou de « Mendiant de love » qu’il entend transmettre le message. Oui Eddy, du love, du love et encore du love.

Biberonné par Brel, Brassens ou encore Barbara, Eddy a, depuis ses débuts, ce pouvoir extraordinaire d’utiliser les mots pour fédérer et inviter l’auditeur à s’interroger sur le monde et autres vicissitudes de l’existence.

Vêtu d’un Marcel et d’un short/training, il fait vraiment vieille France. Manque plus que la baguette sous le bras et le béret. Bref, un Français à l’image des Français.

Il en fait trop ! Trop d’image et trop d’expositions comme quand il se campe vers les différentes caméras placées sur le podium, dont les images sont diffusées directement sur l’écran disposé sur la scène. C’est vachement autocentré. Ce type est d’un narcissisme démesuré.

Alors qu’un moment de grâce s’installe pour « Parfaitement », très vite le tempo s’accélère sur à « pApA $ucre » et ses images de fausses publicités. Si l’idée a de quoi retenir l’attention des aficionados, c’est surtout le « Soleil levant » qui se dresse devant eux et éveillent leur curiosité.

Si l’œuvre de De Pretto se résume par le choix de textes poignants sur fond de mélodies accrocheuses, il reste le plus convainquant lorsqu’il évoque le kid qu’il est, une chanson qui fustige la virilité abusive et l’homosexualité refoulée par le conservatisme sociétal. Le public connaît par cœur ce titre multi-radiodiffusé et certains spectateurs se reconnaissent en lui. Ou encore sa « Fête de Trop », évoquant muqueuses, amants de passage, mecs chopés ou encore rails de coke enfilés. Un titre qui lui avait d’ailleurs permis de décrocher une nomination largement méritée aux Victoires de la musique, en 2018. Si cette recette n’est pas à mettre entre les mains de n’importe qui, elle reste néanmoins taillée pour le live !

Ce soir, Eddy (re)fait du De Pretto. Et c'est dommage ! Pas vraiment de surprises à l’horizon donc ! L'artiste s’adresse surtout à lui-même.

L’écorché vif offre pourtant une belle palette de ses capacités lyriques et musicales à travers le très doux « Love’n’Tendresse », une chanson au vitriol sur ce que l’on cherche tous : un peu d’amour et de la tendresse. Une compo qui s’imprègne de son vécu tout en dénonçant, sans aucune prétention, les injustices de (sa) la vie.

Un set autobiographique qui jette un œil dans le rétroviseur pour relater certains grands moments de son existence, traversée d’épisode ténébreux.

Si cette bande-son ressemble davantage à un ‘best of’ et ravit le plus grand nombre, elle frustre les plus exigeants qui regrettent la trop grande prévisibilité du show. Un peu plus de liberté dans le champ d'action artistique et du lâcher-prise auraient fait un bien fou.

Bigflo et Oli se produisent maintenant sur la main stage. La pluie battante vient de s’inviter. Votre serviteur n’a pas prévu le coup, il est trempé jusqu’aux os. Stratégiquement, il se lance à la poursuite d’un abri. Aucun à l’horizon, ils sont tous été pris d’assaut.

Il décide donc d’emprunter le chemin du retour. En espérant que le parking ne soit pas devenu un marécage, sans quoi il sera nécessaire de faire appel à la générosité des fermiers du coin pour tracter la bagnole. Suite au prochain épisode !

Photos Vincent Dufrane

(Organisation : Ronquières festival)

 

L’édition 2024 du Ronquières Festival était attendue au tournant, à la suite des nombreuses critiques qui se sont abattues sur l’organisation, l’année dernière. A juste titre !

Souvenez-vous, entre mobilité catastrophique (surtout le vendredi lors de la déferlante déclenchée par la présence d’Indochine), les trombes d’eau rendant le site impraticable et l’annulation de la moitié des concerts le dimanche, il y avait de quoi râler sec ! Une gestion du risque en amont hasardeuse ! Ne craignons pas les mots : une honte !

Des changements radicaux ont donc (enfin) été opérés. Le premier concerne les parkings, désormais organisés en zones destinées à acheminer les festivaliers par un itinéraire différencié en fonction de couleurs. Conséquence, ils n’arrivent pas par le même chemin. Trois voies d’accès distinctes ont été tracées, ce qui permet de fluidifier le trafic et d’éviter les bouchons. 

Les navettes qui conduisent les spectateurs vers des points de chute déterminés, sont plus nombreuses aussi, à une fréquence variant de 30 à 45 minutes, en fonction du flux.

La mobilité douce n’est pas en reste non plus. Le vélo est mis à l’honneur ! Une bonne idée alors que le Tour de France vient de s’achever. Vous avez l’envie de revêtir le maillot d’Eddy Merckx ? Alors enfourchez une bécane mise à votre disposition ! Pour vous dire, on attend plus de 1 500 bicyclettes sur le site !

La configuration du site a également été repensée. Si la scène de la Colline est toujours plantée au même endroit, la main stage se situe maintenant (comme c’était le cas les années précédentes, d’ailleurs), à Tribord. Les stands bouffe et boissons sont également plus étendus, ce qui permet d’aérer la plaine.

Et si la pluie s’est invitée la veille, hormis quelques stigmates rappelant que la Belgique est un pays généralement pluvieux, les conditions climatiques sont relativement correctes. Question de bol, car certaines régions ont été touchées de manière beaucoup plus conséquente, il y a encore quelques heures. Le bon Dieu serait-il brainois ?

La journée de vendredi est généralement la plus calme et pour deux raisons essentielles. D’une part, parce que c’est le dernier jour ouvrable de la semaine pour celles et ceux qui ne sont pas en vacances, et d’autre part, l’affiche, n’est pas la plus intéressante. D’ailleurs, seul Phoenix suscite l’intérêt de votre serviteur !

Le point qui fâche encore et toujours (mais c’est une constante pour de nombreux festivals et festivités), c’est le prix des boissons et de la nourriture ! Une pinte à 3,50€, ce n’est pas donné ! Et encore, à ce prix-là, ne vous attendez pas à un grand cru ! Non, c’est de la pisse ! La bouffe, pareil ! Payer 11€ pour un hamburger, c’est de la folie ! Se ruiner pour de la merde, si ce n’est pas de nature à devenir schizophrène, votre serviteur ne comprend plus rien ! Enfin, en vieux bourlingueur, si les boissons sont interdites sur le site, le pique-nique, lui, ne l’est pas ! Selon l’adage, un homme averti en vaut deux !

Le temps de traverser les quelques centaines mètres qui séparent le parking de la plaine et de passer le portique de sécurité et RORI termine doucement son set.

Votre serviteur la connaît bien pour avoir déjà assisté à plusieurs de ses concerts (y compris au sein de feu Beffroi lorsqu’elle militait aux côtés de feu Valentin Vincent).

Les artistes ont un set bien rôdé. Le sien n’échappe pas à cette règle universelle : il est identique à celui de Dour et du LaSemo.

Ses fidèles serviteurs, l’ex-The Subs, Hadrien Lavogez, préposé à la guitare, et Loïc Lavogez, caché derrière les fûts, l’accompagnent une fois encore. On ne change pas une équipe qui gagne !

Elle assène ses compos de manière percutante, que ce soit sur « Ma Place », dont le phrasé, les sonorités pop et les appuis rythmiques sont très communicatifs, « C’est la vie », caractérisé par ses airs rock enflammés ou encore un « Loser », qui signe la rétrospective de sa vie.

La petite Camille Gemoets maîtrise bien les codes du ‘live’. Elle commence à accumuler de l’expérience. Le public, enivré par cette fausse nonchalance dont elle a le secret, le lui rend bien par de larges sourires.

Alors qu’elle enchaîne les festivals et les concerts, son visage commence à montrer des signes de fatigue. Un conseil, rends-toi chez le « Docteur », métaphore qui signe le titre qui l’a propulsée grâce aux ondes radiophoniques.

Capable de vous retourner de solides punchlines, l’ingénue est devenue une figure de proue de la scène musicale noir-jaune-rouge.

Que nous réserve la suite ?

Un peu de rap maintenant ! Tribord toute, moussaillon ! 47Ter s’y produit. Autant vous le signaler, ce genre musical navigue très loin de la culture de votre serviteur. Mais quand faut y aller, faut y aller, tel un soldat qui part pour la guerre !

La jeunesse est bien représentée. Pas mal de mecs ont adopté un look similaire : casquette vissée sur le crâne, palette retournée, training Adidas trop large et chaussures Nike ; bref, le ‘trois pièces’ parfait si on veut être dans le mood.

Issus de Bailly, dans les Yvelines, Pierre-Paul, Blaise et Lopes pratiquent une forme de hip hop aux textes très second degré. Le patronyme fait référence à la salle des fêtes locale dans laquelle les pèlerinages réguliers du groupe se déroulaient.

Alors qu’un grand ‘47Ter’ trône au milieu de la cours de récréation d’un jour, le trio, devenu maintenant une « Légende », entame son set par ce morceau issu d’un opus éponyme, paru en 2021.

« Vivre » prend rapidement le relais, une chanson positive qui croque la vie à pleines dents. Aucun doute, de ces premiers essais concluants au premier « L’adresse » sorti en 2019, sacré disque d’or, la route du combo est véritablement parsemée de succès.

C’est le souk, dans la foule. Mais il est tellement plaisant à observer… Pas de prise de tête, ni de gangsta rap en vue, mais une recette qui mène du rire aux larmes, de la nostalgie à l’espoir… En outre, ils sont super sympas et communicatifs !

Que l’on aime ou pas ce courant musical, laissons à cette bande de joyeux drilles, le bénéficie de la joie et de la bonne humeur !

Entre refrains fédérateurs qui oscille de la pop au rap, le combo convainc l’auditoire. Pas mal de textes suscitent la réflexion sur les complexités de la vie quotidienne. Le trio brosse ses traités philosophiques sur des thématiques telles que l'identité, la réussite, et les défis rencontrés tout au long du chemin. Par essence, la vie n’est pas un long fleuve tranquille !

Grâce à sa prose poétique subtile et ses sonorités délirantes, 47ter a conquis la foule.

Après être resté statique durant une heure, il faut remonter la pente (au sens propre comme au figuré) et se dresser droit comme un piquet tout en haut de la Colline. L’Impératrice s’y colle.

Impliquant 6 membres –Charles de Boisseguin (clavier), Flore Benguigui (chant et texte), Hagni Gwon (claviers), David Gaugué (guitare basse), Achille Trocellier (guitare électrique) et Tom Daveau (batterie)– ce groupe atypique se nourrit clairement de pop chic, d’électro débridée, de french touch et de disco/funk cosmique à coloration 70’s.

La gonzesse est affublée d'un accoutrement à la Star Trek, veste gris clair et grands cercles sur les épaules. Quand on l’observe de plus près, il ressemble au costume de Jacques Villeret dans la soupe aux choux ! La demoiselle a enfilé de grandes bottes blanches et une jupe qui laisse entrevoir quelque chose d’assez sympa. Quant à ses tifs mi-blonds, mi-turquoises, la belle donne l’impression de sortir de chez une coiffeuse débutante. A moins que ce ne soit un effet de style désiré ? Bizarre, ses musiciens embrassent le même délire. La culture du détail semble-t-il…

Une batterie trône, tel un étendard, au milieu de l’estrade. Elle est surélevée. Le brillant domine aussi. Abba s’y produit ?

La foule est compacte. Faut dire que le concert programmé à l’Ancienne Belgique est complet. Ce que peuple veut, il l’obtient ! 

Révélé au grand public par un troisième Ep intitulé « Odyssée », le sextuor embarque immédiatement le public à bord de son vaisseau spatial dans le cadre d’une tournée baptisée ‘At down the rabbit hole’.

« Cosmogonie » ouvre le bal. Côté foule, danse et bonne humeur sont les maîtres-mots. Le ton est donné, la fête peut commencer. Et ne s’achèvera qu’à l’issue du concert.

Tout au long d’« Amour ex Machina », Benguigui concentre un peu plus encore ses efforts sur une mise en scène impeccable.

Loin du simple live, un concert de L’Impératrice procède de l’expérience et de l’imaginaire.

Le concert est dominé par les sonorités disco et funk et par un groove qui fait le bonheur des popotins qui trouvent là, un bon moyen pour se dandiner.

Manifestant un sens de l’érotisme décomplexé, les musicos s’appuient sur des synthés rétro, des cuivres chaloupés, des riffs de gratte funky et des percussions tribales. Et vu l’approche très ‘french touch’ de l’expression sonore, la filiation avec le défunt Daft Punk est inévitable.

Taillé pour le live, le band n’hésite pas à balancer encore et encore une salve de tubes épiques comme « Anomalie bleue », « Voodoo ? » ou encore « Girl ! », sur un lit de textes à l’esthétisme léché et visionnaire. Bref, L’impératrice tisse sa toile dans sa folie, loin des clichés du genre.

Passant de l’extase aux cris, la jeune dame se livre à corps perdu dans le sublime « Love frome the other side », un titre qui évoque celles et ceux qui disparaissent, mais que l’on garde dans un coin de nos cœurs.

Au terme d’un concert d’un peu moins d’une heure, L’Impératrice et sa troupe ont proposé un concert rythmé, riche en émotion, et d’une sincérité incontestable. Ces extra-terrestres du monde de la musique ont envahi le cœur et le corps du public qui, très excité, s’est laissé bercé par cette prestation. Et c’est ce qui compte le plus.

En naviguant entre mystère, féminité et élégance, L'Impératrice ressemble à son avatar… une femme mystérieuse, authentique et généreuse.

Retour à la main stage. PLK y est programmé. De son véritable nom Mathieu Pruski, c’est un rappeur français d’origine polonaise et corse. Il milite au sein du collectif parisien Panama Bende et du trio La Confrérie, un crew impliquant trois membres de Paname Bende.

En 2015 et 2016, il sort ses premiers Eps, « Peur de me tromper » et « Dedans ». Il entame sa carrière solo et signe chez le label Panenka Music, en juin 2017. Il publie par la suite « Ténébreux » et « Platinum », deux mixtapes qui vont lui permettre de se faire connaître. En octobre 2018, PLK grave « Polak », un premier elpee solo, certifié double disque de platine.

Encore et toujours du rap… Si les jeunes y trouvent une raison de rester, leurs aînés se sont précipités dans les bars… bondés à cette heure de la journée.

Sur une grande toile dressée, pour la circonstance, en arrière-plan, on aperçoit l’image d’un ours féroce.

PLK débarque, un pull blanc sur le paletot et une grosse croix rouge côté bide. Il est flanqué d’un acolyte abordant fièrement un short orangé. Des accoutrements ridicules ! Tout comme les textes qu’il assène du style ‘je me suis fait sucer à 14 ans dans un KFC ‘ (NDR : référence à Mister V ?) Comme dirait Thierry Lhermitte dans le Père-Noël est une ordure, ‘c’est fin et ça se mange sans faim’. Ouais…

Le pseudo-chanteur crie à qui veut l’entendre qu’il est malade comme un chien et que sa température atteint les 39°. Franchement, on s’en fout et ça n’excuse en rien la nullité des propos et un concert au ras-des-pâquerettes, dont votre serviteur ne retiendra rien, si ce n’est les nombreuses bières ingurgitées.

Dès lors, il décide de s’attarder auprès de ses congénères. Et pour un bon moment encore, car l’artiste qui suit à la Colline, c’est Luidji, encore un rappeur. Quelle horreur !

Il faudra donc attendre 22 heures 15 pour vivre un show d’un autre calibre : celui de Phoenix !

Les météorologues ont annoncé de la pluie entre 22 et 23 heures. Que faire ? Rester, au risque d’être trempé jusqu’à la moelle, comme l’an dernier ? Partir et louper la meilleure part du gâteau ?

Votre serviteur aime les risques. Et gourmand avec ça ! Quitte à savourer un quartier de pâtisserie succulent, autant tenter d’en déguster le plus grand ! Flanqué au crash, il compte ne pas perdre une miette de ce spectacle annoncé comme magique.

Phoenix ne déçoit jamais lorsqu’il se produit en live. En misant sur des dinosaures, les organisateurs ont fait mouche pour clôturer la première journée.

Originaire de Versailles, dans les Yvelines, cette formation de pop/rock implique Thomas Mars, Deck d'Arcy, Laurent Brancowitz et Christian Mazzalai. C’est l'un des combos français les plus populaires à l'échelle internationale.

Ils se sont rencontrés au collège. Vers l'âge de 12 ans, Deck D'Arcy et Thomas Mars jouent déjà de la musique ensemble lorsque Christian Mazzalai les rejoint. Ils fréquentent ensuite tous trois le lycée Hoche et créent un groupe en 1991.

En 1995, ils sont rejoints par Laurent Brancowitz, le frère de Christian, qui vient de quitter le combo qu'il avait créé en compagnie de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, qui fondent, de leur côté, Daft Punk, en 1993. Le band est officiellement constitué en 1995 et opte pour le patronyme Phoenix, deux ans plus tard.

En 1997, il grave un 45trs : « Party Time/City Lights ». C'est un tirage limité (500 exemplaires) destiné à démarcher les maisons de disques. Ce qui lui permet de signer l'année suivante sur le label Source, de Virgin.

En 1998, il apporte sa collaboration à Air pour l’enregistrement du single « Sexy Boy/ Kelly Watch the Stars », mais également, quand le planning correspond, sur les plateaux de télévision et en concert.

Le premier single ‘officiel’ de Phoenix, « Heatwave », paraît en 1999. Il réunit trois plages de musique électronique. On est alors en pleine ‘french touch’. Les titres sont chantés en anglais, et naturellement Phoenix se rapproche davantage de la scène pop/rock anglo-saxonne et internationale. La formation sort du périmètre purement francophone.

Son premier long playing, « United », fruit d’un cocktail de rock, soul, funk et musique électronique, paraît en mai 2000. Avant sa sortie, les titres sont diffusés aux États-Unis et en Europe, notamment en Angleterre. « If I ever feel better » rencontre un franc succès outre-Manche et permet à Phoenix de se faire connaître du grand public. Il écume les festivals du monde entier et devient l'un des tenants de la branche rock de la ‘french touch’.

A ce jour, Phoenix compte sept albums studio à son actif.

Le podium est cerné par un grand cadre, un support parfait pour les nombreuses images diffusées, que ce soient le Palais de Versailles, un tunnel ou encore une église italienne.

Le quatuor entame son set par « Lisztomania », issu de « Wolfgang Amadeus Phoenix », un opus datant de 2009 qui a changé son existence puisqu’il a raflé toute une série de récompenses : Grammy Awards, le Saturday Night Live, le Madison Square Garden, Coachella, le Hollywood Bowl… Percutant, le morceau ébranle les ‘portugaises’…

Il est rapidement suivi par « Entertainment », une compo caractérisée par ses petites touches sonores asiatiques. Alors que le combo n’en est qu’à ce second titre, l’ambiance est déjà très chaude. Et pourtant les mauvaises langues s’attendaient à un concert poussiéreux. Comme quoi, on peut avoir un quart de siècle dans les lattes et assurer comme des jeunots.

Et le combo déploie ensuite l’artillerie lourde en balançant l’incontournable « Too Young », fresque musicale inspirée par Sofia Coppola pour la bande originale de son film ‘Lost in Translation’ ou encore les frères Farrelly à travers la succulente comédie ‘L'Amour extra-large’…

Grâce à sa formule très pop et ses rythmiques syncopées, ce morceau avait permis à la formation de se forger une place enviable sur la scène internationale alors que paradoxalement, elle éprouvait alors davantage de difficultés à y parvenir en son propre pays.

Souhaitant faire profiter un maximum les milliers d’aficionados, Phoenix puise au sein d’une large palette de ses long playings, de « Bankrupt ! » (2013), à « Ti Amo » (2017) en passant par « It’s Never Been Like That » (2009) et « United » (2000).

On y perçoit cette évolution selon les époques et les styles, à l’instar de « After », « Midnight » ou encore « Armistice ». Mais en maintenant une constante d’accessibilité, car Phoenix s’adresse à un public intergénérationnel.

Le batteur est particulièrement dynamique. Il se déchaîne littéralement, alors que les autres membres restent un peu en retrait et se montrent globalement peu loquaces, misant sans doute davantage sur le visuel au détriment de la communication.

Et des surprises, il y en aura. A commencer par « If I Ever Feel Better », au cours duquel un homme masqué tient en main la tête décapitée de Thomas Mars ou encore quand ce même personnage mystérieux s’empare de jumelles pour filmer l’auditoire pendant « Trying To Be Cool ».

Le set prend des allures de fin lors d’un « 1901 » virulent. Marc laisse tomber la chemise et s’avance vers la foule, puis, emporté par une folie furieuse, décide de s’y jeter. Elle le porte. Il vacille, mais finit par rester droit comme un piquet. Après quelques mètres, trahi par la soif, il se saisit de la bière d’un quidam et tout en se laissant aller au gré des caprices de l’auditoire. Il tente de maintenir le breuvage parfaitement vertical afin de ne pas perdre une goutte. Et vous savez quoi, ce performeur y parvient !

Le spectacle a duré une heure et demie. Les spectateurs en redemandent encore et encore. Mais rien n’y fait !

On ne retiendra que du positif de cette prestation. Les superlatifs ne manquent pas. On a eu droit à du son hors norme, des images impressionnantes, de l’énergie, de l’hystérie, et des frissons à n’en plus finir. Que demander de plus ?

La prestation de Phoenix a été tout bonnement exceptionnelle ! A l’image de sa carrière qui couvre plus de deux décennies.

D’ailleurs, alors que la tournée, commencée il y a deux ans, devait s’achever au bout d’une année, la tournée n’a cessé de se prolonger. Et au vu du spectacle offert ici à Ronquières, on comprend évidemment pourquoi.

Grâce à sa pop jubilatoire et ses refrains entêtants, c’est sûr, Phoenix n’arrête pas de renaître de ses cendres.

Photos Vincent Dufrane ici

(Organisation : Ronquières festival)

 

 

 

 

 

 

mercredi, 28 août 2024 15:31

Les Gens d’Ere 2024 : dimanche 28 juillet

Incroyable ! Il fait chaud ! Trop selon certains !

Si la veille, le festival a atteint sa capacité maximale de 10 000 personnes, aujourd’hui, on peut facilement déambuler sans devoir jouer des coudes.

Cette dernière journée fait la part belle à des artistes de qualité, mais dont l’orientation est davantage rock.

Lorsque votre serviteur se plante devant l’estrade du chapiteau, le début de concert de Doria D est imminent.

Elle est accompagnée d'un drummer, d'une jolie dame brune au clavier, et d’un bassiste un peu grassouillet.

Sa carrière musicale ressemble à un conte de fées. Alors qu’elle vient juste de souffler ses 16 printemps, la jeune fille, armée de sa gratte électrique, écume les bars. Elle signe dans la foulée chez le label G-major ; et puis, en 2021, grave un premier Ep réussi, baptisa « Dépendance ». Depuis, son succès est en progression constante.

Elle est venue présenter son dernier format intitulé « Je cherche encore… » Mais que le festivalier lambda se rassure, elle livrera des titres plus anciens pour le bonheur de la fan base, à l’instar de « Hors tempo », une chanson qui met en exergue une voix rauque et envoûtante, cousine lointaine d’une certaine RORI, surtout lorsqu’on perçoit ce léger voile dans la tessiture.

Entre amour-passion et amour-raison, elle assène à qui veut l’entendre des « Coups et bisous », afin d’évacuer la « Colère » qui sommeille en elle, préférant cette solution à la frustration dont elle a manifestement gardé des traces. Doria D est une artiste torturée, qui, grâce l’écriture de chansons aigres-douces, capture l’instant pour en faire surgir une matière subtile.

La dame communique énormément avec son public, comme lors de ce surprenant « Nanana » où elle invite les milliers d’aficionados à reprendre le gimmick ‘Nananana nananana’ ou encore ‘Nan nan nan’. Un exercice inscrit dans une complexité relative.

Mais c'est à travers sa reprise de l’emblématique « Jeune et con » de Damien Saez qu'elle se hisse comme véritable porte-drapeau de toute une génération. Sa gratte électrique en bandoulière, elle frappe les cordes avec une sensibilité à fleur de peau. Passant de femme à enfant, la demoiselle prend un plaisir fou, comme un gosse à la Saint-Nicolas. Un morceau qui lui ressemble !

Inspirée par Billie Eilish, Lana Del Rey, mais aussi des rappeurs francophones comme Nekfeu et Lomepal, Miss Dupont propose des sonorités french pop modernes qui s’inscrivent dans l'air du temps, le tout dans un style et une décontraction apparente. Grâce à un sens mélodique et des textes percutants, l’artiste marque les esprits.

Alors que la demoiselle s’épanche sur sa « Dépendance », un texte qui traite d’une relation toxique, elle invite le temps d’une chanson Aprile, dissimulé jusqu’alors en backstage, pour attaquer un « Volcan » diabolique et aux accents électro-pop, inspiré du vécu des deux larrons. Un morceau quasi-autobiographique lui aussi.

Ecorchée vive, Doria D est une artiste qui, à l’aide de textes simples et des sonorités contemporaines sacrément dansantes, est parvenue à conquérir une bonne frange de l’auditoire. Que du bonheur !

Il est de temps de prendre un peu d’air en compagnie des légendaires (NDR : décidément !) Matmatah.

Sobres et élégants, les musiciens, tous habillés de noir, grimpent sur les planches en vainqueurs. Le line up implique Tristan Nihouarn (chant, guitares, harmonica, oud, claviers, flûtes), Éric Digaire (basse, chant, guitare, piano), Benoît ‘Scholl’ Fournier (batterie, percussions), Julien Carton (claviers, chant) et Léopold « Léo » Riou (guitare électrique, chant). Cinq gars au caractère bien trempé, bien décidés à en découdre ! On dirait les Men in black. Manque plus que les lunettes !

Ça y est, « Nous y sommes », un titre issu de « Plates Coutures », disque gravé en 2017, ouvre les hostilités. Une seule compo et ces drôles de types semblent déjà faire l’unanimité auprès du public qui s’est rué en masse contre les barrières, alors que le soleil tape comme un sourd. Les guitares s’envolent, le batteur martèle les peaux et cette basse d’une puissance inouïe défonce littéralement les tympans. Putain, enfin un groupe qui en a dans le froc !

Pas le temps de se reposer que déjà « Le rhume des foins » (une chanson de saison !) embraie. Le public les acclame chaleureusement et le front stage est envahi par une bande de fous furieux. Ça sautille, ça virevolte et ça beugle comme des veaux.

Originaire de Brest, en Bretagne, cette formation hexagonale de folk/rock s’est constituée dès 1995. Elle implique Nihouarn (Stan) et Floc'h (Sammy), très vite rejoints par le bassiste Éric Digaire et le batteur Fañch. Enfin, son patronyme se réfère au village troglodytique tunisien du même nom, mais orthographié Matmata.

Jusqu’en 2008, date de sa séparation, le combo breton a rencontré un succès certain. Il s’est reformé en 2018. Néanmoins, Emmanuel Baroux, guitariste originel, a cédé le relais à Léopold Riou (un tout jeune qui a le feu au cul), à la suite de querelles internes. Et c’est un euphémisme !

Le band est venu défendre son dernier né, « Miscellanées bissextiles ». Un opus qui date quand même puisqu’il est paru l’année dernière. Mais qui vient de réapparaître sous une forme ‘Deluxe’. Le luxe quoi !

Tout au long de « La fille au chat noir », le groupe se sert de codes bien celtiques. Riou assure le spectacle à lui tout seul, en vrai showman. Il est complètement barge, court sans cesse d’un bout à l’autre de la scène. Son visage emprunte étrangement des grimaces simulant l’orgasme sexuel. Son front ruisselle, la sueur perle, mais quoi qu’il advienne, il prend sur lui et assène de ses cinq doigts de la main droite des coups violents sur les cordes de sa gratte, son terrain de jeu préféré.

Les morceaux s’enchaînent. Hormis Léo, les autres membres du groupe assurent peu d’interaction avec le public. A vrai dire, ce dernier s’en fout royalement. Il est uniquement là pour s’amuser et très franchement l’objectif est atteint !

Après une salve de titres ‘punchys’, « Emma » s’immisce, dans une version piano/guitare/voix, emportant le public vers des cieux oniriques. Puis, un joli hommage à la ville de Brest est rendu à travers « Brest-Même » qui permet au guitariste foldingue de prendre la pose sur les marches promptement installées entre la crash et l’estrade.

Alors que les morceaux s’enchaînent à vive allure, les Bretons livrent un « Lambé An Dro » magistral, rappelant les paysages magnifiques et variés de la Bretagne, allant des côtes rocheuses aux plages de sable fin.

Matmatah a livré un concert d’une qualité exceptionnelle. Un grand moment, presque d’anthologie !

Alors que les aficionados sont en pleine effervescence, ébahis par le spectacle grandiose auquel ils viennent d’assister, les lascars reviennent, enfourchent leur instrument, comme le cycliste sur sa bécane et vlan, « Sushi bar », tranche de rock celtique, est jetée en pâture. Malgré la fatigue, le public bondit (enfin, une bonne dizaine de rangées face au podium) et chante, même.

Après « L’apologie », un morceau caractérisé par ses solos de batterie tonitruants, « Les moutons » font face au loup. Une dernière compo qui ponctue une prestation remarquable.

Matmatah vient d’accorder l’un des concerts les plus percutants de ce festival. Preuve de leur ouverture d’esprit, alors que dans une très grosse majorité des cas, les photographes ne peuvent accéder au crash que durant les trois premières photos, ici, c’est à partir de la quatrième que les professionnels peuvent immortaliser les moments les plus intenses.

Léopold, profite des acclamations, pour agiter une dernière fois sa guitare couleur alu en guise de trophée ; une récompense qu’il aura bien méritée.

Sous la tente, le concert de Deluxe va bientôt débuter. Il s’agit d’un groupe français originaire d'Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Libérant pas mal de groove, sa musique véhicule des accents hip-hop, soul, funk et jazz.

Sur les planches, une énorme toile rouge s’impose. Il y est dessiné une énorme moustache. Bizarre, le clavier arbore, lui aussi, ce signe distinctif. Et vous savez quoi ? Lorsque les musiciens montert sur le podium, eux aussi arborent fièrement la moustache. Seule la chanteuse n’en possède pas ! Quoiqu’on devine un petit duvet sous…

Dès les premiers titres, l’expression sonore baigne dans un climat kitsch. Trop is te veel ! Au bout de quelques minutes, votre serviteur préfère s’éclipser afin de se dénicher une place idéale pour assister au concert de Kyo.

Pas mal de fans ont enfilé des t-shirts à l’effigie du band.

C’est pendant leur scolarité dans un collège des Yvelines, en Ile-de-France, que Nicolas Chassagne, Benoît Poher et les frères Fabien et Florian Dubos se rencontrent et décident de fonder Kyo, une appellation qui s’inspire des mangas japonais et de jeux vidéo.

Le quatuor sort un premier LP en 1999, « Pour toi ». Le succès n’est pas au rendez-vous. C’est grâce au second, paru en 2003 et intitulé « Le Chemin » –dont le titre éponyme, partagé en duo en compagnie de la chanteuse néerlandaise Sita– qu’il finira par s’imposer. Afin de fêter dignement ses 20 années d’existence musicale, le combo a décidé de rééditer ce disque en y ajoutant des bonus. On y retrouve, certes leurs succès, mais aussi des duos iconoclastes.

Changement de line up quand même, puisque Jocelyn Moze, est désormais préposé aux fûts, ce qui apporte une nouvelle dimension aux compostions.

Alors que des images projetées les montrent lorsqu’ils étaient jeunes, les musicos font leur apparition. Premier constat, ils accusent le poids des années : quelques rides, des cheveux ‘poivre et sel’ et des boucs aux poils hirsutes. Même les dreadlocks de Florian Dubos ont disparu pour faire place à une coiffure davantage dans l’air du temps. Certains parleront d’un cap qu’ils viennent de passer, d’autres de maturité.

C’est donc par le titre de la tournée que le généreux chevalier Poher entame son tour de chant. Une chanson autrefois interprétée en compagnie de Sita et plus récemment par Stéphane, mononyme d'une auteure-compositrice-interprète suisse. Un titre qui mènera le combo… dans la bonne direction !

Bien entendu, la fan base reprend en chœur ce refrain d’une composition devenue mythique et qui a su traverser les âges et les époques.

« Je cours », morceau racontant le destin d'un adolescent, rejeté de tous, qui cherche le bonheur malgré lui dans un univers ténébreux, exerce un retentissement profond. Musicalement, mais aussi parce que le sujet est malheureusement toujours d’actualité.

Alors que la tournade Kyo s’abat sur Ere, à l’instar de « Tout envoyer en l’air », « Chaque secondes » et « Je saigne encore », « Sarah », dans un registre aussi sombre, sur fond de violence familiale, de maltraitance et d'alcoolisme, vient apaiser les esprits, mais confortent les certitudes : Kyo est taillé pour le live. Une compo sur laquelle Benoît pose son grain de voix délicat et éthéré, armé d’une sèche. C’est alors que des milliers de smartphones s’illuminent à des dizaines de mètres à la ronde.

La dynamique se poursuit lorsque Dubos se charge, épisodiquement des vocaux, sous le regard attendrissant de Benoît qui, lui, préfère rester en retrait et épauler sn ami à la guitare acoustique.

Le spectacle est tellement foufou que le chanteur ôte sa veste pour laisser apparaître un marcel flambant neuf ; le vêtement idéal pour faire craquer les filles.

Si la recette de Kyo repose avant tout sur des textes introspectifs et des accords passe-partout, elle n’en demeure pas moins efficace. Une bande son moderne comme sur ce spectaculaire « Contact », titre d’ouverture de « 300 lésions »

Tandis que les sixcordes s'électrisent, le groupe jette un regard oblique et incisif sur la société ainsi que l'industrie musicale à travers des « Poupées russes » : ‘Dans la musique il y a des farces et les graines du futur / Et si souvent des coups d'État, parfois des investitures’.

Il est temps à présent de tourner la page, sans la déchirer. Et si l’on s’octroyait une « Dernière danse », sublime ballade acnéique soutenue en son temps par Sia et plus récemment par Cœur de pirate.

Que l’on aime ou pas ses relents post-adolescents et sa pop facile, Kyo fait preuve de fausse perversité en proposant un show d’une qualité rare. En se positionnant durant une heure trente en mode ‘best-of’, il montre ainsi à ses détracteurs les plus virulents qu’il dispose encore suffisamment d’énergie, de maîtrise et de pugnacité pour tenir encore au minimum 20 années de plus.

La recette Kyo est d'exploiter au mieux un terrain de jeu qu’il connaît parfaitement, un espace à la signature reconnaissable, un renouveau dans la direction artistique ainsi que de la précision dans le travail d’écriture et de réalisation.

Il est environ 23 heures lorsque le set s’achève. Kid Noize bénéficie d’une large renommée sur le sol belge. C’est chez lui. Trois albums, trois bandes dessinées et une dizaine de singles dans le Top50 belge, ce n’est pas rien quand même !

Votre serviteur va troquer son accoutrement de festivalier au profit d’un costard cravate, la vie reprenant ses droits inlassablement.

Il est impatient de retrouver une édition marquée par des aménagements revus à la hausse, une scène en plein air doublée au niveau de son espace et un chapiteau qui a gagné 600m2, mais tout en maintenant cet ADN qui est proposé aux Les Gens d’Ere, un festival qui se démarque par sa singularité, son éclectisme et sa richesse de programmation.

Il semble que le festival ait battu le record d’affluence de l’année dernière (25 000), soit une fréquentation cumulée sur trois jours de 30 000 personnes. Décidément, les chevilles ouvrières du ‘Les Gens d’Ere’ ne manquent pas… d’air !

A l’an prochain !

(Organisation : Les Gens d’Ere)

samedi, 27 juillet 2024 15:52

Les Gens d’Ere 2024 : samedi 27 juillet

Si les nuages se sont pressés en masse, cette journée de samedi est climatiquement acceptable ! Il fait assez doux, même si la fraîcheur causée par le vent du Nord vient atténuer cette sensation de connaître enfin l’été, en 2024. Vivre en Belgique demande quand même une fameuse faculté d’adaptation !

Les Gens d’Ere, contrairement à pas mal de ses homologues, ne prolongent pas les festivités jusqu’au bout de la nuit. Dès lors, les stigmates de la veille sont à peine visibles, et le visage des festivaliers accuse si peu la fatigue. A peine, y distingue-t-on les cernes.

Le menu du jour recèle des artistes confirmés, certes, mais également des artistes de second plan destinés surtout aux plus jeunes, voire très jeunes au vu du nombre de têtes blondes qui peuplent le site, aujourd’hui.

Alors que votre serviteur arrive tambour battant, tel un soldat partant pour la guerre, le set de Doowy s’achève. Pas le cuisiniste notoire pour son accent à couper au couteau, mais Thibaud Demey (à l’état-civil), un ex-musicien de Lost Frequencies et Mustii.

Malheureusement, les dernières notes résonnent au moment de se planter devant le podium et, par conséquent, impossible d’émettre un avis quelconque à propos de sa prestation.

Autant se rendre sous la tente pour y (re)découvrir Alice On The Roof.

Remarquée à The Voice Belgium, où elle atteint la demi-finale, Alice On The Roof peut se targuer d’être devenue une artiste à part entière.

Drivée en son temps par Marc Pinilla, le charmeur du groupe Suarez, la belle a réussi à imposer un style qui n’appartient qu’à elle, notamment grâce à « Easy Come Easy Go », un titre issu d’un premier opus baptisé « Higher », largement diffusé sur les ondes noir-jaune-rouge. Une fierté nationale !

L’évidente qualité de cette composition, mais d’un autre temps, lui permet de récolter une critique médiatique et populaire unanimes, bien utiles pour (s’) expérimenter et acquérir un crédit scénique.

Un piano couleur alu trône au milieu de l’estrade. Vêtue d’une robe pailletée et coiffée de cheveux d’un vieux rose dégoûtant, elle pose son séant devant cet imposant instrument en entame un « Mistery Light » doux comme un crâne chauve. Puis, très vite, des beats électroniques viennent rompre ce moment hors du temps. Le tempo s’accélère et la petite se laisse emporter au sein d’un univers emprunté à la Tim Burton. Parce que du mystère, Alice sait s’en entourer !

Alors qu’il y a quelques années, elle avait assuré aux Les Gens d’Ere un concert en formule groupe, elle se produit aujourd’hui, seule, comme une grande, dans le cadre de sa tournée ‘The Girl in the Mirror Tour’. Un choix assumé, dit-elle ! Enfin pas vraiment, puisqu’un préposé se charge des percussions sur l’une ou l’autre de ses compositions.

Difficile d’occuper l’espace scénique lorsque tous les musiciens sont aux abonnés absents ! Et pourtant, la demoiselle y parvient fort bien. Elle est soutenue par une loop machine qui produit des boucles. Un coup, j’te mets une batterie, un coup, j’te mets une note de synthé, et hop, le tour est joué. Alice est devenue à la chanson ce que Garcimore était à la magie.

Une formule, en tout cas, qui lui permet de faire découvrir une chanson récemment sortie, « Change my world », soit un avant-goût d’un futur elpee. Et afin d’illustrer le propos, des écrans diffusent de manière sporadique des saynètes. Au cours de l’une d’entre elles, une main place des objets dans une maisonnette. Bizarre non ?

Une compo qui confirme que la Sonégienne a acquis de la maturité.

L’humour (un peu facile) est devenu une nouvelle qualité chez celle qui était encore une grande timide il y a peu de temps, lorsqu’elle évoque Brad Pitt et ses origines wallonnes, référence aux critiques formulées à l’encontre de Georges-Louis Bouchez lors de la pose qu’il a prise avec l’acteur américain sur le circuit de Spa-Francorchamps.

Plus qu’une suite de chansons, on assiste à une véritable mise en scène au cours de laquelle une Alice versus ‘2.0’ s’émancipe enfin et se livre sans concession dans un exercice de style qui lui va comme un gant.

Sa voix éthérée et candide se pose ensuite pudiquement sur « Easy come easy go », un titre phénomène alors qu’elle n’a que 21 ans. Un son électro/pop qui a fait craquer les aficionados. Sa plume incisive, joviale et sautillante souligne des images en filigrane entre Alice et son lapin blanc, deux personnages qui nous emmènent tout droit aux pays des merveilles.

S’accordant une pause bien méritée, elle regagne les coulisses. C’est alors qu’on la voit, muette, brandir de grandes pancartes sur lesquelles des messages défilent… du style : ‘Que boit la vache ?’ ou encore ‘Imitez le bruit d’un animal svp’. Alors que le public se transforme soudainement en troupeau, Alice revêtue d’un accoutrement de fermière, conduit le bétail vers une nouvelle compo dont le refrain est apparemment d’une complaisance déconcertante (‘TOU TOU TOU, TOU TOU TOU’). Facile et mièvre ? Pas du tout, l’artiste installe une forme de communication d’une intelligence subtile !

Alors que le set prend fin, ‘Alice sur le toit’ surprend le public qui est littéralement médusé. Hybride, cette chanson est interprétée entre le français et un parfait anglais. Une manière pudique de comprendre également l’origine de son patronyme.

Avant de prendre définitivement congé de ses invités, elle demande aux milliers de personnes qui assistent à son set quelle est la meilleure bière locale. La Paix Dieu se dégage. Et vous savez quoi ? Si on en boit 50, on tombe « Malade », une manière futile et insidieuse d’annoncer ce titre incontournable issu d’un deuxième elpee éponyme. Une fable faussement réservée, mais autobiographique, écrite à quatre mains avec Vianney, et dans laquelle elle clame à qui veut l’entendre, et dans la langue de Voltaire s’il vous plait, que ‘ma maladie, c’est tout simplement d’être moi !’. De quoi devenir schizophrène…

Bref, on a assisté à un show dynamique, surprenant et aux antipodes de ce à quoi l’on pouvait s’attendre.

Et dire que tout a commencé lorsque Alice est partie recommencer sa rhéto à Brookings, en Oregon. Un déclic déterminant pour la jeune fille de 17 ans à l'époque car elle a participé à une chorale : les 'Sea Breeze'. Et ce sont ces mêmes personnes qui lui ont donné envie d'exploiter cette voix qu'ils adoraient.

A défaut de marcher sur le toit, l’artiste a fait grimper l’auditoire vers des cieux animés, à l’aide d’une palette de chansons colorées, subtiles et efficaces. Surprenantes même ! De la chrysalide, cette ‘Dame’ s’est transformée en papillon !

Le concert de Black M. accuse facilement trente minutes de retard. Paraît qu’Alpha Diallo et tout son team ont été bloqués à Paris alors que les Jeux Olympiques battent leur plein. C’est même la Police locale tournaisienne qui a dû les escorter pour leur permettre d’arriver plus rapidement. Des artistes qui pourront se targuer d’avoir vécu une journée… légendaire !

Le gars se pointe, accompagné de deux choristes féminines. Deux blacks. L’une porte une tenue serrante laissant entrevoir ses bourrelets, tandis que l’autre a emprunté la coiffure de Princesse Leia.

Appuyé par la basse, la batterie et la guitare, l’artiste fonce droit dans le mur. « Sur ma route » est repris en chœur par sa fan base, soit de très jeunes enfants (entre 5 et 10 ans).

Deux ou trois chansons suffiront à votre serviteur qui préfère prendre ses jambes à son cou et poursuivre… son chemin vers le temple qui accueille Santa.

Une habituée des lieux, à la différence près qu’ici elle ne campe pas avec Hyphen Hyphen. Et cerise sur le gâteau, c’est la première fois qu’elle va chanter ses propres chansons en Belgique !

A moins d’avoir passé ces derniers mois sur une île déserte, personne n’a pu échapper au succès fulgurant (presque inattendu) de Samantha Cotta (NDR : c’est son vrai nom !)

Après nous avoir bercé de sa douce ballade en mode piano-voix sur « Popcorn salé », une compo écrite dans l’urgence, presque par égarement, qui paraîtra sous l’impulsion et les encouragements de ses comparses Laura Christin, alias Line (basse, percussions), et Romain Adamo, aka Adam (guitare, synthé), la jeune dame s’émancipe et grave un premier album sobrement intitulé « Recommence-moi ».

Alors que la pop anglophone constituait jusqu’à présent sa ligne directrice, notamment au travers d’HH, la Niçoise prend un virage à 180 degrés en réalisant un très réussi premier essai solo, chanté dans la langue de Voltaire.

Toute de noire vêtue (NDR : enfin presque !), elle est chaussée de godasses brillantes et a enfilé un perfecto sur lequel est floqué ‘Santa’ en rouge pétant. Soutenue par un batteur au drumming corrosif et une bassiste qui n’est autre que Line (sa meilleure amie), elle débarque en tenant un fumigène qui lui brûle les doigts.

Elle est heureuse de se retrouver parmi les siens, car elle vient de se faire adopter par la Belgique. Elle compte se jeter aujourd’hui à corps perdu dans un univers où règnent l’intime, la retenue et la douceur.

Multi-instrumentiste, elle alterne piano et guitare, ses deux instruments de prédilection, qui viennent soutenir sa voix puissante. Qu’elle met parfaitement en exergue sur « Eva », une magnifique chanson qui s’impose sur fond d’appel à la résilience. Des cris d’amour fusent. Comme elle ne parvient pas à cerner leur origine, elle les rend, mais en plus fort encore.

Un concert ponctué de surprises ! A commencer par « Les larmes ne coulent pas », qui a bénéficié, lors des sessions d’enregistrement, de la complicité de Christophe Willem, un artiste devenu aujourd’hui son ami. Il s’invite le temps d’une chanson, entre simplicité et fausse grandiloquence, lors d’un duo uni par des larmes amères. Mais n’y a-t-il pas larmes plus amères que celles qui ne coulent pas ? Quoiqu’il en soit, elle finit ce titre, le sourire et le regard sereins, debout sur les retours posés à front de scène.

Afin de reprendre son souffle, Line, armée d’une sèche, pose ses fesses sur le grand piano noir qui domine et entame un « Paradis » sulfureux pour ceux qui sont partis juste au-dessus du soleil. Une chanson qui exploite au mieux l’univers intrinsèque et le champ lexical de la jeune dame.

Fidèle à son style unique et son spectre lyrique hors du commun, Santa se regarde dans le miroir avec introspection pendant ses « Popcorn salé » et le désir de recommencer son histoire, à l’instar d’une césure sur le temps. Entre ambition, espièglerie et qualité rare, l’artiste s’était essayée au métier de cascadeuse en interprétant ce premier titre, perchée à plus de 40 mètres de haut ! C'était à Bruxelles, sur la place de la Bourse. Un « Popcorn salé » à son apogée, en quelque sorte !

Aux crashs, un petit garçon pleure, Santa ne peut résister à le consoler. Il s’appelle Martin. Elle l’invite sur scène à terminer, en duo, cette sublime chanson. Alors qu’il n’a que 5 ans, ce petit bout de chou connaît parfaitement les paroles et focalise donc les regards du public, devenant même le centre de tout, au détriment amusé de la Reine du jour.

Et puis, dans une parfaite communion, les milliers de festivaliers se transforment en une chorale parfaitement synchronisée, pour chantonner un joyeux anniversaire à ce gentil mioche. Une date qui restera gravée dans sa mémoire...

Alors que les musiciens se retirent en backstage, la grande Dame tente un mashup (ou potpourri). Pour la circonstance, elle associe le « Paradis blanc » de Michel Berger et Désenchantée de « Mylène Farmer ».

Puis ses fidèles comparses reviennent sur l’estrade. Santa s’interroge sur « Mais où le temps s’en va », une compo où les mots et les mélodies s’embrassent tendrement dans un tourbillon émotionnel et onirique d’une intensité rare.

Le concert touche à sa fin. L’artiste met l’accent sur « La différence », ersatz de manifeste sur le bien vivre ensemble avec, en filigrane, cet espoir latent de tolérance, d’insouciance et de communion.

Au cours de son show, certaines sonorités pop/rock contemporaines ont rappelé celles qui ont fait les beaux jours de la formation au sein de laquelle elle milite toujours.

Alors qu’elle s’apprête à s’éclipser, elle change d’avis et descend dans l’arène tel un gladiateur, pour un dernier combat. Mais ici, pas question d’épée ; elle, son truc, c’est le partage et la générosité ! Elle s’amuse au jeu du ‘hug’. Des câlins sont posés délicatement à une poignée de chanceux. Un moment suspendu et hors du temps !

Dans l’univers de la chanson française, Santa peut être considérée comme une grande artiste. Et en interprétant « Recommence-moi » en guise de ‘Happy end’, elle démontre qu’elle mérite amplement cette distinction. 

Sur la scène extérieure, Louane débarque en mini-short, bas noirs et petit top. Il en faut du courage pour se promener quasi-nue alors que le froid vient de tomber en terre tournaisienne.

La majorité de l’auditoire réunit des familles : parents, enfants –souvent très jeunes– et même grands-parents. L’artiste ratisse large. Mais la fosse est pleine. A défaut de rien…

Elle est seule sur le podium, elle aussi (décidément !) s’est plantée devant une kyrielle de machines destinées à la soutenir ce soir.

Elle a été révélée lors de la seconde saison de ‘The Voice’. Actrice à ses heures perdues, c'est surtout son rôle dans ‘La famille Bélier’, pour lequel elle a remporté un César, qui lui a permis d'obtenir cette reconnaissance médiatique.

Elle entame son tour de chant par « Donne-moi ton cœur », un cri de détresse chargé d'émotion. Mais en alignant des morceaux comme « A quoi tu penses ? », « Nos secrets » ou encore « Aimer à mort », l’un de ses plus gros succès, le répertoire devient gnangnan et pompeux.

Hormis la fan base qui voit en Louane la déesse de la nouvelle chanson française, ses chansonnettes à deux balles ne prennent qu'un essor tout relatif dans les ‘portugaises’ de votre serviteur. C'est niais et ennuyeux à s'en décrocher la mâchoire. C’est tellement casse-* (à vous de choisir le terme complémentaire) qu’il entend les poils de sa barbe pousser ! Dommage !

Mais, pour que la critique soit objective, il est nécessaire qu’il suive le concert jusqu’à son terme (ou presque). C'est donc en manifestant un certain enthousiasme (?!?!?) qu’il se mue en parfait spectateur. Mais, rien n’y fait ! C’est artistiquement pauvre et musicalement au ras des pâquerettes. Et que dire des thématiques, dignes d’une ado prépubère ?

Elle embraie par son tube « Jour 1 » dont le refrain est repris par une bonne partie de la foule. Qui semble ravie, voire heureuse...

Manifestement, Louane prend du plaisir et entraîne la foule dans son show infantile. Tant mieux pour elle !

Le rideau tombe, la nuit s’est emparée des lieux. Henri PFR s’apprête à livrer un set qui va s’avérer, comme souvent, de bonne fracture, entre musique électronique et prouesses pyrotechniques.

Surnommé ‘le petit prince des platines’, il s’est imposé comme la nouvelle sensation de la scène électro made in Belgium. Mais pas seulement, puisque son talent s’exporte à l'international. Aujourd'hui, il se produit dans de grands festivals, depuis Tomorrowland, en passant par l'Ultra Music, Lollapalooza et même Electroland, à Disneyland. Bref, le Belge est devenu un fameux bourlingueur.

Aux Légendes d'Ere, l'artiste tient ses promesses. Un show dynamique et sans concession où la seule constante est la flexibilité de son matériel.

Entre ‘beatmatching’, ‘drop’ ou encore ‘cue’ (des termes propres à ce genre musical), survitaminé, celui qui se produit au-delà des frontières, se livre dans un set propice à la furie sidérale. Aucun doute, Mister Peiffer est à nouveau le king ce soir en s'imposant non pas comme nouvelle sensation, mais en talent confirmé.

Bien sûr, les nightclubbers s’éclatent alors que les autres tendent une oreille plus ou moins distraite au Djset de l’artiste.

La fatigue commence à gagner les organismes, les effets de l’alcool se manifestent, les paupières tombent. Votre serviteur estime qu’il est plus sage de regagner ses pénates. A demain !

(Organisation : Les gens d’Ere)

vendredi, 26 juillet 2024 11:45

Les Gens d’Ere 2024 : vendredi 26 juillet

Et si Les Gens d’Ere devenaient… légendaires ? Car si l’évènement était à l’origine une farce entre une copains autour d’un peu de musique, de joie et de bonne humeur, le festival s’exporte aujourd’hui au-delà des frontières.

Mais contrairement à beaucoup de ses homologues (Dour Music Festival, Ronquières, etc.), ici, on ne badine pas avec l’esprit de camaraderie, qui lui n’a pas changé d’un iota ! Exit les trucs pompeux, la simplicité EST la règle ! Même le stand VIP fait les frais de cette culture ; il est réduit à sa plus simple expression ! Celui qui veut s’y restaurer ne trouvera ni caviar, ni champagne, mais de la bière et une bonne grasse frite !

Bref, Les Gens d’Ere est le festival par excellence où l’on s’y sent comme chez soi, entouré d’une équipe de bénévoles passionnés et souriants.

De nombreux transats en palettes sont disséminées un peu partout, histoire que les festivaliers se sentent comme à la plage, le soleil en moins, car si la journée de jeudi a laissé le sol jonché de boue, cette journée de vendredi, épargnée tout de même par la pluie, n’en est pas moins nuageuse et très fraîche. Les uns la bouderont tandis que les autres y verront un bon moyen de s’habituer à la saison automnale, pas si lointaine finalement. Que l’on se réjouisse, car par comparaison, la situation ne peut pas être aussi désastreuse. Souvenez-vous des torrents de précipitation qui s’étaient déversés, l’an dernier, obligeant les festivaliers à déguerpir des parkings devenus impraticables.

La configuration est identique aux formules précédentes. Deux scènes se côtoient, l'une couverte baptisée ‘Le Chapito’ et une autre ‘Plein Ere’ logiquement outdoor. Elles se situent à une encablure l’une de l’autre, ce qui permet de s’y rendre en quelques pas seulement. Elles proposent en alternance un line-up cohérent car on mise encore et toujours sur une affiche la plus éclectique possible. Mais de qualité !

Les familles s’y exposent le temps d’un long week-end. On y croise de jeunes couples entrelacés, des personnes plus âgées avec leur cabas ‘Action’ et des parents accompagnés de leurs rejetons. A moins que les enfants n’y accompagnent leurs parents ?

Se déroulant sur quatre jours maintenant (rentabilité oblige), le jeudi fait la part belle à un groupe de cover qui sévit beaucoup sur la région : Zénith. Trop peu pour votre serviteur !

Priorité donc aux vendredi, samedi et dimanche !

Alors que la montre de votre serviteur indique 19h00, direction le chapiteau pour y découvrir Youssef Swatt’s,

Le gars vient de Tournai, une ville francophone de Belgique située en Région wallonne (Wallonie picarde) et en Flandre romane, chef-lieu d’arrondissement de la province de Hainaut et siège de l'évêché de Tournai. La messe est dite !

Il a déjà bien bourlingué ! Cinq albums à son actif, des collaborations avec des artistes belges et français de renom tels qu’Oxmo Puccino (« Le poids des mots ») ou Demi Portion (« Maintenant ou jamais ») et a assuré le supporting act des concerts de IAM, en 2022, mais aussi de Bigflo et Oli, en 2023.

Cocorico, il y a quelques jours seulement, Youssef Swatt’s a remporté l’émission française de rap ‘Nouvelle Ecole’, dont la finale était diffusée sur Netflix. Et dire que les spectateurs ne savent même pas que l’artiste qui grimpe sur l’estrade est une future figure montante du rap !

Son histoire s’apparente à un véritable conte de fée. Âgé de seulement 14 ans, le gaillard sort un premier Ep, « L’Amorce », qui lui permettra d’être repéré par le Scylla, phénomène belge. Prolifique, « Vers l’infini et au-delà » sortira en 2017, « Poussières d’espoir » en 2020 et enfin, « Pour que les étoiles brillent », en 2022.

Alors que votre serviteur n’épouse pas nécessairement le genre, la musique du gars est différente pour deux raisons essentielles. Premièrement, il se produit en groupe, phénomène plutôt rare, les artistes de ce style se contentant souvent d’un DJ derrière les platines pour l’enveloppe musicale. Ensuite, son écriture n’est pas vindicative à l’instar d’autres de ses congénères. Et pas davantage d’insultes vis-à-vis des ‘keufs’ (Trad : la police) et des ‘meufs’ (Trad : les femmes) qui ne sont pas toutes des putes. Ah bon ?

Youssef est soutenu par quatre larrons chargés de lécher ses propos tentaculaires (basse, guitare, clavier et batterie). Le chapiteau est bien rempli, signe que l’artiste a déjà acquis une certaine notoriété.

Maîtrisant les codes du hip-hop grâce à des compositions enivrantes et chaloupées, l’artiste se livre entre lyrisme poétique et introspection maladive. Maniant une plume taillée comme du silex, il regarde dans le rétroviseur de sa vie avec humilité. Des compos touchantes et une expression sonore légère sur fond grave ainsi que des thématiques qui traitent de la vie, la mort ou la résilience, à l’instar de « Générique de fin ».

Comme il le souligne ouvertement dans « Etoile filante », une chanson interprétée à l’origine en compagnie de COLT (un duo belge, né sur des cendres de Coline et Toitoine), ‘notre histoire est belle’ constitue une référence aux relations qu’il entretient depuis toujours avec sa fan base. Sa victoire n’est pas seulement sienne, mais celle de toute une équipe.

Il rappelle s’être présenté devant un public alors qu’il n’avait pas acquis la popularité que l’on connaît aujourd’hui. De statut d’OVNI à artiste confirmé, il se remémore le temps passé, avec un brin de nostalgie (« Remonter le temps »).

Malgré des basses assourdissantes handicapant de temps à autre la bonne compréhension des textes, l’artiste est devenu une figure de proue dans le paysage noir-jaune-rouge et attise la curiosité en proposant un set éblouissant, au sein duquel scintille une « Etoile filante ».

Autre style, autre podium pour un digne représentant du rock belge, Ykons. Un habitué, puisqu’il se produit pour la 3ème fois sur la plaine du Les Gens d’Ere.

Le groupe liégeois (aucun doute vu l’accent prononcé !) réunit Renaud, Yann, Patrick, David et Ben. Né sur les cendres de Can D (NDLR : décidément le crématorium tourne à plein régime), les comparses empruntent un chemin initiatique, dès 2019. Le succès progresse lentement. Ykons grave un premier elpee, « Reflected », qui lui permet de se forger une solide réputation et par conséquent de disposer d’un répertoire substantiel pour les festivals. La suite ? Un beau succès critique et d’estime !

Le set de ce soir est malheureusement conjuré par le sort. Une longue intro devait permettre aux musiciens de monter sur les planches. Plusieurs tentatives et un reboot du mac seront nécessaires pour y parvenir. Renaud s’excusera en off, ‘le Windows 97 s’est planté’, dira-t-il.

L’incident clos, alors que le batteur assurait derrière les fûts durant de longues secondes, le claviériste le soutient rapidement, puis le guitariste et enfin le bassiste embraient, alors que le chanteur est perché tout en haut d’une estrade plantée au milieu du podium. « Red light » ouvre alors les hostilités !

C'est très vif et entraînant. Le public s'emballe et les muscles, jusque-là statiques, sont pris de mouvements saccadés au gré de cette rythmique un brin indolente. Et s’il s’agissait du syndrome Gille de la Tourette ?

Renaud Godart marque là, au fer… rouge, une intro pour le moins percutante.

C'est techniquement époustouflant, humainement enrichissant et musicalement céleste. Un combo qui signe le retour à de la bonne musique comme sur ce « State of mine », nourri à l’indie-pop et coloré de touches électro.

Les événements se dégradent malheureusement lors de « Open eyes ». Les enceintes en façade décident de faire grise mine, privant ainsi l’auditoire d’une bonne partie de la compo. Les musiciens, amusés et gênés à la fois, poursuivent, inébranlablement leur mission contractuelle, simplement aidés de leur moniteur in-ear (NDR : oreillettes placées dans les oreilles). De l’aveu même du vocaliste, c’est la première fois qu’il joue pour un public… qui ne l’entend pas ! Un surréalisme à la Belge !

Alors que les techniciens s’affairent comme des lions en cage, Renaud propose, si les enceintes ne parviennent pas les rendre fonctionnelles, d’assurer un concert acoustique autour d’un feu de bois, comme lors d’un camp de scout. Et le public d’y répondre en poursuivant a cappella. Un beau moment !

Le hasard est évidemment bien capricieux ! Alors que de nouveaux câbles sont installés, assurant la liaison entre la régie et la scène, le set se poursuit par… « Have a great crash ». Véridique !

Un mouvement de foule s’organise, jeunes et moins jeunes jumpent solennellement dans une ambiance bon-enfant. S’il ne s’agit pas du meilleur concert du groupe, il s’est produit devant le meilleur public, assurément !

Pour « Like a feather », debout face aux ‘floortoms’ posés sur l’estrade, le frontman et un de ses comparses prennent le pouvoir en martelant avec force et conviction les peaux, pendant que la guitare post-pop aérienne et légère s’envole et la basse vrombit dans les frontaux (qui pour l’instant, fonctionnent) en transperçant les corps plantés devant les barrières. Entre show diabolique, sueur, adrénaline et surprises, Ykons a démontré qu'il possède toutes les cartes pour emmener avec lui les plus fidèles, dans un tourbillon insensé. Sa seule limite étant l'imagination !

Alors que la guitare entame les premières notes de « Cloud nine » et ses faux airs à la Puggy, Renaud s’affranchit dans le public et d'une expression sans complexe, il chante, totalement décontracté, entre nonchalance et intuition.

Grâce à des effets de guitare aériens, il y a chez Ykons une filiation lointaine avec Coldplay (groupe de pop/rock britannique originaire de Londres en Angleterre, formé en 1997, et drivé Chris Martin) en termes de compositions que de l’approche sonore.

Puisqu’on ne dit jamais aux gens qu’on les aime, rien de tel que de reprendre à la sèche ce titre emblématique de Louis Chedid. Des mots qui touchent sur une mélodie caressante. Alors que les uns et les autres se touchent l’épaule en guise de fraternité, l’ambiance qui, jusque-là, était électrique, devient soudainement, le temps d’une chanson, intimiste.

La prestation s’achève ; cependant, le quintet ne pouvait quitter les lieux sans son « Sequoia Trees », un message adressé à l’être humain et à sa responsabilité à l’égard de tout ce qui l’entoure. Et de rappeler également que c’est ce titre qui a permis au band d’acquérir une véritable aura au royaume du moues/frites.

Pourtant contrarié par des problèmes techniques auxquels artistes, techniciens et public ont dû faire face, le concert d’Ykons restera l’un des meilleurs que le combo a accordés, sa fluidité s’avérant, de plus en plus, une de ses forces.

Grâce à une expression sonore bien dans l'air du temps, la formation liégeoise s'approprie les racines du genre et en extrait la quintessence pour le meilleur et… pour le pire.

La soirée s’achève déjà pour votre serviteur, la suite du programme se révélant moins alléchante. Entre un Mister Cover, mille fois entendu et un Quentin Mosimann taillé pour le dancefloor, il est toujours aussi perplexe vis-à-vis de ce type de spectacle (?!?!?) …

(Organisation : Les Gens d’Ere)

dimanche, 21 juillet 2024 15:52

Dour festival 2024 : dimanche 21 juillet

Sous des allures de fête nationale, ce 21 juillet rime aussi avec la fin du festival de Dour ! Inutile de dire que les festivaliers mettent le paquet pour insuffler ce qui leur reste d’énergie afin de mettre une ambiance de feu.

‘Te Deum laudamus’ (Trad : ‘Nous te louons, ô Dieu’) ! Alors que les calotins se pressent dans les églises dans le cadre du Te Deum, à Dour on continue de communier comme des enfants de chœur.

La pluie que l’on avait prédite en abondance n’a finalement pas été dévastatrice. Juste quelques gouttes éparses qui ont fort bien été accueilles, d’autant plus que la veille, l’air étant devenu complètement irrespirable. La météo, n’est-elle pas censée prédire le temps ?

L’affiche du jour recèle bien des surprises aujourd’hui, à commencer par Hansel. Le groupe, pas le frangin de Gretel, référence au célèbre conte.

Le combo est drivé par Mathieu Buisson, un gars à la chevelure de lion. Armé d’une guitare, il est accompagné de Christian, Julien et Bob. Ce dernier, gratteur, n’est pas un inconnu, puisqu’il s’agit d’Eric Robette, un vieux de la vieille que l’on a notamment croisé chez Starving. Construit autour de Boods (un personnage notoire dans la région), ce groupe a sévi, il y a quelques années, et connu un joli succès.

Hansel fait office d’OVNI au ‘Garage’. Pourtant, le style expérimental semble plaire. Les festivaliers se sont rués en masse sous la tente, la musicalité intégrant les caractéristiques d’un univers allant du faux-romantisme désabusé à la métaphysique psychédélique avec ces riffs de guitares électrifiés qui s’enfoncent dans les portugaises jusqu’à marteler les tympans. Ce qui conduit à des chansons pas simples du tout sur le plan technique, mais d’une efficacité redoutable. Un jeu d’instruments d’une précision chirurgicale et qui cognent dans les gencives, comme l’uppercut du boxeur.

Si vous aimez les profondeurs abyssales sonores et les rêves subconscients accessibles, réjouissants et jouissifs à l’instar du morceau « First Fruit », Hansel et son post-rock intense et progressif est taillé pour vous !

Ceux-là bourlinguent depuis quelques années et ça s’entend !

RORI, la petite belge qui monte, est plantée sur la main stage. Sa taille est inversement proportionnelle à cette scène, qui pour le coup, paraît immense.

Votre serviteur l’a déjà vue à plusieurs reprises, tant sous cette formule que lorsqu’elle militait chez Beffroi en compagnie de son Valentin Vincent, décédé à l’aube de sa vie. Entre rap et électro, le cœur de votre serviteur chavire au contact de cette expression sonore desservie avec justesse et émotion par Camille Gemoets.

Toujours flanquée de ses fidèles serviteurs, l’ex-The Subs, Hadrien Lavogez, préposé à la guitare, et Loïc Lavogez, caché derrière les fûts, la demoiselle entame son tour de chant par « Ma Place », dont le phrasé, les sonorités pop et les appuis rythmiques sont très communicatifs. Le band livre une forme de pop/rock chanfreiné, qui lui va comme un gant.

Un set qui épluche une carrière jeune, mais fort prometteuse. Elle s’épanche éperdument dans son « Loser » ; mais elle comprend vite que « C'est la vie » révèle là aussi de beaux accents qui lui rongent le corps.

Le public, enivré par cette fausse nonchalance dont elle a le secret, n’y tient plus, l’exaltation des débuts rend les aficionados subversifs. 

Et que dire lorsque, elle se rend chez son « Docteur » pour y décrire la syncope d’une foule en délire.

Capable de vous retourner de solides punchlines, l’ingénue est devenue une figure de proue de la scène musicale noir-jaune-rouge. Elle s’affranchit des préjugés pour servir une sauce pop acidulée devant un public que l’on dit souvent élitiste.

Retour au ‘Garage’, non pas y réparer sa bagnole, mais pour assister au set de Joshua Murphy. Avez-vous, lorsque vous étiez jeune, découvert que le cadeau dans le kinder n’était pas celui auquel vous vous attendiez ?

C’est le cas ici ! Chanteur, multi-instrumentiste et auteur-compositeur, Murphy est épaulé par un préposé aux percus et aux effets, ainsi que trois demoiselles : deux violonistes et une violoncelliste.

Le public a déserté les lieux. Trois pelés et deux tondus scrutent les lieux comme de vieux cons qui guettent le bus.

Joshua s’avance d’un pas plutôt timide et entame tout de suite le concert. Une évidence saute aux oreilles : son timbre de voix –quelque part entre celui de Léonard Cohen et Nike Cave– ressemble à une ondulation grave qui viendrait d’outre d’outre-tombe. On est ici proche du spoken word (littéralement ‘mot parlé’), une façon particulière d'oraliser un texte, qu'il soit poétique ou autre.

Ses compositions hantent le même monde onirique et sourd que celui d’un dépressif. Sa silhouette dessinée en contre-jour, lui confère un côté mystérieux, voire gothique.

Très objectivement, les sonorités du lascar sont très intéressantes lorsqu’il effleure les cordes de sa gratte de ses doigts ou encore en se servant d’un archet (qu’utilise régulièrement Jónsi), telle l’arbalète de Guillaume Tell dont la flèche cible une brutalité cachée.

Les vagues sonores déclenchées par l’artiste, pourtant confirmé, ont dû mal à s’imposer. Il aurait été sans doute beaucoup intéressant de le découvrir au sein d’un endroit plus feutré, comme une église, cierge à la main ou alors dans son salon, une bouteille de whisky dans une paluche, et un cigare dans l’autre.

Joshua Murphy, c’est l’antithèse de Brutus qui se produit dans la Petite Maison dans la prairie. Il s’agit un groupe belge de post-hardcore, originaire de Louvain, formé en 2014.

Un trio. D’abord deux mâles, Peter Mulders à la basse et un Stijn Vanhoegaerden à la sixcordes. Ensuite, une gonzesse, Stéphanie Mannaerts, une petite brune aux allures de première de classe, dont les cheveux sont impeccablement lissés. Originaire de Louvain, le band s’est établi à Gand, une ville flamande réputée pour sa scène rock locale, et qui a notamment enfanté Soulwax, Too Many Dj’s ou encore Balthazar.

La fille se poste en front de scène, le micro posé à la hauteur de sa bouche pour chanter tout en jouant de la batterie. Ses compagnons préfèrent s’éloigner et se plantent à l’extrême gauche de l’estrade. La trouille ? On verra !

Après une longue intro au synthé, elle frappe les peaux, avec une violence telle que la rage se lit dans ses yeux, alors qu’elle affichait, jusqu’à présent, des airs angéliques.

La musique de Brutus oscille entre post-hardcore, alt rock, shoegaze, et sludge. Parfois elle fusionne les genres ou simplement les juxtapose, suivant les morceaux. Elle est à la fois étrange, pêchue, engageante, mélodieuse et rigoureuse, malgré les épisodes de saturation.             

Les titres s’enchaînent. Les mélodies ondoient ; ce qui permet aux morceaux de respirer. Tantôt, ils accélèrent, tantôt ils décélèrent, dans un ballet de va-et-vient qui donne le tournis.

La chanteuse braille comme un cerf en rut, jusqu’à son point de non-retour. Elle vocifère, crache sa haine et ses sentiments les plus profonds à travers un flow de paroles écorchées vives. La demoiselle possède du coffre et pas seulement dans le sous-tif. Ses envolées lyriques empruntent quelquefois des références à Amy Lee, la leader d’Evanescence.

Les chansons sont puissantes. Le kick vous rentre dans les tripes, la basse vous creuse le cervelet et les riffs de guitare cisèlent le slip. C’est viscéral, ça pue la rage et c’est d’une maturité rarement observée pour des jeunes musicos. Un régal pour les yeux et les oreilles. Un concert ultradynamique, riche et complet alors que le combo n’est, rappelons-le, constitué que de trois personnes. Force et respect !

Brutus porte un patronyme qui lui va bien ! A ce jour, c’est l’une des formations les plus excitantes programmées lors de cette édition du festival de Dour.

Putain, que ça fait du bien !

Girls In Hawaii est attendu de pied-ferme sous ce même chapiteau ! Les festivaliers, dont de nombreuses filles aux allures de mecs, se pressent en nombre afin d’être aux premières loges pour ce qui reste de devenir un moment d’anthologie.

Le groupe n’est pas venu présenter un nouvel opus, mais bien pour y fêter le vingtième anniversaire de « From Here To There », un premier essai qui les a propulsés au faîte de la gloire.

Il a foulé, à de nombreuses reprises déjà, la plaine du festival de Dour, il en connaît donc les contours, les travers et son caractère décalé et iconoclaste.

Le set commence par « 9.00am », le titre d’ouverture du disque. Antoine précise d’ailleurs que le show sera dispensé dans l’ordre du disque. Une compo percutante qui donne le ton, rapidement suivie par « Short Song For Short Mind » et ses accents vintage.

Alternant gratte électrique et sèche, Antoine Wielemans entame ce qui deviendra le premier succès radio, « Found In The Ground ». Sa voix est admirablement soulignée par celle de Lionel Vancauwenberghe. L’atmosphère s’électrise inexorablement.

Si aujourd’hui, des planchers ont été dispersés sur le sol, autrefois, il n’y avait que de la terre battue, ce qui permettait, lorsqu’on tapait du pied, de soulever la poussière. Puisque cette époque est donc maintenant révolue, le chanteur demande d’utiliser les vaporettos pour recréer cet effet de brouillard à l’instar d’un « Fog » qui enfume les pâquerettes.

Alors que « Fontannelle », morceau peu joué en live dans la carrière du band prend fin, le monstrueux « Flavor », caractérisé par son intro répétitive à la basse, embraie. Ce qui permet aux musiciens de se déchaîner. Si le frontman s’amuse à grimer, ses comparses laissent libre cours à une folie passagère où têtes et membres inférieurs communient ensemble, révélant un spectacle étrange, entre mouvements saccadés et danse de Sioux.

Alors que quelques petites secondes seulement s’écoulent, le sublime « Organeum », confirme que la formation, à l’instar de dEUS, est l’un des porte-étendards du rock belge.

Une chanson durant laquelle, le petit Toitoire, genoux posés au sol, semble entamer une prière.

Ses frasques artistiques ayant causé la perte des piles de son ‘in-ear’ (NDR : système de monitoring intra-auriculaire), un appel au secours est lancé au frontman qui s’élance, tel un guerrier.

Il faut attendre « Bees and butterflies », morceau mélancolique à la douceur âcre, pour retrouver un brin de sérénité, chaque membre du band conjuguant en chœur le refrain entêtant. Une chanson où la tessiture vocale du singer, légèrement éraillée, prend tout son relief.

Le set touche doucement à sa fin. Le leader annonce que le groupe a encore deux titres à caser et que, faute de temps, il faut faire vite.

Les arpèges de « Misses » et ses loops synthétiques sont chargés de souvenirs. L’ombre de feu Denis Wielemans, qui brillait derrière les fûts, décédé tragiquement d’un accident de la route en 2010, plane toujours. Il faut considérer cette sublime compo (elle est issue du remarquable « Everest) comme un vibrant hommage qui lui est rendu. Mais aussi un regard émouvant sur le deuil et cette faculté de résilience auxquels le combo a dû faire face, il y a quelques années.

Enfin, « Rorschach », outil d'évaluation psychologique, souvent perçu à tort comme un test de type projectif, est aussi et surtout un titre emblématique de GIH. Son flot de guitares salvatrices et saturées couronne un live décidemment plein de surprises. La précision du jeu des uns et des autres est impressionnante. Rythmique syncopée et chœurs viennent lécher encore un peu plus ce tableau arc-en-ciel.

Aucun doute, le groupe n’a rien perdu de son potentiel en près de deux décennies. Girls in Hawaii a une nouvelle fois prouvé, ce soir, qu’il reste incontestablement l’un des groupe phares de la scène indé-pop musicale belge.

Le temps d’enfiler ses bottes de sept lieues, des godasses magiques qui s’adaptent à la taille de celui qui les chausse et permettent de parcourir cette distance en une seule enjambée, votre serviteur arrive, en un temps record, au pied de la main stage pour le concert d’Oscar And The Wolf.

Si depuis des lustres, les loups ont l'habitude de hurler à la lune tous les soirs pour qu'elle s'illumine et pour pouvoir chasser ensuite, le gars sur scène a plutôt l’air d’un mouton. Et accompagné de brebis, pardi !

Flanqué d’un ersatz de peignoir, agrémenté de légères pointes de brillances, sans doute emprunté à Mike Tyson, Max Colombie, à la ville, est un chanteur de synthpop belge. Après avoir gravé deux Eps qui récoltent un certain succès, il sort, en 2014 un premier long playing baptisé « Entity », d'abord au Benelux puis dans le reste de l'Europe. En 2017, paraît son deuxième, « Infinity », et en 2021, son troisième, The Shimmer ».

Un cube aux allures gigantesques trône au milieu du podium. Plus qu’un simple élément décoratif, la forme géométrique sert d’appui à la diffusion d’images et de support aux scénographies. Et de danses (‘dance’ ?), il y en aura. Beaucoup !

Et dès « Warrior », le morceau d’entrée, l’artiste se transforme en guerrier, alors qu’il se hisse sur le plateau du cube tout en se trémoussant.

Tandis qu’une dizaine de danseurs se sont attroupés au pied du prisme dont toutes les faces sont égales et superposables, le chanteur descend de son piédestal et enchaîne par « The Game et Princes », un morceau chill qui s’inscrit dans une veine électro.

Le petit a livré une prestation haute en couleur, à l’image de ce qui ressemble à un maillot de foot de couleur rouge pétante, confectionné pour l’occasion. On ne peut rater ni l’inscription ‘DOUR 24’ dans le dos, ni l’écusson belge brodé sur le devant.

En tout cas, cet artiste connaît parfaitement les codes du genre et maîtrise la communication vis-à-vis de son public et des médias.

Entre les dansants « Angels Face », « Nostalgic Bitch », « Infinity », c’est encore lors du downtempo « You’re Mine » que la voix du prodige de la chanson devient la plus émouvante. Cette chanson est d’une puissance sidérale. Elle s’enivre d’un goût de bienveillance et de volupté.

Alors que la dynamique du show est bien ficelée, elle s’estompe quelque peu pour laisser place à un hologramme plaqué sur l’énorme cube ; des discours, aux allures philosophiques, apparaissant alors. Celui-ci qui semblait jusqu’alors plein de certitude, devient soudainement vulnérable.

Il s’éloigne de la scène, côté backstage, son avatar prend le flambeau et se livre très sérieusement dans un profond discours ‘Je ne sais plus qui je suis, parfois’ et de réapparaître vêtu d’une cape noire. Si la cape symbolise la puissance de Batman, l’artiste devient soudainement Joker, son ennemi juré, un laissé-pour-compte, abandonné. Une descente aux enfers où un homme fragile sombre dans la folie à travers une métamorphose autant physique que psychologique, reflétant l’image des titres plus sombres qui l’emmèneront jusqu’à la fin du show.

Clou du spectacle et fête nationale oblige, un feu d’artifice conclut une prestation que l’on retiendra tant par son engagement que par son envergure à l’Américaine.

Si le light show s’est avéré discret, à l’issue de spectacle, les inscriptions exposées de part et d’autre de la scène (‘It’s OK not to be OK’) restent visibles.

Une édition digne de ce nom. Des festivaliers curieux, des artistes venus d’ailleurs et une culture de la bonne camaraderie qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Alors que les plus téméraires quittent d’un pas pressé le site, les autres, plus courageux, se réfugient auprès des nombreux sets dédiés à la musique électronique.

La prairie est impeccablement propre. Demain, le site retrouvera son pristin état et les tentes auront disparu du paysage.

Au loin, certains Borains répètent à tue-tête ‘In V'la Co Pou Ein An !’ D’autres s’efforcent de leur opposer l’imparable slogan ‘Dooouuurrreeeeeehhhhhhhhh’.

Une édition qui se termine dans la joie et la bonne humeur. C’est ça aussi le Festival de Dour !

(Organisation : Dour festival)

 

 

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