18 groupes presque d'affilée, il y a de quoi friser l'indigestion. Surtout que mon collègue Sébastien avait déclaré forfait. Ce qui explique que votre rapporteur, s'est limité à un zapping photo, lorsque l'une ou l'autre prestation lui est parue moins intéressante ou quand la fatigue a commencé à se faire sentir. Un regret ? Oui, la bière. Pas de blanche, mais des pintes (ça donne mal à la tête le lendemain !) ou de la Troll (excellent breuvage, mais après 3 verres, tu peux aller dormir). Ce qui n'a pas empêché les organisateurs de vendre 37 fûts en deux jours. C'est quand la fête de la bière ?
Tout comme l'an dernier, la deuxième journée s'est ouverte par la prestation du dernier lauréat de l'Open stage de Mouscron, c'est-à-dire Crisis Crew. Une formation française qui pratique de la fusion dans l'esprit de Senser. Pas de basse ni de batterie, mais deux gratteurs, un Dj (plutôt habile aux scratches) et un MC. Ce dernier rappe tantôt en français, tantôt en anglais pendant que l'un des deux guitaristes lui répond d'un timbre aussi mélodique que remarquable. Leur mix entre hip hop et metal sur fond de samples tient très bien la route, mais d'une part on a l'impression que le crew se prend un peu trop au sérieux et puis j'avoue ne pas être trop réceptif à ce type de musique. Dommage quand même que ce quatuor s'est produit à 15h30 devant 40 personnes ; car face à un public nombreux et réceptif, il aurait pu mettre le feu.
Trio tournaisien, Sour Puss implique deux Fuckin' Canaries (Gonz aux drums et Troma à la guitare), formation locale anarcho-punk surtout notoire pour son lancer de graines pour volaille, ainsi qu'Erik, également impliqué chez Opao et Koffee. La fantaisie figurative des Fuckin' Canaries laisse ici place à une musique noisy proche de la no wave des débuts de Sonic Youth. Instrumentalement, le set passe bien la rampe et le groupe possède une pêche d'enfer. On est même agréablement surpris des progrès accomplis par les deux F.C.. Un regret : les vocaux. Ben oui, il n'y a pas de Kim Gordon pour contrebalancer l'âpreté du son ; et malgré le recours de deux micros dont un astatique, la permanence de l'intensité électrique finit par nuire à l'intensité de la musique.
Chez Al Dente, on retrouve un certain Joseph Petolillo, un chanteur/compositeur qui a sévi au sein de différents groupes comme Slam to Slam ou Treefoil. Particularité de ce vocaliste, il possède un timbre et même des inflexions très proches de Peter Hammill. Et musicalement, l'univers expérimental, décalé et imaginatif de ce combo ressemble à celui d'un Vandergraaf Generator récréatif s'intéressant au funk robotique de Talking Heads. Le tout traversé d'accès de jazz, de fanfare, de cirque et autres délires en tous genres. Une prog insolite qui n'a pas eu l'heur d'attirer la foule ; mais qui pourtant mérite une attention toute particulière. Parce que non seulement les musiciens sont très talentueux (un bassiste, un drummer, un claviériste et deux cuivres qui jouent un peu le rôle de Dave Jackson), mais parce que leur musique est à la fois élaborée et séduisante. Une écharpe faite de plumes roses autour du cou, Joseph gratte un peu de guitare ; mais surtout drive un groupe qui devrait faire le bonheur de tous les nostalgiques de la prog. Qu'ils se le disent !
Ils portent les cheveux longs comme Black Sabbath, mais s'inspirent davantage de Neurosis. La musique est aussi lourde qu'indigeste. Le chanteur utilise un pupitre pour trafiquer, sampler ou réverbérer sa voix. Un quatuor qui répond au nom d'Ultraphallus. Se sont trompés de patronyme. Ils auraient dû choisir celui d'Ultradyspepsie.
Le post rock de Pillow est de plus en plus sophistiqué. Un peu comme si la formation voulait rendre son expression sonore clinique. La musique est de plus en plus propre, de plus en plus fignolé, notamment au niveau des arrangements et des harmonies. Pas vocales, puisqu'il n'y a toujours pas de chanteur. Pourtant, j'adore leur manière d'enrichir leurs lignes musicales de couches successives, même si parfois le côté répétitif de certains thèmes peut devenir lassant. En fait, à contrario de Mogwai ou d'Explosions in The Sky, leurs compos n'atteignent que trop rarement les pics d'intensité frénétique de leurs maîtres. On a ainsi parfois l'impression que le groupe refuse de se lâcher et en garde sous la pédale. Je l'ai déjà dit et je le répète, l'apport d'une vocaliste leur permettrait sans doute de se démarquer du courant post rock au sein duquel ils semblent vouloir s'enfermer. Mais apparemment, ils préfèrent conserver cette ligne de conduite, quitte à demeurer dans la zone crépusculaire de l'underground. C'est tout à leur honneur. Enfin, dernière remarque, la projection d'images voire de courts métrages sur un écran placé derrière les musiciens, leur permettraient de susciter une dimension avantageusement visionnaire…
Rocket From the Crypt, Blues Explosion et les Cramps constituent probablement les influences majeures de Driving Dead Girl, un quatuor originaire de Mons dont le mélange de garage, de psychobilly et de stoner se révèle bigrement efficace. Le look et l'attitude fifties (au cours de leur jeunesse, il devaient tapisser leurs chambres de posters d'Elvis Presley ou d'Eddie Cochran), cette formation libère une énergie incroyable sur les planches. Leur set speedé, énergique, survitaminé par des riffs de guitare(s)aussi tranchants que poisseux, balisé par une section rythmique implacable et tapissé par ce vocal légèrement reverb, m'a tout à fait convaincu. Rien de révolutionnaire dans leur démarche rock'n rollesque, mais une bonne tranche de groove servie sur un bon lit d'électricité jouissive.
C'est sous la forme d'un quintet que Monsoon monte sur le podium devant un parterre de spectateurs de plus en plus fourni. Apparemment, la violoniste a quitté le groupe, ne laissant plus, pour toute représentation féminine au sein du line up, que la chanteuse Delphine Gardin. Et quelle présence, puisque tout au long du set, tous les regards se focalisent sur elle. Svelte, sexy, jolie, moulée dans une longue robe rouge fendue (laissant apparaître un décolleté profond, lorsqu'elle se débarrassera de son écharpe), les cheveux noirs relevés en chignon, de grands anneaux plantés dans le lobe des oreilles, elle me fait penser à une danseuse de flamenco. Elle tournoie même régulièrement sur elle-même au cours du show. Et puis elle possède une très belle voix, tour à tour angélique ou satanique, saturée ou rageuse, atmosphérique ou glapissante, dont le timbre oscille de PJ Harvey à An Pierlé en passant par Beth Gibbons. Un chant bien mis en valeur par le groupe qui allie efficacité et sobriété. Si les passages électriques libèrent une puissance étonnante, les retombées romantico-tragiques sont de toute beauté. Leur pop/rock écorché, teinté de jazz, n'est d'ailleurs pas dénué de mélodies vaporeuses. Une chouette prestation, même si un meilleur mixing aurait permis de mettre davantage leur chansons en valeur.
Après un moment pareil difficile d'encaisser la musique du duo PHC. Fruit d'un mélange de hard-core, de post-rock, d'expérimental-noisy et d'indus, agité par une boîte à rythmes épileptique, elle répond aux aspirations bruitistes des aficionados de Godflesh, Treponem Pal ou encore de Napalm Death. J'ai tenu la distance un peu moins de cinq minutes. Le temps de prendre deux photos… et puis aux abris !
La salle Jean Notté était bien sûr comble pour accueillir The Tellers. C'est-à-dire Ben Baillieux-Beynon au chant et à la sèche et puis Charles Blistin à la guitare électrique. Un duo soutenu par une section rythmique dont le drummer, souvent caché derrière un écran de fumée, était coiffé d'un superbe melon et arborait un tee-shirt à la gloire des Ramones. Il aurait pu jouer dans « Mary Poppins » ! Mais revenons-en à nos conteurs et leurs compos contagieuses et rafraîchissantes : le single « More », « I lie » et « Jacknife », on n'y a pas échappé. Comme dirait Karine, spontanées, leurs chansons possèdent toute la fraîcheur du groupe débutant passionné. Les rythmes sont soutenus, parfois interrompus, pour reprendre de plus belle, comme sur le disque. Ben présente ses chansons, mais on a parfois l'impression qu'il ne veut pas déranger ; et il parle si vite, qu'on ne comprend pas grand-chose à ce qu'il raconte. Heureusement, il se montre beaucoup plus convainquant au chant et à la six cordes. Qu'importe, l'ambiance est chaleureuse, le set bien ficelé et le public apparemment ravi. Que demander de plus ? Surtout de la part jeunes qui ont à peine 20 ans !
La palme de l'humour reviendra à Interlude (Sans avenir), un trio tournaisien qui se produisait en public pour la deuxième fois. Vêtus d'habits de moine, hyper maquillés, ils arrivent et repartent en agitant des crécelles comme des lépreux. Et sur scène, ils reprennent des standards du punk (« God save the queen », « Should I stay or should I go? » et j'en passe, même dans la langue de Voltaire) à l'aide d'un sousaphone, d'un ukulélé (mais aussi de toute une série de guitares ou de mandolines miniature) et d'une batterie électronique ; le tout entrecoupé d'interludes ( ?!?!?) théâtraux et surtout caricaturaux (une messe, de la cuisine, une dégustation de bières trappistes, etc.). Ah oui, et puis il y a Pierre qui chante avec un accent truculent du terroir. Le nom du groupe est sans équivoque, mais en programmant cet intermède au bar, les organisateurs avaient fait le bon choix…
Bien qu'affichant un look de cow-boys (le drummer est coiffé d'un chapeau semblable à celui que portait Artemus Gordon, dans la série les « Mystères de l'Ouest »), My Little Cheap Dictaphone n'émarge pas du tout à la musique country. Ou alors du bout des orteils, et dans l'esprit d'un Sparklehorse. Drivé par Redboy (il est également impliqué chez Holywood P$$$ Stars), le groupe compte déjà deux albums à son actif. Tour à tour vivifiante et électrique, subtile et lustrée, sa musique évolue entre rage et mélodie, entre allégresse (le single « Upside down ») et tragédie, entre rêve et rage, au sein d'un univers qui aurait pu naître d'une rencontre entre At The Drive In et Bright Eyes. Ou si vous préférez entre de la folk-pop soigneusement orchestrée et un indie rock décapant. Tout a long de son set, MLCD étonne par la maîtrise de son sujet. Sa musique est authentique, belle et envoûtante. Elle engendre même une multitude d'images et de sensations. En fin de parcours, Redboy passe au piano électrique, pour interpréter une compo majestueuse, dans un style me rappelant curieusement un certain Procol Harum (pas celui de « Whiter shade of pale », rassurez-vous !) Le meilleur concert du festival, il fallait s'en douter…
Trio strasbourgeois, The Astro Zombies pratique un psychobilly particulièrement nerveux. Un chanteur guitariste, un contrebassiste et un drummer. Les deux premiers déménagent littéralement sur les planches (et le mot est faible !) Leur look un peu rétro est accentué par le port de casquettes dignes des premiers films de Gabin. En outre, leur patronyme rappelle une vieille série B des 50's. Ils passent tous les styles et toutes leurs influences à la moulinette, même les rares qu'ils reconnaissent : les Meteors et Guanabat. La démarche est assez originale et plutôt sympa, mais après quelques titres on a la sensation qu'en appliquant une même recette aux différentes compos, elles finissent par souffrir d'une uniformité certaine. Dommage, car les musiciens ne manquent pas de talent…
Kofeee est une formation locale impliquant quatre musiciens dont les goûts (même vestimentaires !) sont diamétralement différents. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi ils développent des projets parallèles. Le plus étonnant, c'est que la rencontre de toutes leurs influences (qui oscillent du hardcore au folk en passant par le jazz, la no wave, le métal, la prog, le psychédélisme, le post et le math rock, etc.) tient parfaitement la route. Et ne dérape jamais dans l'univers cérébral ou expérimental. Balaise (au propre comme au figuré), Seb joue de la guitare d'une manière très instinctive. Mais manifestement, c'est lui qui donne la voie à suivre, même si les autres musiciens n'hésitent pas à apporter leur coloration personnelle aux compos. Des compos plutôt bien construites, susceptibles de se complaire dans l'introspection avant de prendre du rythme, puis de s'abandonner dans une certaine violence sonore. Ah oui, Kofeee signifie 'Kilometers Of Electric Eclectic Elipses'. Tout un programme !
Bon, ben après ce concert, je me suis éclipsé. La fatigue et l'heure avancée ne me permettant plus de me concentrer, j'ai donc délégué le compte-rendu à Jean-Philippe (que je remercie vivement par ailleurs) pour la prestation de Crooner Mic Action. Et je m'en félicite. Pas pour la prestation du duo, mais simplement parce que l'un des deux était cagoulé. Une situation qui me révulse. A l'instar de toute personne atteinte d'un PTSD. Sans quoi, ces deux types se produisent debout, en costard/cravate et jouent de la guitare, le plus souvent en distorsion. Imprimée sur des rythmes syncopés produits par une boîte à rythmes, leur musique ressemble à une sorte de roots music revue et corrigée dans l'esprit de Bob Log III. Evidemment si leur humour est d'aussi mauvais goût, pas la peine de s'attarder sur leur sort.
En résumé, on peut affirmer que cette 5ème édition du d'Hiver Rock a été un franc succès. Et félicitations aux organisateurs pour ce qu'ils réalisent avec aussi peu de moyens financiers. A l'année prochaine !