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Grégory Escouflaire

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lundi, 05 novembre 2018 17:17

Pas dans son trip...

Seule date prévue dans notre pays pour les BRMC, qu'on avait vus trois fois l'année dernière, dont à l'AB Club pour un concert mémorable, tout en puissance et déliquescence psychédéliques. On attendait donc beaucoup de nos rebelles préférés en motocyclette, surtout que leur deuxième album, « Take Them On, On Your Own », confirme tout le bien qu'on pense d'eux. Pas de bol : ce concert fût décevant. Les raisons : l'heure tardive (23h), pas de première partie pour se mettre dans le bain, un light show et un son pourris – une torture pour les yeux et les oreilles. La setlist, pourtant, était parfaite : « Six Barrel Shotgun », « Stop », « US Government », « Spread Your Love » d'entrée, ça fait mal. Puis « Love Burns », « We're All In Love » et bien d'autres, malheureusement noyés dans un déluge d'overdubs qui finirent par annihiler toute tentative d'abandon sensoriel. D'habitude, les BRMC jouent à fond la carte de l'ambiance – fumigènes, obscurité, son tournoyant qui prend aux tripes. Cette fois, c'était pompon, d'autant plus que le public était lui aussi d'une raideur agaçante (beaucoup de m'as-tu-vu n'ayant guère d'affection pour le rock'n'roll, mais puisque c'est « aware »…). Rien n'y fera, même pas un « Whatever Happened To My Rock'n'Roll » incendiaire, pourtant un des meilleurs tubes « garage » de ces deux dernières années. Il faut dire que cette lumière blanche éclairant la salle entière, toutes les trente secondes, avaient de quoi refroidir le plus endurci des fans : sans cette frontière indispensable entre le public et le groupe (la salle en général plongée dans l'obscurité pour concentrer l'attention du public sur la scène), il devenait bien difficile de ne pas regarder les trois rockeurs comme un groupe en show case, jamais vraiment dans leur trip, et nous avec. Pas cool.

Soirée néo-country à l'AB, en compagnie de Centro-Matic, Saint Thomas et My Morning Jacket en fougueux cow-boys échappés de leurs bourgades désertiques, les cheveux pleins de sable et d'épines de cactus, ruminant leur rock emprunt d'americana sous les loupiotes de l'ABBOX.

Sous ce ciel étoilé d'une salle à moitié remplie, Will Jonhson brave très vite l'indifférence de début de soirée en enfilant les perles de « Love You Just The Same », le dernier album de son groupe Centro-Matic. Neil Young, figure tutélaire de tous ces jeunes mélodistes hors pair, veillera tout au long de ses trois heures intenses de concerts habités. Après 20 minutes, Centro-Matic finit par séduire le public, tout émoustillé par ces complaintes sudistes d'une limpidité enivrante.

Mais le vrai déluge viendra de My Morning Jacket, combo psyché-country d'une virtuosité et d'une hargne insolentes : Creedence Clearwater Revival, Flaming Lips, Pink Floyd, At The Drive-In, Pinback,… Les références se bousculent devant l'étendue des talents de Jim James et de ses quatre potes de Louisville. Et quels talents ! Marier ainsi la violence tourbillonnante du psychédélisme et la mélancolie bucolique de la country donne souvent pour résultat d'infâmes bouillons sans aucune magie. Chez My Morning Jacket c'est le contraire, et c'est magnifique. « It Still Moves », leur troisième album, est un chef d'œuvre. L'un des albums de l'année, pas moins… Mais ce soir, Jim James avait mal à la gorge, s'excusant après trois titres sublimes de ne pouvoir continuer à chanter sous peine de devenir aphone pour le restant de ses jours. Pourtant ce « Mahgeetah » en ouverture, qui justifie à lui tout seul l'achat de l'album, annonçait un concert grandiose. Et il le fût, en un certain sens… A condition d'accepter que même sans la voix magnifique de Jim James, My Morning Jacket est un grand groupe. Techniquement bluffant. Instrumentalement ahurissant. C'est là qu'on reconnaît le génie de ces types : même sans paroles, leur musique reste tout bonnement fantastique. Même s'il faut dire qu'on aurait préféré un concert normal… Mais au moins pourrons-nous dire qu'on a vu My Morning Jacket dans des conditions singulières. Pour leur prochain concert, Jim James nous a déjà promis d'être en forme, jusqu'à jouer « deux fois plus longtemps » pour se racheter une conduite. D'ici là, on se repassera en boucle « One Big Holiday » et « Easy Morning Rebel » en tapant du pied et en chantant nous-mêmes, avec l'espoir qu'un autre rhume ne dissipera pas toutes nos chances d'un jour voir ces rockeurs à 100 %… Quand même, quelle claque !

Et s'il y avait des récalcitrants dans la salle, leur déception n'aura pas été de longue durée, grâce à la prestation sympathique de Thomas Hansen, alias St Thomas, au club, en clôture de cette soirée déjantée. Le Norvégien, qu'on avait déjà vu ici même il y a plus d'un an en première partie de Lambchop, n'a rien perdu de son humour et de sa décontraction. Alternant les titres de ses deux albums (« I'm Coming Home » et « Hey Harmony »), notre cow-boy venu du froid aura vite fait de redonner un peu d'entrain aux plus déçus des fans de My Morning Jacket. Entre sa musique, de la néo-country mélancolique, et ses blagues potaches à l'accent scandinave, un monde : comme quoi on peut chanter des histoires de ruptures et puis en rire… C'est déjà ça de pris !

 

lundi, 05 novembre 2018 17:12

En voie de guérison...

On l'a déjà dit : Arab Strap n'est plus ce duo de vils alcooliques chantant d'une voix morne de tristes histoires de cul sur fond de folk malade et renfrogné. Depuis peu, Arab Strap écrit des chansons avec des violons (l'album « Monday at the Hug & Pint ») et reprend AC/DC. Sur scène, Malcolm Middleton et Aidan Moffat sont entourés de tout un groupe, avec même une fille dedans, qui joue au violoncelle. D'accord, on n'est pas encore chez Belle and Sebastian : même si les airs se font plus enjoués, Arab Strap parle toujours de trucs plus ou moins glauques, et le chant traîne encore un peu la patte. Il y en a qui préfère. Nous pas. Avant, se taper Arab Strap en concert faisait partie de ces expériences à ne pas trop réitérer sous peine de se tirer une balle. Maintenant, ça passe. Grâce à des titres comme « The Shy Retirer », « Fucking Little Bastards » ou ces reprises pétaradantes, avec Moffat et Middleton se prenant pour les frères Young. L'ambiance de ce concert était donc plutôt bonne, et le public content de voir que ses idoles savent aussi rire et raconter des blagues (voire imiter Justin Timberlake). Espérons qu'à l'avenir ils ne touchent plus le fond et ne nous reviennent avec un album pas drôle, parce qu'alors ça sera sans nous. Les concerts, c'est quand même fait pour passer une bonne soirée, même s'il y aura toujours des masochistes à crier au génie quand un artiste vous met face à votre propre merde, en live ou sur disque. D'accord, ça peut être utile, mais pas un samedi soir, avant d'aller danser et draguer des filles.

 

 

 

 

lundi, 05 novembre 2018 17:09

Lune de miel...

Soirée branchée au Vooruit dédiée au couple le plus sexy de la scène belge : Els Pynoo et Danny Mommens, alias Vive La Fête. Une célébration haute en couleurs pour fêter comme il se doit la sortie de leur troisième album, « Nuit Blanche », un concentré gratiné d'électro-kitsch (« kitsch-pop », selon leurs propres dires) et de new wave curesque, « very fashion indeed ». Le gratin de la populace « aware » de Flandre dans la salle (de Tom Barman à Michel Gaubert de chez Colete, tous deux en DJ sets avant et après le concert) s'était donné rendez-vous pour venir applaudir les deux tourtereaux, en forme olympique. Tenue velcro pour Els, « made in Kortrijk », et maquillage 80's pour Danny le Rouge : le look « Vive La Fête » se veut « tendance »… Comme celui du public, bigarré : coupes iroquoises, badges has been et regards « m'as-tu-vu ». Une « Nuit Blanche », donc : prévus à minuit, Vive La Fête aura un peu de retard…

Els et Danny sont entourés d'un nouveau groupe : exit Jules de Borgher et Piet Jorens, les nouveaux comparses se veulent plus anonymes, quoique peinturlurés comme Danny, « à l'apache » (les yeux barrés d'une grosse ligne bordeaux). Peu d'anciens morceaux, puisqu'il s'agit d'une sorte de show-case : seuls « Tokyo » et un « Je suis malade » à rallonge auront été joués à l'emporte-pièce, comme si l'ancien Vive La Fête n'était qu'un vieux souvenir… Plus que jamais, le groupe se réduit aux deux amoureux, dont les regards complices ne laissent d'ailleurs aucun doute quant à la passion qui les unit. Malgré les poses, malgré les paillettes, ces deux-là savent rester sincères, envers eux-mêmes et envers le public. Les remerciements se veulent chaleureux, et l'ambiance bon enfant. Tout l'album sera passé en revue, avec quelques points forts : un « Touche pas » d'anthologie à la sauce hip hop (avec un invité rapper), deux reprises magiques (« Banana Split » et « I Feel Love », celle-ci susurrée pendant plus d'un quart d'heure (celui de la gloire) par des volontaires dans la salle, à qui Danny prêtait chaleureusement le micro), sans oublier ce « Maquillage » déjà connu des aficionados du groupe… Deux bides, cependant : les problèmes du micro d'Els à la moitié du concert, et ce jam déplacé de Danny avec Luc Devos de Gorki, en toute fin de prestation… Qu'à cela ne tienne, Els et Danny auront prouvé, une fois de plus, qu'ils savent mettre le feu ailleurs que sur les catwalks de Karl Lagerfeld, et « en français dans le texte », dames en heren !

Le temps est maussade, on aurait préféré rester chez soi, blotti dans une couverture chaude à boire un bon thé. Mais il est vendredi soir, et Benjamin Biolay donne un concert à l'Ancienne Belgique. On aime bien Benjamin, qu'on a découvert à la télé, aux Victoires de la Musique… Il y chantait « Los Angeles » (enfin c'est fort probable), d'un ton emprunté qui nous rappelait Gainsbourg jeune. D'ailleurs, Benjamin fume aussi, et ses textes brillent d'une patine agréable, un rien bourgeoise. Sa musique, c'est un peu le charme discret de la bourgeoisie : marié à Chiara Mastroianni, Benjamin a donc pour belle-mère Catherine Deneuve. La Belle de Nuit, ici, c'était bien sûr Chiara, au chœur de presque toutes les chansons de son nouvel album, « Négatif ». Dans la pénombre, elle a les yeux qui tombent, comme si la vue d'un public si proche la liquéfiait. Benjamin, lui, est tranquille. Il chante et tire à ses clopes avec élégance, comme un dandy bohème qui aurait ses entrées dans le cercle très fermé des stars internationales du cinéma français. On parie qu'il mange tous les dimanches chez Depardieu, un gros poulet à la broche avec des frites. Benjamin est un peu seul dans la chanson française. Ni proche des Dominique A, Miossec et de toute la nouvelle génération rock fromage, ni proche des enfoirés foireux de la variétoche, Ben est dans son trip, Hollywood, Kennedy, Monroe. Los Angeles, toujours, les palmiers, les « privés », les producteurs véreux, les road movies, le rêve américain regardé par des millions de gens moyens sur leur télé couleur. Ben a sans doute rêvé d'être du clan Kennedy, comme Schwarzenegger. Chiara, c'est déjà pas mal. Sur scène, ils sont côte à côte, mais Benjamin reste zen. La musique avant tout. Il exhorte le public à encore l'applaudir. Il aime Bruxelles. Ses musiciens semblent eux aussi sortir d'un film de Robert Altman ou de Coppola : Ben devrait faire une BO ou même un film. Parce qu'il a la gueule, et la musique. Tendance Kyle McLachlan. Twin Peaks. Toujours le même trip. De « Rose Kennedy », il n'aura retenu que quatre chansons : « Novembre toute l'année » en clôture, « Les cerfs volants » en premier rappel, « Les roses et les promesses », et bien sûr « Los Angeles », dans une version dépouillée et cool, comme lui. Du nouvel album, beaucoup de titres, presque tout : « Billy Bob a toujours raison », l'amusant « Chaise à Tokyo », « Des lendemains qui chantent », le bouillonnant « Négatif », ainsi qu'une chanson inédite et la reprise d'un titre de Valérie Lagrange (« Fleuve Congo »), dont il a composé partiellement le dernier album. C'était bien. De bons musiciens. Une Chiara timide piquant de sa féminité trouble les titres de son Ben de mari. Et un Biolay en grande forme, généreux, parfois rigolard, mais avant tout, classe. Un concert agréable et joli, qui nous réconcilie avec « une certaine idée de la variété française ».

 

 

lundi, 05 novembre 2018 17:06

Comme le bon vin, John vieillit bien...

Pour la clôture de sa saison, l'Ancienne Belgique accueillait John Cale, épicentre d'une soirée exceptionnelle durant laquelle lectures, vidéos et film mettaient en scène l'ex-Velvet Underground, avant un concert divin qui marqua le grand retour du musicien sur le devant de la scène. Malgré un accoutrement plutôt indigne de la part de notre dandy touche-à-tout (un training pantacourt, des baskets pourries et une vieille chemise), le spectacle fût d'une intensité rare, beau mélange de nouveaux morceaux et de grands classiques, la plupart du temps remis au goût du jour.

D'entrée, Cale attaque avec trois nouvelles compositions, augurant du meilleur (un album est prévu pour septembre, et l'EP " 5 Tracks " vient de sortir) : " Over Her Head ", " Lament " et " Waiting For Blonde " impressionnent par leur structure mélodique (sophistiquée mais évidente). Retour en arrière avec les fameux " Do Not Go Gently Into That Good Night " et " The Endless Pain of Fortune " (de " Paris 1919 "), séparés par un quatrième inédit, " Verses " (de " 5 Tracks "), avant un " Venus In Furs " de toute beauté. Voir jouer un classique du Velvet par un de ses membres fondateurs procure toujours un bonheur insatiable : le violon électrique n'a rien perdu de sa verve, et déchire le silence (religieux) de ses stridences aujourd'hui rentrées dans l'histoire. Emotion. " Set Me Free " et " Things (You Do In Denver When You're Dead) " (du film du même nom) détendent l'atmosphère après telle plongée en arrière, dans ce passé sulfureux qui marqua toute une génération (et même plusieurs) d'apprentis musiciens et d'amateurs de pop music. Mais les surprises n'étaient pas terminées : aux premières notes de " Fear Is A Man's Best Friend ", le public exulte, et Cale sourit. Sa version de " Fear " se montrera pourtant bien différente de celle de l'album, Cale s'épargnant les cris du refrain en les remplaçant par de légères digressions pianistiques. " E is Missing ", autre inédit, fit un peu retomber la sauce (malgré sa bonne tenue), avant une dernière demi-heure rock'n'roll de haut vol, avec un Cale au devant de la scène, la Gibson blanche en bandoulière et le regard droit et enflammé : " Model Beirut Recital ", " Gun " et " Pablo Picasso ", avant un premier rappel et cet " Heartbreak Hotel " d'une intensité remarquable. John Cale vieillit bien, comme le bon vin.

Le public, conquis, en redemande : John Cale revient, seul, et interprète avec grâce un " Wilderness Approaching " de toute beauté. Qu'il rocke, qu'il expérimente ou qu'il roucoule, John Cale surprend par sa justesse de ton et son goût de l'aventure. Bref, il en jette toujours, sans forcer le trait. Vivement l'album !

lundi, 05 novembre 2018 17:03

A vous couper l'appétit...

Benjamin Schoos est un petit marrant, même si sa musique, elle, n'est pas drôle (« Forgotten Ladies », son nouvel album). Un soupçon de Venus et de Don Corleone (l'abat-jour et le fauteuil, la gomina et la grosse caboche), un zeste de Ry Cooder et de Tindersticks (le trio en backing band – Jacques Stotzem, André Klenes, Phil Corthouts – et l'air emprunté de Miam), un léger parfum de belgitude (l'accent liégeois, le surréalisme des paroles – trois mots, à toutes les sauces, love despair sadness) : circulez, y a rien (de neuf) à voir ! ! ! Benjamin, en plus, est aussi à l'aise sur scène qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine : une blague belge, une blague belge, une blague belge ! Eh bien non, pas de blague… même si ce concert de Miam Monster Miam en fût une. Les musiciens, eux, étaient parfaits. Dommage que Benjamin n'a pas la classe d'un Stuart Staples, et qu'il ferait mieux de chanter en français. « When I was a ninja », pop-song idiote dédicacée à Bruce Lee, clôturera ce concert raté, même si livré avec plein de bons sentiments. Miam Miam Miam ! ? Non : pas glop.

Après un concert si « délicieux » (dixit plein de gens venus en bus de la cité ardente), Nicolai Dunger (Suède), la vraie tête d'affiche de ce concert, n'aura bien sûr pas trop retenu l'attention. Pas de chance pour lui : c'était pas son show-case. « Va voir à Seraing si j'y suis ! ». Pourtant, son americana composée à quatre mains avec Will Oldham (excusez du peu) valait bien qu'on s'y attarde. Du sax, de la flûte, des guitares rugissantes, et surtout cette voix, râleuse et raclante, comme rôdée à l'alcool et au vieux tabac. Un Dunger vaut mieux que deux Miam tu l'auras, comme on dit. Pour les fans d'alternative country… Pas nombreux dans la salle, il allait sans dire.

Deux concerts, deux styles, deux fois plus de plaisir. Enfin presque : le rock éthéré des Français d'Overhead a beau se la couler douce dans nos oreilles (imaginez Doves en vacances chez Zero 7), l'envie d'aller boire une bière fraîche aura eu raison de notre patience. Et puis ces clones vocaux de Jeff Buckley commencent vraiment à nous saouler, surtout quand on est venu non pas pour planer, mais pour taper du pied. Overhead aura distillé un certain vague à l'âme certes agréable, à condition d'avoir descendu juste avant quelques blanches. La véritable raison de notre présence n'était donc pas Overhead et son trip-rock un peu plat comme une pinte éventée, mais bien le groupe d'après, celui vers lequel se tournent aujourd'hui, en ces temps rock'n'roll, tous les regards.

Pas que The Raveonettes soit plus original que tous les autres, loin s'en faut : seulement, voilà, il y a une fille à la guitare, qui plus est une Danoise, genre blonde de chez blonde. Heureusement d'ailleurs, parce que l'autre membre de ce duo (renforcé en live d'un batteur et d'un guitariste balèzes) ressemble plus à votre voisin de palier qu'au dernier martyr du rock garage tendance 2003. Sharin Foo (guitare/voix) pourrait bien jouer et chanter faux qu'on n'y trouverait rien à redire : ce déhanchement qui accompagne chaque pincement de cordes, cette moue appliquée sans doute répétée devant le miroir de sa coiffeuse, cette nonchalance désabusée lorsqu'un refrain se fait violent, les cheveux dans les yeux et le dos cambré… Aaahh ! ! ! Et que dire de la musique : un mélange de rock'n'roll et de pyché-pop façon sixties, comme si Jesus & Mary Chain jouait les Ronettes en accéléré dans les studios Toerag. Voilà la bande-son parfaite des meilleurs Cult B-Movies, une relecture sauvage de la surf music, mais sans ses clichés éculés. Sune Rose Wagner (voix/guitare) n'est certes pas glamour comme sa copine, n'empêche qu'il assure. On pourrait tout de même reprocher au duo son manque d'originalité sur la longueur : leur EP « Whip It On », pourtant très court, n'évite pas les redites – guitare fuzz, voix en écho, murmures monocordes,… Leur son, déjà reconnaissable entre mille, se révèle en fin de compte rapidement unichrome. Mais leur premier album, prévu pour août devrait, on l'espère, nous réserver quelques surprises, à l'écoute de ces « Let's Rave On », « Remember » et « Rebel Invasion » moins prolo-rock que disco-punk FM. A cet égard, une chose est sûre : quand Sharin laisse exploser son côté Debbie Harry, c'est plutôt chaud. Après 40 minutes, il aura bien fallu quelques bières pour refroidir toute cette ardeur. Au Pukkelpop, on prévoira deux packs de six.  

 

lundi, 05 novembre 2018 16:55

Shoegazing...

Pendant tout un week-end, les Allemands de Notwist ont pris d'assaut l'AB avec tous leurs copains, pour deux soirées spéciales autour du groupe : films, clips, merchandising, DJ-sets, et surtout des concerts, de Notwist (en apothéose) et de leurs side projects (Console, Lali Puna, Ms John Soda, Tied & Tickled Trio, Couch). The Notwist, c'est donc une nébuleuse, une constellation : autour du groupe gravitent plusieurs formations qui ont toutes en commun cette propension à mixer indie pop et électro (de l'indietronica), émotion et technologie, impro et refrains chantés. En cela, The Notwist est une petite entreprise qui fonctionne plutôt bien : la « scène » dont le groupe s'est retrouvé fer de lance connaît un beau succès d'estime, en témoigne ce soir une AB bien remplie, alors qu'au début l'événement était prévu dans l'ABBOX.

C'est Couch qui ouvre les festivités, un trio rappelant Add (N) to X (une femme, aussi, aux claviers) et ces groupes de post-rock qui malmènent leurs guitares sans dire un mot. Les riffs sont répétitifs et la batterie reste calée sur le même rythme, provoquant chez leurs géniteurs une transe solitaire qui n'emporte que très peu de spectateurs. Une heure de concert, ce fût long, malgré quelques bons moments.

Arrive alors Lali Puna, qu'on a rarement le plaisir de voir en concert. Valerie Trebeljahr chante timidement, tandis que Markus Acher (chanteur-guitariste des Notwist) reste courbé sur sa guitare, l'air concentré ou l'esprit ailleurs. Des nouveaux morceaux, et quelques perles de « Scary World Theory », leur dernier album en date, un véritable petit joyau. En rappel, une reprise de « 40 Days » de Slowdive, qu'on retrouve sur la compile « Blue Skied An' Clear » du label Morr Music.

Vers 22h30, les Notwist entrent en scène. Il y a plus d'un an qu'on ne les a plus vus, depuis ce passage raté à Werchter, avec Arne Van Petegem en remplacement de Micha Acher et son plantage sur « Pick up the phone » (un grand moment). Cette fois, le groupe est au complet. Les hits y passent, surtout ceux de « Neon Golden » (à part un « Chemicals » un peu fade), plus quelques morceaux plus noisy, traces un peu crasses de leur passé d'ados tourmentés (les premiers albums). C'était là qu'en effet, le bât blessait : peut-être à cause d'un manque de répétition, d'une cuite à la bière belge ou d'un gros rhume chopé pendant le voyage, les quatre Allemands semblaient à côté de leurs pompes quand il s'agissait de jouer ensemble et de jongler avec les crescendo. Pendant ces morceaux rock, de longues plages de silence, avant l'explosion, cassaient tout rythme, et toute ambiance (n'est pas Mogwai qui veut). Un peu comme si on avait coupé le courant pendant quelques secondes (« Mais qui a éteint la musique ? », était la réaction la plus fréquente), avant de rebrancher les prises et de laisser les quatre Allemands faire leur boucan en totale discordance. Bizarre qu'après un an de tournée, deux albums excellents, The Notwist soit encore victime de telles imprécisions. A tel point qu'après trois-quarts d'heure de concert, l'attention du public n'était plus que polie (il était tard aussi), et l'ambiance de partir en couilles comme un vulgaire plat de nouilles. Pas glop.

 

lundi, 05 novembre 2018 16:53

En route pour la quatrième dimension...

'A chilly night' au Nijdrop d'Opwijk, une maison des jeunes s'improvisant presque toutes les semaines salle de concert. Au programme de cette soirée à l'ambiance résolument feutrée : Nona Mez, alias Geert Maris, de Leuven, et Windsor For The Derby, combo américain à géométrie variable, lointain cousin de This Heat, PIL et Tortoise.

Nona Mez et son « Songs of Leaving » nous avait scotché fin de l'année dernière, avec une recette pourtant maintes fois ressassée : une guitare acoustique, un clavier et une voix vaporeuse, susurrant de mornes complaintes sur l'amour et ses dérives. De dérives, il en était fortement question ce soir, à cause d'une maladresse qui fit perdre la patience de notre jeune ami, puis, rapidement, la nôtre. Une guitare qui tombe, et voilà que le tatillon Maris s'énerve et bâcle ses compos, pourtant fort belles… Et la méticulosité, en concert, ça saoule : à force de vouloir réaccorder sa guitare pendant une plombe à chaque fin de morceau (pire : pendant), Nona Mez nous aura fait oublier l'essentiel : que son disque est fort joli. Comme quoi, le live n'est pas une cure pour les timides et les maniaques.

Heureusement, Windsor for the Derby était là pour sauver la mise, avant que la soirée ne soit rebaptisée « A boring night » : leur post-pop entre L'Altra et The Sea & Cake au placard le temps d'une heure, c'est sous les traits soniques de chevaliers de l'Apocalypse noisy-punk-funk que l'on a pu apprécier, ravis, ces Américains au look impeccable. Une tornade de rythmes binaires hypnotiques, de riffs en boucles, de paroles ânonnées avec grâce : Windsor for the Derby nous aura cloués sur place. Comme l'acid rock à la Grateful Dead, le minimalisme à la Terry Riley et le punk incisif à la Wire, Windsor for the Derby nous aura embarqués dans une quatrième dimension que seuls les grands groupes arrivent à traverser, sans se brûler les ailes. Une fois les dernières notes retentissant dans la salle, le choc avec la réalité fût rude : la marque des grands groupes, assurément.