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Grégory Escouflaire

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lundi, 05 novembre 2018 15:55

Un groupe profondément attachant...

Depuis leur passage remarqué au Botanique, il y a environ quatre ans, les charmants Ecossais de Belle and Sebastian n'étaient plus jamais revenus fouler les scènes de notre plat pays. Selon Stuart Murdoch, le chanteur à la voix d'ange mais aux idées noires, ce concert-là n'était pas à retenir dans les annales du rock… " Nous essayerons de mieux jouer cette fois-ci ", lance-t-il goguenard aux fans venus nombreux en cette fin de journée printanière pour déguster ses chères ritournelles folk-pop. Mais quoi qu'il dise, on ne le croit pas : ce concert, il y a quatre ans, était fiévreux et onctueux, et l'on croise les doigts pour qu'encore une fois, lui et ses amis nous emmènent dans leur petit monde chéri, où les délicats Simon and Garfunkel (pour les mélodies) jouent à la marelle avec Stephen Jones (pour l'ironie) et Leonard Cohen (pour la poésie). Venus spécialement pour promouvoir leur nouvel album (bientôt dans les bacs) et la BO de " Storytelling " (qu'ils ont composée), les douze (ou treize ?) membres du groupe ont tout l'air d'un groupuscule néo-hippie, les chemises à fleur en moins : en parfaite symbiose pendant tout le concert, ils n'auront de cesse d'échanger leurs instruments, comme on se passe un joint. L'atmosphère est d'ailleurs des plus bucoliques, et les mélodies chantées à bout de voix par Stuart et sa jolie copine semblent parfaites pour les veillées autour du feu… Mais attention : derrière ses complaintes baba susurrées d'une voix presque enfantine et ces minois charmants se cachent des petits malins qui jouent avec nos nerfs, plus proches de songwriters comme Randy Newman que de la Kelly Family. Car en se penchant sur les paroles de leurs chansons soi-disant guillerettes, l'auditeur attentif trouvera des thèmes souvent pessimistes, voire glauques. Belle and Sebastian n'est donc pas un groupe pour midinettes, mais plutôt le moyen idéal de refouler ses pulsions négatives dans une musique apparemment inoffensive : en d'autres termes, celui qui dit encore une fois que c'est de la musique de tapette a mon poing dans sa figure.

A part ça, le concert privilégia dans sa première partie de nouvelles compositions, dont une très flamenco. Puis les tubes s'enchaînèrent, de " Dog On Wheels " à " Sleep The Clock Around " en passant par " The Fox In The Snow ". En une heure et demie, Belle and Sebastian a prouvé, encore une fois, qu'il était un grand groupe, peut-être pas assez aventurier (c'est finalement toujours à peu près la même recette) mais profondément attachant.

 

mercredi, 04 décembre 2002 02:00

Une question de longueur d'ondes...

Aaargh, la cold-wave est de retour ! The Faint n'a plus écouté de musique depuis 1982, à l'époque ou Human League et Front 242 faisaient un tabac dans les clubs de Mouscron et de Detroit. De l'EBM qu'ils appelaient même ça ! Les saligauds, v'là-t-y pas qu'ils nous refont le coup comme en 40, avec les combat shoes et les tenues en treillis ! Ce beat ! Ces poses ! Cette voix ! Mais que diable, serions-nous au Steeple Chase de Waregem à danser sur Wumpscut, en balayant le sol de nos cheveux longs corbeau, les poings fermés se balançant d'avant en arrière ? The Faint ? Chouette alors, on se sent rajeunir, et pour ceux qui n'était pas nés, voilà une belle entrée en matière dans le fabuleux monde des années 80 ! Elektroklash meets Billy Idol, pour qu'ils comprennent mieux. Ah ouaiiis ! The Faint : le groupe qu'on aimerait ne pas aimer. « Danse Macabre » (NDR : ce titre !) est en vente chez tous les bons disquaires).

Radio 4 : on en a déjà parlé. Le punk funk, cette tendance rétro qui replonge dans le début des années 80, à l'époque ou Gang Of Four, A Certain Ratio et co. faisaient danser l'undergound avec leur mix de rock abrasif et de grosses basses frétillantes. Mais le public serait-il venu pour The Faint et son EBM figé dans le temps ? A voir l'ambiance (nulle) et les gens qui dansaient (personne), on se dit que Radio 4 s'est trompé de salle. Pourtant, leur « Gotham ! » est une pure merveille de rock dansant, produit par un duo de choc composé de Murphy et de Goldsworthy, alias DFA. Liars, The Rapture, c'est aussi eux. Bon, patience : un « Dance To The Underground » devrait embraser la salle en un quart de tour. Raté : « On se croirait presque à New York », ironise Anthony Roman, le chanteur-bassiste. Un petit rappel pour être polis (avec deux chansons de leur premier album, « The New Song And Dance » et le fameux « Certain Tragedy »), et puis Radio 4 met les voiles. Triste… Que dire de plus ?

On l'a déjà dit : leur hip-hop synthétique, en crise permanente d'épilepsie électronique, déroge à toutes les règles établies par MTV et le music business, cette industrie qui préfère les poufs gonflées à l'hélium et les rappers aux tablettes de chocolat que les vrais défricheurs, ceux qui bousculent les conventions, malmènent les gros clichés. En mixant allègrement opéra, musique concrète et soul millésimée, Antipop Consortium invente un rap hybride, mille-feuilles, absorbant toutes les influences pour mieux les malaxer et, par là, leur rendre hommage. Fini les chapelles, les guéguerres de petites frappes, les batailles à coup de dollars et de poupées gonflables : Antipop consortium nous livre sa recette miracle pour transformer la soupe R'n'B en mets d'esthète. "Arrhythmia" étonnera donc les fans de P. Diddy par ses parti-pris casse-gueule (de l'opéra, pensez donc !), mais ne décevra pas les amateurs de musiques de traverse, ceux qui ne voient pas d'inconvénients à écouter du rap sur Warp (ou vice-versa) - un rap où les platines ont été remplacées par des machines, les "bitches" par des bips bips pas chiches.

Tout semblait donc bien parti pour que ce concert à l'AB soit une énorme claque, une expérience déconcertante mais jamais fatigante. Seuls quelques séquenceurs, laptops et boîtes à rythmes occupent le milieu de la scène, preuves supplémentaires qu'Antipop Consortium n'est pas un groupe de rap comme les autres. A l'arrivée des quatre MC's bidouilleurs, les esprits s'échauffent, tandis que retentissent les premiers (break)beats d'un concert qui, finalement, se révèlera moins passionnant que prévu. C'est que leurs morceaux passent difficilement l'épreuve de la scène… Leur structure, ouverte et malléable, se révélait pourtant un terrain propice aux expérimentations live les plus folles : pas de chance, les quatre chevaliers de l'apocalypse hip hop préfèrent se la rapper douce, sans extravagances ni prise de risque. Après une heure de prestation en flow libre mais sans grande surprise, le public semble assez déçu, persuadé que les New-Yorkais ont raté le coche. Il n'a pas tout à fait tort.

 

lundi, 05 novembre 2018 15:51

Il vaut mieux jouir ici-bas...

A peine son nouvel album dans les bacs (" Le Moujik et sa femme "), l'Auvergnat était déjà de passage chez nous. Pas étonnant quand on sait qu'il ne fait que de " bons concerts ici " (c'est lui qui le dit) et parce que, disons-le, le public belge lui a toujours réservé un formidable accueil. Pourtant, la salle n'est pas remplie : sans doute que les gens préfèrent d'abord savourer l'album à la maison, et surtout, aimeraient bien le connaître avant de le voir défendu sur scène. C'est vrai que les nouvelles compos, aussi réussies soient-elles, n'ont pas encore eu le temps de s'installer dans nos oreilles et nos mémoires : qu'à cela ne tienne, c'est avec joie que les fans accueillent le chanteur, toujours un peu penaud mais diablement charmant (ce sont les filles qui le disent). Tout le " Moujik " sera passé en revue, sauf la chanson d'ouverture (L'amour qui passe) : un Hombre déchaîné, une Libellule qui nous aura appris qu' " il vaut mieux jouir ici-bas " (repris par tous), un superbe Monde intérieur où il fait bon vivre, un Baby Carni Bird ponctué par les " kootchie ! " enflammés du public, plein de dadas (et de kékés) en herbe… Accompagné de Fred Jimenez à la basse (d'A.S. Dragon) et de Jean-Marc Buffy à la batterie (PJ Harvey), Jean-Louis Murat rigole, lâche quelques vannes, mais se calme dès qu'il empoigne sa guitare ou s'assied au piano. Après quelques titres de " Mustango " (Polly Jean, Mustang, Au Mont Sans-Souci,…) et deux inédits longuets, l'Auvergnat s'en va, laissant derrière lui un public charmé. " Il vaut mieux jouir ici-bas ", disait-il… Il ne croyait pas si bien dire !

lundi, 05 novembre 2018 15:50

Le scorpion se serait-il mordu la queue ?

Pour beaucoup, Death In Vegas, c'est un peu le futur du rock : en imposant ses rythmiques électroniques sur des ambiances garage, avec Liam Gallagher, Iggy Pop et Hope Sandoval se prêtant au jeu des chaises musicales (ou plutôt vocales), Death In Vegas tente, comme Primal Scream, The Rapture ou Add N To (X), le pari fou d'être à la fois respecté par les fans de rock et les fans d'électro. C'était l'occasion, en ce réveillon d'Halloween, de juger sur place : au Bota, en live, dans une salle « sold out ». Pas de chance, car cette fois-ci, les Anglais n'ont pas vraiment conquis : mous du genou, Tim Holmes et Richard Fearless, accompagnés de quatre musiciens, auront certes balancé la sauce (de « Leather/Girls » au tubesque « Hands Around My Throat »), mais sans chaleur ni sueur. Manque d'âme, de sexe, d'ambiance : en aucun moment, ce concert n'aura décollé vers les hautes cimes que le groupe atteint facilement sur disques. D'autant plus que sans les voix de tous ces chanteurs qui font la classe de titres comme « Scorpio Rising » ou « So You Say You Lost Your Baby » (respectivement Liam Gallagher et Paul Weller), on est en droit d'être déçu. Le scorpion se serait-il mordu la queue ? On laisse à Death In Vegas le bénéfice du doute. En espérant que la prochaine fois sera la bonne.



lundi, 05 novembre 2018 15:48

L'ouragan Strokes

C'était le concert le plus attendu de ce début d'année, et pour cause : l'ouragan Strokes déboulait enfin sur notre petit royaume, après des mois d'attente et de surenchère médiatique, alors que le disque trouve seulement maintenant sa place dans les hits parade. On a déjà tout dit et tout écrit sur les Strokes : révélation de l'année 2001, sauveurs du rock, nouvelles stars (r)allumeuses de la flamme CBGB,… Autant dire que c'était la foule des grands jours qui se pressait dans le hall de l'AB, de la bimbo m'as-tu-vu au vieux rockeur venu prendre un bain de décibels et de jouvence.

En première partie, le duo électro-cheap Stereo Total donnera sa version trash d' ‘Un gars, une fille’, mélangeant pop francophile et synthés vintage dans un joyeux bordel rétro futuriste, comme si Bécassine flirtait avec Albator en dansant sur Fisherspooner dans une boîte SM.

Quant aux Strokes, eh bien… C'était gargantuesque. En une heure, l'ouragan aura tout dévasté sur son passage, laissant un public pantois et ravi, exténué par tant d'énergie, impressionné par tant de maîtrise. Sans pause ni commentaires, les 5 membres soudés du groupe enchaînent les chansons à la vitesse V-V', de " Hard to explain " à " Is This It ", avec des pics d'éclate et de décharge électriques pendant " New York City Cops ", " Last Nite " et le final, proprement stupéfiant de hargne, " Take it or leave it ". Deux ou trois inédits auront quand même calmé le jeu, dont une première écoute laisse perplexe mais pas inquiet : les Strokes tiennent bien le rock par le bon bout, et nous avec. De là à dire qu'il s'agit d'un groupe fait pour durer et non d'un buzz éclair, il y a quand même de la marge… Mais le rock n'est-il pas par essence éphémère, ses artistes cultes traversant son histoire tels des étoiles filantes qui disparaissent au moment où on croit les apercevoir ? Take it or leave it, disent les Strokes aux indécis de la salle, l'œil goguenard devant ce grand cirque du rock'n'roll dont ils sont à la fois les auteurs et les victimes. Mais n'est-ce pas jubilatoire de se laisser aller, parfois, à tant de hardeur juvénile et salvatrice ? Les Strokes, eux, l'ont bien compris.

lundi, 05 novembre 2018 15:47

Une vulgaire piquette...

C'est dans le cadre du festival itinérant " Les Jeux " que les deux Français (Christophe) Miossec et Dominique A(né) sont venus nous rendre visite, dans une ambiance d'abord bon enfant mais qui tomba très vite dans le mauvais trip breton, tendance Manau à la foire de Libramont. Dans le rôle du bœuf très beauf : Miossec, dont la musique ce soir-là n'eut pour unique intérêt que mieux nous faire aimer ses deux supports acts, bien plus électrifiants que n'importe laquelle de ses mélodies bancales qui sentent la bière et le mauvais déo.

Amor Belhom Duo est en fait un trio qui marie ambiance moite proche des westerns crépusculaires de Sam Peckinpah et charme vénéneux distillé au compte-gouttes par des musiciens parents des frères Burns de Calexico. Au croisement d'un post-rockabilly fiévreux et d'une pop à la française pleine d'échos du Middle West, la musique de ce trio parvint à nous enivrer mais pas à nous saouler, contrairement à celle du malheureux Breton mentionné plus haut.

Autre fièvre pleine de folie mais sans delirium, le concert de Dominique A : supporté par Sacha Toorop à la batterie (Zop Hopop) et l'ancien guitariste de… l'ivrogne suscritiqué, l'homme au crâne rasé tétanisa l'assemblée par ses chansons toute tension dehors, des ballades écorchées vives sans cesse sur le fil du rasoir, qui vous font chavirer par leur beauté à fleur de peau. A cet égard, la chanson qui clôtura ce concert magnifique, " Pour la peau ", est sans doute l'une des plus belles de Dominique A, bien loin des misanthropies faciles de son avant-dernier album " Remué ".

Ensuite, les choses se gâtèrent : bourré comme toute la Bretagne, le piètre troubadour des A. A. entra dans l'arène, prêt à décocher ses petites phrases assassines en roulant ses " r " comme le fit jadis Brassens et Gainsbourg, mais en mieux. Car les deux chanteurs, auxquels le petit monsieur de ce soir doit vouer beaucoup d'admiration, avaient, eux, de la classe, et respectaient leur public. Le petit Miossec n'en à rien à cirer des gens qui viennent l'acclamer (et le pire, c'est que tous en redemandaient) : ses chansons de troquet boitent et se plantent, et même si les musiciens qui l'accompagnent feront de leur mieux pour sauvegarder les meubles, le petit chanteur coulera à pic. La vérité est dans le vin, dit-on… La vérité, c'est que, le vin aidant, Miossec est devenu égoïste, suffisant et vulgaire, et sa musique une soupe celtique servie froide et sans sel. Désolant.

lundi, 05 novembre 2018 15:43

Miracle californien?

New York Dolls, Stooges, AC/DC,… Le DJ balance la grosse artillerie pour faire mousser la foule, venue en masse ce soir-là pour accueillir comme il se doit les nouveaux messies du rock'n'roll (oui, encore !), compagnons d'équipée d'Angus Young, de Jim Morrison et de Jason Pierce. Leur nom : les Black Rebel Motorcycle Club, un trio de Californiens fort en gueule, dont le nom est emprunté aux loubards à perfecto du film The Wild One. Et c'est vrai qu'à les voir sur scène, on les imagine bien chevaucher une grosse cylindrée sur les routes poussiéreuses de l'Amérique profonde, avec Steppenwolf comme bande son idéale et les disques du Velvet bien planqués dans le coffre de leur siège…

Un concert du Black Rebel Motorcycle Club, c'est donc une chevauchée fantastique à travers l'histoire cahoteuse du rock'n'roll de l'Oncle Sam, d'Iggy aux Strokes, de Slade aux Dandy Warhols. Sur scène, les guitares en vrille, la batterie épileptique, le chant névrosé et plaintif, tout cela concourt à faire de leur musique une descente hypnotique dans les tréfonds les plus fiévreux de notre inconscient. Pourtant, l'impression d'avoir déjà entendu cette voix, ces riffs quelque part (Joy Division, Stone Roses, Primal Scream,... ?) angoisse, inquiète, déstabilise, mais les volutes psychédéliques et les refrains en boucle finiront par nous tétaniser, et la musique des BRMC de se transformer alors en expérience extatique digne de celles des Merry Pranksters. En déployant leurs morceaux en spirales interminables de reverbs sous LSD, les Black Rebel Motorcycle Club nous entraînent dans un trip hallucinant, à bord duquel le Grateful Dead taperait une jam' avec Frank Black et Bez des Happy Mondays. What ever happened to my rock'n'roll ? ", chante le guitariste en fin de concert… C'est simple, mon vieux, il lui est juste arrivé un petit miracle, et ce miracle, il nous vient de Californie.

Après un passage remarqué à l'AB il y a quelques mois, les Islandais de Mum étaient de retour chez nous, pour un concert de toute beauté, qu'on n'oubliera pas de si tôt. Il est vrai que leur dernier album, « Finally We Are No One », est une petite perle d'électronique fragile et veloutée – une constante chez les artistes de cette île coincée entre la banquise et le Nord de notre continent, de Björk à Sigur Ros.

En première partie, un quintette déjanté, Beauty Queens, sorte d'orchestre pour bals populaires du Pôle Nord, au cours desquels on danserait davantage sur Gus Gus, Jimi Tenor et Royksopp que sur Sardou et André Rieu, nous a beaucoup amusés. Le morceau qui ouvrit les festivités ressemblait d'ailleurs étrangement à du Mum. Mais du Mum sous influences éthyliques ; un peu comme si les voix des deux frêles chanteuses avaient été remplacées des logorrhées d'esquimaux ayant bu trop de vin chaud. Une mise en bouche récréative, mais surtout idéale avant de déguster un  plat consistant particulièrement appétissant.

En une heure, Mum a revisité son dernier album avec maestro et finesse. Seuls les instrumentaux pâliront d'une mise en son parfois légèrement approximative, souci vite oublié par la splendeur de leurs arrangements et le charme des deux elfes à la voix enfantine. En bâtissant des miniatures électro-acoustiques d'une poésie pleine de magie, Mum se pose comme le groupe de nos rêves éveillés. Les bouches bées de toute l'assemblée venue se recueillir, et les tonnerres d'applaudissements déclenchés à l'issue de chaque morceau, en sont les plus beaux témoignages. La musique de Mum côtoie les anges. Mum… mieux que toutes les prières : une bénédiction.

 

lundi, 05 novembre 2018 15:40

Diva, poétesse et prêtresse...

‘Jill Scott est la diva de la nu-soul’, s'entend-t-on dire un peu partout dans les médias, toujours en manque de nouvelle sensation black depuis la putréfaction de Michael Jackson. Mais la nu-soul, qu'est-ce que c'est ? Juste un retour aux sources de la soul, quand Stax et Motown régnaient en maîtresses frivoles sur la musique black, bien avant que le new jack déverse sa mélasse dans nos oreilles, à l'orée des années 90. Aujourd'hui donc, de nouvelles égéries soul reviennent sur le devant de la scène, ravivant l'esprit frondeur de Berry Gordy en célébrant les noces entre soul, rap et techno. Fini les galipettes bodybuildées estampillées MTV (Usher, Sisqo, R. Kelly : pouah !), car la seule chose qui intéressaient ces laveurs de vitres, ce sont les derrières de gazelles en rut. Eh bien justement : Jill Scott a un énorme derrière, comme Macy Gray et Angie Stone, mais elle ne se contente pas de le remuer pour faire bramer les mâles : elle fait aussi de la musique, et de la bonne, en digne descendante d'Aretha Franklin et de Billie Holiday, les influences hip hop en plus.

Jill Scott ne fait donc pas partie de ces donzelles qui roucoulent en balançant leur poitrine de gauche à droite et de bas en haut, dans des clips souvent chauds mais illustrant pourtant une musique tiède. Son premier album, " Who Is Jill Scott ? ", en est la preuve : hésitant entre l'introspection calfeutrée de sonorités reposantes (piano, cordes) et l'étourdissement vocal proche du R.E.S.P.E.C.T. de sa grande sœur de cœur, les chansons de Jill Scott sont une douceur pour l'oreille, à consommer sans modération. En concert, c'est encore mieux, vu qu'on a Jill Scott en chair et en os devant soi, tantôt nous susurrant ces histoires douces amères dans un écrin musical de toute beauté, tantôt nous évoquant avec humour et sensibilité sa jeunesse tourmentée, traces d'un passé de poétesse ou d'enfant de chœur, voire des deux. C'est qu'entre les chansons (The Way, One Is The Magic Number, saisissants), la diva nous abreuve de ses expériences, une fine ligne mélodique l'accompagnant en sourdine pour mieux souligner son flow puissant et (parfois) revanchard, héritage des " spirituals " du début du siècle dernier, ces chants religieux dans lesquels se répondaient pasteur et fidèles dans la joie et l'ivresse. Sauf qu'aujourd'hui, c'est elle la prêtresse, et nous ses fidèles, à laquelle nous répondons par la danse et le sourire aux lèvres, immergés dans cette AB devenue sanctuaire à la gloire de la soul. " Who Is Jill Scott ? ", nous lance-t-elle pleine d'allant… Réponse : une sacrée chanteuse, à la voix d'or pleine de trésors, et dont la musique nous donne des chaleurs. En un mot : Respect.