Danger, danger ! High Voltage : les six malades d'Electric Six sortent enfin leur premier album, un concentré jubilatoire de rock'n'roll, de disco, de garage et de funk. Yeah ! Leurs riffs éjaculatoires, leur dégaine de rockeurs insomniaques, leurs textes hilarants : ça pète dans tous les sens, pour le plaisir des yeux et des oreilles ! Leurs 13 chansons boutent le feu au dance-floor, c'est l'apocalypse électrique, c'est Electric Six ! Ces phrases sonnent comme des slogans publicitaires, mais pour une fois c'est vrai : le produit est de qualité. Les journées promo doivent être exténuantes pour ces jeunes stars montantes du show business, qui voient défiler devant eux des journalistes à la chaîne, comme les bières dans leur gosier. A 18h, au Falstaff de Bruxelles, c'était le tour de Musiczine : après avoir cuvé leur blanche pendant des heures, Dick Valentine et Surge Joebot auraient pu lâcher l'affaire, envoyer paître ce petit con et ces questions débiles. Mais non : Dick, le frontman extraverti aux faux airs de méchant, et Surge, le guitariste chauve à la voix graveleuse, se sont prêtés au jeu avec joie, buvant leur blanche cul-sec et se tenant la barbichette, " le premier qui rira aura une tapette ". Action !
Alors les gars, dites-moi, qui sont vraiment les Electrix Six ?
Surge Joebot : Juste six types de Detroit qui tentent de survivre, de se battre, de faire leur trou…
Dick Valentine : … d'inscrire leur musique sur la grande tapisserie du rock.
?… Et cette histoire de complot sur votre site, de ‘sélection naturelle’ dont le groupe serait à l'origine ! ?
S.J. : Tout le monde est impliqué dans une sorte de complot géant sans vraiment savoir ce que c'est… Il n'existe pas de preuves ! Ce n'est pas inscrit dans la réalité, pour autant qu'on le sache. C'est un des webmasters qui nous l'a dit. Entre-temps, il a été viré.
D.V. : Nous avons beaucoup trop de webmasters qui s'occupent de notre site : on ne sait jamais ce qu'ils vont écrire… On ne contrôle rien, mec ! Les gens pensent maintenant qu'on est des gens tarés, qu'on dit des trucs cools, mais ce n'est pas vrai ! Une fois que la tournée sera finie, on s'occupera de ces types… Ils n'auraient pas dû dire ça.
Comment vous connaissez-vous ?
S.J. : Nous sommes allés au même lycée, mais ce n'est qu'après qu'on a commencé à travailler ensemble. Au départ, on s'appelait The Wild Bunch, mais on a dû changer de nom à cause d'une sombre histoire de copyright. Un Dj nous a menacés de poursuite judiciaire…
Un Dj trip hop de Bristol (NDR : les futurs Massive Attack) ?
S.J. : Ouais : un Dj, c'est quand même la dernière personne par qui on a envie d'être poursuivi… Et donc on a changé de nom ! C'était aussi l'occasion pour nous de faire table rase du passé, ce qu'on a fait, et voilà : bingo !
Comment définiriez-vous votre musique ?
D.V. : On essaie à tout prix de ne pas définir notre musique. Si tu cherches à vouloir décrire ce que tu fais, la meilleure chose à faire est de ne pas employer de mots… Parce que si on commence à parler de punk, de dance, de rock, alors c'est ce qu'on finit par être, et nous on veut être un tas de choses différentes ! Quand on s'assied pour écrire une chanson par exemple, on ne se dit pas " Voilà comment ça doit sonner " ou " On va faire un album comme ça "… Conneries ! On écrit toutes sortes de morceaux très différents, mais susceptibles d'être reliées sur un album par des thèmes communs : à la fin, tu te retrouves avec un album intéressant… " Fire " est le résultat de ce genre de réflexion.
S.J. : Si on planifie trop, il n'y a plus de place pour les surprises : on voit ce qui se profile à l'horizon, on réfléchit trop… Or il faut réfléchir le moins possible ! A dire vrai, nous ne sommes pas un groupe de grands penseurs !
Et si je vous disais ‘disco-punk’, ‘drunk garage’, ‘clit rock’ ?
D.V. : Clit rock ? !
Ouais ! ! ! C'est un terme inventé par votre amie Peaches pour décrire sa musique !
S.J. : Yeah, j'aime ça ! Parce que tout tourne autour de ça, du clitoris… " Rock the clit while you still can ! "
D.V. : C'est vrai : dès qu'on voit Peaches, la première chose à laquelle on pense, c'est le clitoris.
Vous avez collaboré avec elle…
D.V. : Elle a repris " Gay Bar ", et nous son " Rock Show ", c'était très sympa. Elle a fait du bon boulot.
Je dis ça parce qu'écouter votre musique, c'est un peu comme tirer son coup.
S.J. : C'est fantastique ! Vraiment, je pense qu'aucun groupe ne pourrait entendre plus beau compliment… C'est la meilleure chose à laquelle ta musique puisse être comparée ! (Dick acquiesce)
Y a pas de quoi, les gars… Mais changeons de sujet : vous venez de Detroit… A-t-elle une influence sur la musique que vous faites ?
D.V. : La ville peut-être, mais pas vraiment la scène ou tous ces groupes qui en ont fait l'histoire… On aime la plupart des groupes de Detroit, mais on ne sonne pas comme eux. Vivre à Detroit, c'est pas la joie : c'est froid, désolé et pluvieux, il n'y a pas de magasins ni de supermarchés, c'est pour cela qu'il faut créer son propre amusement, parce qu'il n'y a rien à faire et à acheter. C'est la raison pour laquelle il y a beaucoup de bons groupes à Detroit, parce qu'à la fin de la journée, il faut bien s'amuser : il n'y a pas d'endroits pour acheter des jeux vidéo, ce genre de trucs… Alors on fait de la musique.
Et ces noms ridicules, c'est aussi pour se marrer ?
D.V. : Tu sais, ce sont des choses qui arrivent : ta maman et ton papa se rencontrent, ils font un bébé et à un moment, ils décident de lui donner un nom. C'est comme ça que ça marche…
Sans rire, c'est ton Vrai nom : Dick Valentine ?
D.V. : Yep, aussi surprenant que cela puisse paraître…
S.J. : Je ne pense pas que les noms de scène soient nuls : je me suis toujours imaginé avec un nom de scène… Je le sentais comme ça. Et puis c'est une tradition dans le monde du divertissement, un paquet d'artistes ont des noms de scène : Jack White est un nom de scène, sans vouloir décevoir personne… John Wayne… Gene Simmons… Vin Diesel… Tous ces noms sont fabriqués. Ca arrive souvent dans le show business.
Johnny Hallyday ! ! !
D.V. : " John Weedee " ? ! ?
Johnny, quoi ! ! ! La plus grande star de l'histoire du rock'n'roll français !
D.V. : Me dis rien… Nous sommes américains ! Jamais entendu parler…
S.J. : Mon nom de scène vient en fait de Serge Gainsbourg. C'est un hommage.
Et concernant les titres de vos chansons ? 1/ " Dance Commander "… C'est un ordre ? Est-ce important pour vous de composer de la musique sur laquelle les gens peuvent danser ?
D.V. : Nous ne sommes pas sûrs de l'identité de celui qui donne cet ordre. Voilà de quoi parle cette chanson ! C'est un mystère : qui est vraiment ce " Dance Commander " ? On ne sait pas trop. Mais c'est très important de danser. On veut être reconnu comme un groupe dance, en plus d'être reconnu comme un groupe rock. Donc, danser, c'est primordial : on y pense tout le temps. Mais de là à savoir qui est le " Dance Commander "… On n'a pas encore trouvé ! Ca nous permet en tout cas d'envisager une suite : " Dance Commander : Part II ".
Tu pourrais être le ‘Dance Commander’ !
D.V. : Toi aussi ! Je n'en sais rien… L'un de nous doit être le " Dance Commander ", et un autre la taupe.
La taupe ?
D.V. : L'espion. Quelqu'un sait qui est le " Dance Commander ". Quelqu'un est le " Dance Commander ". Yeah.
2/ " Electric Demons " : l'un d'entre vous est peut-être le " Dance Commander ", mais qui sont ces " Electric Demons " ?
D.V. : Ce n'est pas nous : c'est une chanson sur le vaudou, en fait. Sur ces gens qui sont bons de cœur, mais qui se rendent compte que le mal est peut-être la voie à suivre. Ils ont une petite vie clean et confortable, mais à un moment ils se disent " Merde ! La vie est trop courte ! ", et ils se mettent au vaudou et à la sorcellerie pour obtenir ce qu'ils veulent. Voilà le concept.
Et " Electric Six ", " Electric Demons " : c'est quoi cette obsession de l'électricité ?
S.J. : Well, c'est partout autour de nous. Regarde autour de toi, tout fonctionne à l'électricité !
D.V. : Tu vois, quand t'es dans une pièce et que les plombs sautent… Quelle est ta première réaction ? " Putain ! ! ! Qu'est-ce que je vais faire ? ! "… Qu'est-ce que tu vas faire ? Ton webzine, sans électricité, personne ne peut le lire…
C'est vrai !
D.V. : Yep. La moindre des choses qu'on pouvait faire, c'était d'écrire quelques chansons à ce sujet…
Mais vous pourriez aussi composer des chansons acoustiques.
S.J. : Je ne sais pas comment jouer de la guitare acoustique… Jamais été bon à ça…
3/ " Naked Pictures (of Your Mother) " : encore du cul. Ca vous inspire ?
D.V. : C'est évident. C'est ce qui nous fait carburer. Cette chanson parle de chantage. Un mec fait du chantage pour baiser une fille, en utilisant des photos nues de sa mère. Yeah !
Bande de pervers… C'est une histoire vraie ?
D.V. : Non, c'est purement fictionnel. Cela ne nous concerne pas ! C'est juste une histoire… On est des amuseurs publics : on enfile nos costumes pour raconter des histoires… Nous sommes…
S.J. : … Des raconteurs d'histoires en costumes.
D.V. : C'est ça. C'est ce que nous sommes !
N'empêche, vous avez l'air de vouloir communiquer à vos auditeurs une sorte d'adrénaline… sexuelle.
S.J. : J'espère bien ! C'est notre boulot. C'est la raison pour laquelle on est là. On est content de faire partager cette idée, surtout si elle peut servir à quelqu'un...
Pourquoi ne jouez-vous pas à poils, alors ?
S.J. : Aaaah, je ne pense pas que quelqu'un veuille vraiment nous voir ainsi… Et puis si on le faisait, les filles ne voudraient plus nous raccompagner… Cela n'aurait aucun sens !
D.V. : Le sexe, c'est plus de la suggestion que de l'exhibition.
C'est vrai. 4/ " Danger ! High Voltage " : est-ce qu'Electric Six est un groupe dangereux pour la musique, pour le bon goût ?
D.V. : Je ne pense pas que nous soyons dangereux : on est des gentils. C'est juste une chanson à propos…
S.T. : … de faire du blé !
D.V. : Yeah… Qui parle d'un braquage : celui des charts ! On l'a écrit avec l'objectif d'en faire un hit, et on a réussi. C'est aussi simple que ça.
De quand date-t-elle ?
D.V. : De dix ans, environ. Le riff date de cette époque, et les paroles de trois ans, puis on l'a enregistrée. On aurait pu la sortir directement, mais on voulait qu'elle mûrisse lentement ; c'est pour cette raison qu'on l'a d'abord refilée en vinyle à des DJ's. La sauce a pris assez vite ; et cela nous a permis de signer un contrat avec une maison de disques, qui l'a poussée pour qu'elle devienne un hit. C'était bien planifié !
Je vous ai découvert, comme beaucoup de gens, sur la compile des 2Many DJ's… On peut donc affirmer que c'est la Belgique qui a lancé votre carrière !
S.T. : Tu sais quoi ? C'est tout à fait vrai ! Je réfléchissais l'autre jour à notre liste de remerciements, et je me suis dit qu'on aurait dû remercier ces deux types pour nous avoir réservé une place sur leur compile ! Donc, merci à eux, et merci à la Belgique !
Ce John S. O'Leary crédité aux chœurs, c'est Jack White ?
D.V. : Le véritable nom de John S. O'Leary est John S. O'Leary. Un mécanicien de Cleveland qui a remporté notre concours sur Internet pour chanter sur " Danger ! High Voltage ", point barre. Je sais que beaucoup de gens pensent qu'il s'agit de Jack White, et tant mieux pour nous : on vendra plus de disques.
Un mécanicien ? !
D.V. : Yeah. Il a une femme, des enfants… Il ne nous parle plus.
Pourquoi donc ?
D.V. : Après avoir enregistré le morceau, on est tous allés manger, mais aucun d'entre nous n'avait de l'argent, alors on l'a obligé à payer l'addition… Il est un peu en colère… Pourtant, il aurait dû nous remercier pour l'honneur que nous lui avons fait !
Il ne reçoit aucunes royalties pour cette chanson ? Il chante dessus quand même !
D.V. : On a brûlé toutes les preuves. Nous ne sommes pas toujours fiers de ce que nous faisons, mais bon…
5/ " She's White " : " I was born a dancer in your disco fire " ? ! ? C'est une métaphore sexuelle ?
D.V. : Non : juste un hommage à nous-mêmes. Ce " Disco Fire ", c'est nous. Tu connais Steve Miller, " Some people call me the space cowboy " ? C'est la même idée : si on peut de temps en temps s'autocongratuler, pourquoi rater cette occasion ?
6/ " I Invented the Night " : êtes-vous les seigneurs de la nuit à Detroit ?
D.V. : Plutôt les " juges de la nuit " : on s'assied, on cogite et on évalue chaque nuit.
Euh… 7/ " Gay Bar " : " I've got something to put in you at the Gay Bar ", " Let's start a nuclear war at the Gay Bar "… Vous êtes homophiles ou quoi ?
D.V. : Nous sommes totalement homophiles. Je ne chante pas " Start a nuclear war " au sens propre, parce que si tu lâches une vraie bombe dans un bar gay, tu souffles avec toute la ville. Soyons sérieux : une guerre nucléaire ne pourrait se limiter au bar… C'est plutôt une chanson sur la confiance en soi, genre " Ce soir, je vais faire péter le dance-floor comme une bombe nucléaire ". Ca n'a rien à voir avec le fait de tuer des gens, mais avec le fait d'être le centre d'attraction de la soirée. Dans un bar gay.
8/ " Nuclear War ", " Fire ", " Electric ",… Tous ces termes vous ont posé problème pour la sortie de l'album ?
D.V. : On a dû postposer la sortie du single " Gay Bar " à cause des références à la guerre nucléaire. L'atmosphère générale, surtout en Amérique, était trop tendue, parano. Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été victimes de la censure…
C'est ridicule ! Que pensez-vous de votre président et de sa façon d'agir ?
S.J. : Kill Bush ! ! !
D.V. : Ici on peut le dire. Si on gueulait ça chez nous, on irait directement en prison !
J'ai lu que votre premier concert date de 1996, précisément le jour de l'anniversaire des bombardements à Hiroshima et Nagasaki. C'était délibéré ?
D.V. : Non. On s'en est rendu compte après.
Est-ce que par la suite, cet événement a eu une influence sur votre manière d'écrire vos textes ?
D.V. : C'est juste une affaire de coïncidences. On ne s'est pas assis en se disant : " Et si on faisait une chanson sur la guerre nucléaire ? ". Je pense que ça fait partie de l'" infini cosmique ", tu vois, c'est astrologique. Moi-même je suis verseau.
D'accord, mais cette question du nucléaire… Seriez-vous la réponse atomique à tous ces groupes minables qui squattent aujourd'hui nos ondes et nos écrans ?
S.J. : Je pense qu'il y a pas mal de bons groupes en ce moment, à l'exception de Good Charlotte… Mais on n'a rien à prouver, à personne. On essaie juste de faire du bon rock, sans vraiment se soucier des autres. La seule chose qu'on puisse essayer de changer, c'est nous-mêmes.
9/ " I'm the Bomb " : encore cette obsession pour ce qui pète ?
D.V. : Ici encore, c'est une chanson à propos de la confiance en soi. C'est une expression populaire en Amérique : " I'm the Bomb ! ". Ce n'est pas un commentaire politique ou quoi que ce soit. Le protagoniste de cette chanson dit juste : " Voilà mes qualités, ce que j'ai à vous offrir ", même si le type est un beau parleur.
10/ " Improper Dancing " : une référence à la politique sécuritaire de l'ex-maire de New York, Giuliani ?
D.V. : Non. C'est à la fois de la fiction et la réalité. L'idée nous est venue lorsqu'un ami à nous s'est fait jeter d'un night club miteux de Michigan pour " danse inappropriée ". Il était en train d'effrayer les gens sur le dance-floor… On a juste transposé cette histoire à New York, parce que c'est plus chaud, avec toutes ces jolies pépettes qui se trémoussent… Si à New York la moitié de la population dansait de manière " inappropriée ", imagine le délire ! Mais il n'y a rien de politique dans cette chanson.
Alors, Electric Six, c'est le groupe dont vous rêviez ?
D.V. : On fait la musique qu'on a envie de faire, mais je ne dirais pas qu'Electric Six est le groupe de nos rêves… Nous sommes tellement tarés que pour être dans le groupe de nos rêves, il faudrait qu'il incorpore plein de trucs qui n'existent même pas ! N'empêche, on est super heureux de pouvoir faire ce qu'on veut. Certaines de nos chansons ont plus de cinq ans d'âge, et souvent on nous demande si on n'en a pas marre de tout le temps les jouer, et la réponse est " non ". Là on a deux semaines de break promo, et je n'attends que de pouvoir remonter sur scène.
S.T. : Parfois on joue " Gay Bar ", et c'est comme si c'était la première fois ! C'est génial, parce que pris sous cet angle, on n'est pas prêt de s'emmerder !
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
En chœur : Yeah, Kill Bush ! ! ! (rires)
P.S. : Surge Joebot ne fait plus partie du groupe, tout comme Rock and Roll Indian et Disco. Ils ont été remplacés par Johnny Na$hinal, The Colonel et Frank Lloyd Bonaventure. Les raisons de ces démissions restent obscures : Dick aurait-il un ego démesuré, serait-ce une opération marketing pour attirer l'attention des médias et du public, Surge en aurait eu-t-il marre de jouer " Gay Bar ", se serait-il mis à la guitare acoustique, John S. O'Leary lui aurait-il pété la gueule après cette sombre histoire d'arnaque au resto ? Nous ne le serons sans doute jamais, c'est la loi du show-biz. Bon vent à toi Surge, et surtout, " Rock the clit while you still can " !