Depuis 4 ans, le célèbre festival barcelonais Primavera s’est doté d’une succursale à Porto. Et même si l’affiche est un peu moins riche que chez son rival historique, l’édition lusitanienne a plus d’un charme. A commencer par un accès facile à la ville, de nombreux vols charters, des transports en commun à profusion, et toujours une personne âgée prête à vous renseigner poliment.
Autre point fort : la configuration du site, au milieu d’un parc verdoyant, en bordure de mer. Et les terrains sont en pente. Ce qui permet de voir les concerts à distance.
En ce dernier jour du festival, le soleil radieux est (enfin) de la partie. Ce qui me pousse à me rendre à la plage, pour y entendre, d’un côté le bruit des vagues, et de l’autre, mais de loin, le soundcheck de Baxter Dury…
Au bout de quelques heures de farniente, je décide quand même d’assister à la fin du set de Baxter Dury. En fait, je l’avais déjà vu dans le cadre des PiaS Nites, pour un concert fort semblable. Et puis, mon retour sur le site est dicté par la présence de Thurston Moore qui joue dans le même timing, sur une plus petite scène (ATP). A une certaine époque, l’ex-leader de Sonic Youth affichait une attitude de shoegazer (NDR : pour les néophytes, il s’agit de musicos qui ont constamment les yeux rivés sur leurs chaussures ou leurs pédales de distorsion ; et par conséquent ils négligent de communiquer avec le public). A sein de son nouveau combo, il déborde d’énergie et de rage sur les planches. Ce qui fait plaisir à voir et à entendre. D’autant plus que son dernier opus, « The best day », figurait au sein de la plupart des tops 20 des collaborateurs de Musiczine, pour l’année 2014. Le set commence par le titre d’ouverture de l’elpee, « Speak to the Wild », un morceau tout simplement épatant (NDR : pour reprendre un terme cher à Marc Ysaye). Et les riffs de gratte illuminent « Detonation », alors que le soleil brille de mille feux. La foule commence enfin à s’emballer. En finale, « Ono soul » est une compo qu’on pourrait qualifier tout simplement de chef d’œuvre (NDR : Marc Ysaye, sors de mon corps !)
Au cours des dernières années, les grands festivals programment des vétérans à leur affiche. De manière à attirer des quadras voire des quinquagénaires. Einstürzende Neubauten a ainsi été invité. Et votre serviteur ne va pas s’en plaindre, lui qui se presse à l’Ancienne Belgique, tous les 5 ans, pour fêter leur anniversaire. Et bonne nouvelle, ce soir ils proposent une forme de ‘best of’ plutôt que de se focaliser sur « Lament », un concert que Musiczine avait d’ailleurs relaté (voir ici). Le band entame les hostilités par « The garden », un titre paru il y a près de 20 ans et qui figure sur l’LP « Ende Neu ». En ‘live’, il s’achève par des cris proférés par Blixa Bargeld. Un Blixa qui semble calme et serein (c’est déjà un bon signe). Le décor est planté. Tout au long de « Haus der Lüge » le multi-percussionniste N.U. Unruh se lance dans ses expérimentations industrielles. Et « Sabrina » de clore le spectacle tout en douceur ; moment choisi pour foncer vers le podium principal, Palco NOS.
Où se produit Damien Rice. L’Irlandais impressionne. Et pourtant, il est seul armé uniquement de sa guitare. Il domine parfaitement son sujet. Tant l’espace scénique que la plaine ! Le public est captivé par les longues ballades, qui servent régulièrement de bande originale pour films ou documentaires, comme « 9 crimes ». Et visionnaire, son titre de clôture, « The Blower’s daughter », est beau à pleurer, nous entraînant au cœur de contrées imaginaires. Le concert le plus émouvant de ce festival.
Ride, ce sont encore des ‘vieux de la vieille’. Après My Bloody Valentine et Slowdive, c’est au groupe d’Oxford qui a marqué le début des 90’s d’opérer son come-back en grande pompe. La prestation démarre en force par son hit « Leave Them All Behind », mais au fil du temps elle va perdre en intensité. Pour adopter un style épousé davantage au cours de la seconde moitiés des nineties. Le rôle d’Andy Bell (NDR : oui, oui, celui qui a milité au sein du dernier line up d’Oasis) y est alors prépondérant. En prenant le pouls de quelques inconditionnels, on apprend que le set accordé au Paradiso d’Amsterdam, quelques jours plus tôt, était bien plus percutant…
Après la ‘déconnade’ de Mac Demarco, place à celle de Dan Deacon (NDR : pas difficile, vu son nom !), le natif de Baltimore. Il maîtrise à la perfection une electro bordélique, déjantée, bidouillée et balayée de cafouillages vocaux. « Sheathed Wings » en est l’illustration parfaite.
Toutefois je ne m’attarde pas trop longtemps dans cette atmosphère délirante, car il serait dommage de manquer le show d’une autre découverte de ce festival, Ought. Fin 2014, le quatuor s’était illustré à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, lors d’un double concert partagé avec Vietcong (NDR : band qui se produisait d’ailleurs ici la veille). Sur la petite scène ATP, dont la programmation a définitivement surclassé toutes les autres ce samedi, le combo américain établi à Montréal va démontrer toute l’étendue de son talent. Une étoile filante au milieu de la nuit signée paradoxalement chez Constellation Record (NDR : label de référence fondé par Godspeed You! Black Emperor). Le titre de son elpee, « Ought : More Than Any Other Day », est tout à fait judicieux. Le ton et l’attitude résolument post-punk. Suffit de regarder le physique et d’écouter la voix du leader Tim Beeler, sorte de Mark E. Smith rajeuni, bien sûr. Mais tant le rythme que les grattes sont plus tranchantes, lorgnant davantage vers Fugazi voire Haymarket Riot. Tout en saupoudrant le tout d’une touche de pop contemporaine, à l’instar de Cage the Elephant. Un groupe à revoir le plus tôt possible et surtout à suivre de très près. Il est 3 heures du mat’, et l’heure du bilan de ce festival a sonné.
Et premier constat, la programmation était intéressante. 49 groupes ou artistes ont attiré 77 000 spectateurs sur trois jours. Ce qui demeure raisonnable par rapport aux autres grands festivals.
Et comme la comparaison avec le Primavera de Porto est inévitable, quels sont les plus et les moins par rapport au grand frère ?
Les plus : un prix plus démocratique, un site vert et en pente, une plus courte distance entre les scènes, des stands de nourriture variés.
Les moins : l’affiche moins dense (surtout le premier soir) et un public plutôt réservé ; ce qui a cependant permis d’écouter les concerts dans de bonnes conditions...