Friendly Fires est une formation britannique. Issue de St Albans, dans le Hertfordshire. Fin 2007, le groupe avait édité un single fort intéressant : "Paris". Depuis, le combo s’était enfermé dans son studio pour enregistrer son premier elpee. Un accouchement difficile. Et pour cause, non seulement les musiciens sont des perfectionnistes, mais ils ont voulu tout contrôler. Même la pochette. De passage à Bruxelles, Ed Macfarlane, Jack Savidge et Edd Gibsonnous se sont expliqués sur leur manière de concevoir l’enregistrement d’un album ; mais également, nous ont parlé de leur parcours accompli depuis maintenant un peu plus de deux ans…
Pour l’instant, vous vivez un peu un rêve éveillé, non? Je m’explique : vous êtes signé chez XL (Radiohead, The White Stripes, Adele), votre single “Paris” a été élu meilleur single par le Guardian et le NME, vous avez joué en première partie d’Interpol à Dublin et même Bono a été impressionné par votre performance. Cette situation vous est-elle tombée soudainement sur la tête ou est-elle le résultat d’une lente et longue progression ?
Ed : Je pense qu’elle est le fruit d’une progression constante. Nous avons commencé à composer vers l’âge de quatorze ans. Mais nous avons dû attendre des mois avant de pouvoir monter sur les planches des clubs locaux. Car, en général, ce sont souvent des groupes de reprises qui s’y produisent. Et, enfin, quand on a commencé à y jouer, il n’y avait qu’une trentaine de personnes pour assister à nos sets. No potes ! Mais on a recommencé l’expérience plusieurs fois. Jusqu’au moment où on a décroché quelques concerts à Londres. C’était, super, géant même. Nous partions cependant dans l’inconnu. Le public potentiel avait peut être écouté quelques chansons sur MySpace ; cependant, il se demandait surtout ce que nous avions dans le ventre. Mais ce parcours nous a permis de nous frayer un chemin jusqu’ici.
Jack : En fait, depuis que nous sommes devenus Friendly Fires, soit plus ou moins deux ans et demi, notre itinéraire a été graduel. Nous avons eu besoin de beaucoup de temps pour sortir un album. Un cheminement bien plus progressif que celui de la plupart des autres groupes. Aujourd’hui, dès qu’une formation manifeste un peu de potentiel, on tente de forcer les événements. Tout va alors trop vite. Nous n’avons jamais voulu accepter de marcher dans ce système.
Edd : On est plus à l’aise ainsi. On ne se sent pas lâché dans un rêve au sein duquel on ne maîtrise plus rien.
Ed : C’est clair. Au départ nous ne disposions que de deux bonnes chansons. Or nous voulions, au moins, en écrire une dizaine. Tu sais, de bonnes chansons, susceptibles de plaire au public
Oui, d’ailleurs j’ai lu que vous aviez passé des heures et des heures à enregistrer... (rires)
Ed : Ouais, on a vraiment pas mal de trucs qui sonnent bien. Mais, bon ce sont surtout des jams ; et si les lignes de basse sont vraiment chouettes, tu ne peux pas vraiment transformer ces morceaux en chansons pop.
Sans quoi, vivez-vous de votre musique ou exercez-vous d’autres jobs, en parallèle ?
Jack : Non, c’est notre job, pour l’instant on n’a que ça.
Ed : Qui a dit ça ?
Jack : C’est moi, Jack (rires)
Donc vous avez réussi votre pari, vu que vous ne vouliez pas bosser chez HMV ?
Ed : Oui ! HMV est un magasin de disques à St Albans. Notre plus grande crainte était de se taper un job de routine. Mais finalement les circonstances nous ont été favorables. On a eu de la chance, quoi…
Militez-vous au sein d’un seul groupe ou certains d’entre vous participent-ils à d’autres projets ?
Ed : Non ! D’abord l’écriture de cet album a exigé beaucoup de temps. Et puis on veut beaucoup tourner. Aussi, si on veut vraiment s’impliquer à fond, on ne peut pas se disperser. Pour nous, multiplier les projets est impossible. Du moins pour l’instant. Quand on aura rôdé tout ce gros travail dans le groupe, on pourra donc y penser ; mais pour l’instant, l’objectif qui focalise notre attention, c’est Friendly Fires .
Votre premier album sort début septembre. J’imagine que votre excitation est à son comble ?
Tous : Absolument !
Jack : Par contre, on y croira vraiment que lorsque nous pourrons tenir le boîtier et la pochette en mains. L’enregistrement physique, comme objet naturel. Pour l’instant il n’existe pas vraiment. Les fichiers PDF et le booklet sont ‘congelés’ dans un ordinateur.
Ed : Je serai vraiment content lorsqu’il sortira. C’est le résultat de deux ans de travail.
A ce sujet, vous déclarez, dans votre bio, que cet album est ‘le produit fini de deux ans d’inspiration, de frustrations, de dur labeur et de passion’. Voulez-vous préciser votre idée ?
Ed : Comme nous avons produit le disque nous-mêmes, dans notre garage, nous éprouvons un sentiment de frustration. A force de réécouter tes chansons, tu finis par conclure que tel ou tel passage aurait pu sonner un peu mieux. Si quelqu’un d’extérieur produit ton album, il débarque au studio pendant quelques heures. Il fait l’une ou l’autre prise, puis décrète qu’elle est bonne. Un producteur t’emballe des chansons pop en buvant son café. Pas nous ! En nous réservant personnellement cette tâche, nous avons voulu que le résultat soit le plus parfait possible. Nous sommes des perfectionnistes. En ce qui me concerne, j’ai passé un temps fou à écouter et réécouter ma propre voix. Mais je crois que cette méthode a fini par payer.
Edd : Parfois, on écrit des chansons de bonne facture. Mais pas assez valables à notre goût. Aussi, on bosse dessus pendant des heures, en espérant l’améliorer. Et finalement, on se rend compte qu’il est impossible de rectifier le tir. Aussi, on l’abandonne…
Vous enregistrez dans votre garage. Hormis une compo (NDR : "Jump In The Pool", produite par Paul Epworth), vous avez mis en forme l’intégralité de l’opus. Ce choix est-il dicté par une éthique DIY (Do It Yourself = Fais-le toi-même) ou est-ce plutôt une volonté de vouloir contrôler la moindre décision ?
Ed : Nos EPs et nos singles sont parus en édition limitée. Et nous nous étions chargés du design de la pochette. On a fait le choix de tout contrôler. Ainsi, tu risques moins de te faire ‘baiser’, si je puis m’exprimer de cette manière. Tu es responsable de tout. Finalement, l’artwork va aussi refléter ton identité en tant que groupe.
Jack : Nous avons une vision très particulière de notre création. Nous voulons tous être impliqués à tous les niveaux ; parce qu’il est vraiment fondamental de bien maîtriser les événements. De ne pas devoir accepter la manière de voir ou de penser d’une personne extérieure.
Ces choix étaient-ils partagés par votre label ou avez-vous ressenti de la résistance à cet égard ?
Ed : Totalement. Je crois qu’ils étaient derrière nous à 100%.
Jack : En même temps, lorsque le label est entré en jeu, nous avions déjà réalisé 70% de l’album. Maintenant, il est vrai que d’autres labels nous ont proposé de réenregistrer les pistes dans leur studio. Mais ce n’était pas dans notre projet. XL a accepté notre choix. Notre son. C’est la manière dont on perçoit les choses. Et ils ont marqué leur accord à ce sujet.
Edd : En fait, nous avions établi cette règle avant qu’un label ne se manifeste. Et certains concurrents on voulu changer la donne. Pas XL.
Ed : XL montre vraiment beaucoup de respect pour ses artistes. Il admet qu’ils puissent avoir une autre manière de travailler. De penser. Pourvu que le résultat soit à la hauteur.
Votre répertoire est assez éclectique. Quelles en sont les raisons ? Votre humeur du moment ? Une évolution de vos influences consécutives aux deux années nécessitées pour l’écriture et l’enregistrement du disque ou est-ce simplement un choix ?
Ed : Lorsqu’on écrit une chanson, il n’y a jamais de plan préétabli. Par exemple, quand on a composé « Paris », on aimait vraiment la rythmique. On a ajouté plein de mélodies ; et le résultat était probant. Nous étions satisfaits du résultat et nous étions prêts à reproduire la même recette. Mais finalement, à l’issue des sessions d’enregistrement, la chanson était totalement transformée. En fait, on a simplement commencé à jammer et quand on s’est arrêté, la compo n’était plus la même.
Jack : Je pense aussi qu’inconsciemment, personne ici ne veut repasser les plats.
Ed : En fait, je crois qu’on est incapables de répéter une bonne partie des morceaux qu’on a construits. J’espère que je me que je me fais bien comprendre.
Jack : Je pense tout à fait le contraire…
Ed : Bien sûr, on pourrait écrire un deuxième « Paris » ; mais quand on arrive en studio avec une chanson, elle est systématiquement modifiée par les jams. Et dans 99% des cas, le résultat final est différent.
Edd : Oui mais par contre, on peut facilement reprendre deux accords percutants comme base d’une chanson, et construire un truc distinct ensuite.
Ed : Personnellement j’écoute rarement un album de 45 minutes de bout en bout. Mais si quelqu’un est capable d’y parvenir de A à Z, il doit ressentir une drôle d’impression. Surtout si la musique est totalement linéaire. D’ailleurs je pense que la nôtre baigne dans un univers tout autre que celui de la house et de la dance, car elle fluctue constamment. Et comme tous les titres sonnent distinctement, tu es obligé de les écouter attentivement. Si c’est répétitif, au bout d’un certain moment, tu déconnectes et tu n’y prêtes plus guère attention.
J’évoquais tout à l’heure Bono qui avait été impressionné par votre performance. Estimez-vous que Friendly Fires est un groupe qui prend toute sa dimension en live ?
Ed : Oui ! Nous avons dû modifier certaines composantes pour les adapter à la formule ‘live’. En concert, nous sommes quatre ; et certaines partitions sont impossibles à recréer sur scène de manière totalement identique. Il y a la version studio et la version ‘live’. Je pense d’ailleurs que c’est positif. La version ‘live’ est beaucoup plus agressive, trashy, brute. Nous ne nous contentons pas d’interpréter le titre exactement comme sur le disque. Il reflète davantage l’esprit de nos 15 ou 16 ans. On y injecte toute notre énergie, toute notre détermination à remuer. On y met les guitares bien en avant. Bref, on cherche à rendre notre excitation très perceptible, parce que si un groupe est à fond dedans lors des concerts, c’est déjà 60% de gagné. C’est plus important que la perfection de la musique ou du son.
Edd : Donc au cours de toutes ces années, tu essayais seulement de bien paraître ? (rires)
Ed : Non, je ne dis pas qu’on essaye de bien paraître, mais je pense que cette attitude impulsive est très importante en ‘live’ ; parce que la plupart du temps, en concert, les retours sont quasi inexistants, et tu tentes désespérément de percevoir ce que tu joues. Aussi, si le groupe semble s’investir à fond dans son trip, le public va être beaucoup plus impressionné.
Donc on arrive à ma dernière question, plus bateau : quels sont vos projets pour l’année prochaine, hormis tourner pour promouvoir l’album ?
Jack : Nous n’avons pas beaucoup de choix pour l’instant. Nous sommes ‘bookés’ jusque fin octobre. Au moins !
Ed : Même décembre, si on tient compte de la tournée américaine et de quelques autres concerts... Sinon, on va se remettre à composer ; mais je crois qu’on va s’y consacrer lorsqu’on sera de retour en studio ; car sur la route on est dépendant d’un portable. Pas l’idéal ! Je veux dire que sur un ordinateur, tu te contentes d’enchaîner des sons ; et ce n’est pas la meilleure manière d’écrire des chansons. Il est toujours plus judicieux d’utiliser nos instruments pour accomplir cette tâche. Mais on verra plus tard…
Jack : Oui, plus tard. Enregistrons un album pour Noël...
Ed : Oui, un Christmas Album... (rires)