Cet album est une bombe atomique. Et ce n'est pas juste pour raconter une plaisanterie qui se réfère au hit « Euroshima »... Conçu comme un hommage à Snowy Red, le groupe belge légendaire des années 80 mené par Micky Mike (NDR : disparu trop tôt, en 2009), il est beaucoup plus qu'un simple album hommage. Il s'agit même d’une anthologie de la meilleure musique 'minimal wave'... du XXIème siècle! Pourquoi? Parce que Michael Thiel, alias Weyrd Son, le fils de Micky Mike (NDR : il publie cet album à travers son nouveau label, Weyrd Son Records), a choisi des jeunes artistes à travers le monde entier, pour interpréter les chansons de son père. Aucune trace ici de vétérans issus des 80’s qui auraient pu revendiquer le droit de proposer leurs versions. Au contraire, figurent ici une incroyable sélection de petits groupes alternatifs prometteurs, qui ont accepté avec enthousiasme de participer à ce projet unique. Le titre de l'album, "_ever Alive" l'explique clairement : il s'agit du morceau de Snowy Red, "Never Alive", qui a été adapté pour montrer que cette nouvelle génération est bien vivante aujourd'hui.
Nous avons eu l'occasion d'écouter les chansons quelques jours avant la sortie réelle de ce double album et nous avons été surpris par sa qualité globale. Les 17 titres sont en général assez fidèles aux chansons d'origine, mais à chaque fois, on reconnait parfaitement le style des interprètes. C'est surprenant mais en même temps, logique : la musique new-wave de Snowy Red, caractérisée par ses synthés minimaux, son chant répétitif et ses atmosphères industrielles hypnotiques, a inspiré la plupart des formations présentes sur cette compilation.
Pour acheter le double album :
sur BigCartel : http://weyrdsonrecords.bigcartel.com/product/_ever-alive-a-tribute-to-snowy-red
sur Bandcamp : http://weyrdsonrecords.bandcamp.com/
Examinons chaque piste une à une :
L'album commence par un court extrait de la mouture originale du « Never Alive » de Snowy Red ; mais soudainement, le son est déformé et cède le relais à la version de Bestial Mouths. La formation de Los Angeles, réunissant Lynette Cerezo et Christopher Myrick, a mis son empreinte synth-punk sur la chanson et le résultat est progressif, apocalyptique et très 'witchy'.
// TENSE // est un autre combo américain, originaire de Houston. Il a malheureusement splitté, il y a quelques mois. Shari Mari a décidé de tenter une nouvelle aventure, à travers BOAN. Sur cette plage, Robert Lane communique une couleur EBM, très 'Suicide', à « Deep Desire », grâce aux effets opérés sur la voix et à l'atmosphère chaude et humide baignant cette piste. Sa marque de fabrique !
Restons aux Etats-Unis auprès de Strange Powers, le projet de Josh Powers. Originaire de Denver, Powers tisse une toile macabre pour envelopper « Sinkin 'Down » et le résultat emprunte une coloration très 'dark'!
Scorpion Violente adapte le plus grand hit de Snowy Red, « Euroshima (Wardance) ». Le son est minimal, un peu crasseux et très sexuel. Un rituel pour cette formation synth-punk issu de Metz, en France. On se croirait dans une boite SM, à l’écoute de trance psychédélique : un grand moment!
La seconde face du premier disque s’ouvre dans un climat totalement différent. Cold-wave, éthéré et romantique. La chanteuse italienne Valentina Mushy y attaque « Baby Tonight » et on a vraiment l'impression que la compo est issue de son répertoire. Joli!
Violet Tremors est un autre duo qui s’est malheureusement séparé, voici peu. Leur enregistrement de « It's So Good » est incroyable. Sonorités de synthé vintage, beat puissant et voix féminines dominatrices : Jessica White et Lorene Simpson ont un feeling très sensuel et on le ressent !
Place ensuite à la version du « Nowhere » par Mirror Mirror, un duo new-yorkais composé de David Riley et Ryan Lucero. Elle est très proche de l'originale et c'est une tuerie pour le dancefloor. Regardez la vidéo là
Adapté par Meddicine, « The Long Run » marque une rupture complète. Cette artiste anglaise est en effet spécialisée dans les musiques fracturées pop-noise et les paysages sonores industriels. Alimentée par de vieux sons de synthé et entretenue par sa voix envoûtante et mystérieuse, l'atmosphère est lancinante. Un morceau très expérimental, mais passionnant!
Signé Micky Mike, Carol et Boubou, « Breakdown » est devenu un énorme hit new-beat pour Snowy Red. Il est repris par Nové Mura, le projet solo de Lawrence Pearce. Installé à Los Angeles, ce musicien a également joué chez // TENSE //. Caractérisé par son beat puissant et son énorme riff de basse, cette version est solide. Jessy Champagne (Jewels of the Nile) se charge des backing vocals féminins. Pour info, elle vient de créer un nouveau projet en compagnie de l’ex-// TENSE //, Robert Lane.
La deuxième plaque débute par une cover d’« Euroshima (Wardance) » signée Revelator, le projet solo de Ben Chisholm, le partenaire de Chelsea Wolfe. Par rapport à celle de Scorpion Violente, le morceau est plus ambient, orienté electronica ; et les sonorités sont chatoyantes. Freddy Ruppert (Former Ghosts) se charge des vocaux. Regardez la vidéo de cette chanson ici
La relecture de « Lies In Your Eyes » par Animal Bodies est un hit potentiel ! Le rythme ensorcèle instantanément grâce à une ligne de basse séquencée et un beat très accrocheur. L’empreinte du groupe canadien (Vancouver) procède de ses riffs de guitare stridents et des vocaux imposants. Perso, il s’agit clairement de la meilleure plage de l'opus. Écoutez-la sur Bandcamp là
Newclear Waves, c’est le projet d'Alessandro Adriani (Mannequin Records). Il nous réserve une version technoïde et hypnotique de « Blood Blood Blood ». Quasi enfantine, la petite mélodie est issue de la plume de Micky Mike. Elle est ici exécutée sur un ton beaucoup plus bas, de manière à procurer une sensation complètement différente, plus menaçante, plus énigmatique.
Curieusement, Safyée, aka Alice Thiel, la fille de Micky Mike, est la seule artiste belge qui participe à ce ‘tribute’. Il s’agit, en outre, de la première sortie officielle de Safyée, également impliquée chez Simi Nah. Pour cette cover, elle est soutenue par Scuzzy, musicien et producteur au sein de Simi Nah. Une affaire de famille ! Et le résultat libère une fameuse dose d’énergie. Le son est énorme et concède des accents EBM, alors que Safyée démontre tout son talent de vocaliste…
Combo new-yorkais, Led Er Est est un des fers de lance de la scène minimal wave. Il affronte la première plage de la face quatre. Lumineuse, leur pop colle parfaitement à « A Picture ». Tous les ingrédients inhérents au combo étasunien sont bien présents : boîtes à rythmes vintage et voix languissante de Samuel kK, proche de Robert Smith.
Bright Future nous livre une version différente de « Breakdown ». Etabli à Brooklyn, ce combo est drivé par le chanteur/guitariste/producteur Frank Midnite. Midnite a ralenti le rythme et a transformé le hit new-beat en une bande-son très lo-fi, filmique, parsemée d'échantillons et d'extraits sonores. Étrange mais intéressant...
Marburg est un des concepts imaginé par un collectif artistique résidant en Pologne, Ebola Collective. Il revendique une éthique DIY (Do It Yourself), et cette vision est flagrante tout au long de cette version, très expérimentale, de « Nowhere », sur laquelle plane des voix qui font penser à des enfants en colère. Regardez la vidéo de cette chanson ici
L'album se referme joliment par une longue reprise (plus de 7 minutes) de « So Low ». S’y colle, la formation californienne (Los Angeles) Deathday, un ensemble dirigé par les frangins Alex et Giovanni Guillén. La piste trempe dans une atmosphère 100% psyché/shoegaze et la voix est carrément ‘floydienne’. A mi-parcours, la compo monte en crescendo, et atteint son paroxysme noisy, en bout de course. De toute beauté!
Notons que l'album est habillé d’une très belle pochette noire. La photo est signée par l'artiste new-yorkaise Betsy VanLangen. L'album est disponible en version vinyle uniquement : 2x12" (180gr) gris / édition limitée à 500 exemplaires numérotés à la main. Les 125 premiers exemplaires sont enrichis d’un poster. Mastering réalisé par Scuzzy (Simi Nah) à l'AtOMiC Studio à Ostende, en Belgique.
En un mot: un très beau double opus, et un véritable 'must-have' pour tous les amoureux de la new-wave et de la minimal wave.