‘J'aspirai l'air un long moment, je flairai la musique sanglante et bariolée (…). La partie lyrique du morceau était sucrée, graisseuse, dégoulinante de sentimentalité ; l'autre était sauvage, extravagante, puissante, et toutes les deux, pourtant, s'unissaient naïvement et paisiblement et formaient un tout. C'était une musique de décadence, il devrait y en avoir eu de pareille dans la Rome des derniers empereurs. Comparée à Bach, à Mozart, à la musique enfin, elle n'était, bien entendu, qu'une saleté, mais tout notre art, toute notre pensée, toute notre civilisation artificielle, ne l'étaient-ils pas, dès qu'on les comparait à la culture véritable ? (Herman Hesse, Le Loup des Steppes, Le Livre de Poche, p.38).’
Qu'on le considère comme de l'art ou comme du commerce, l'histoire du rock - pleine de fric et d'innocence, de mauvais goût et de flamboyance, de ridicule et de sublime (pour ne rien dire du sexe, de la violence et des costumes de soie rose) - n'est rien d'autre que le reflet déformé du rêve américain dans un miroir de Luna Park " (Nick Tosches, Héros Oubliés du Rock'n'Roll, p.21). Déjà en 55, Elvis, qui inaugure cette triple compile par " A Little Less Conversation (pas le remix couillon de Junkie XL), était persuadé que cette musique serait " là pour un bout de temps, à moins de trouver quelque chose de très fort pour le remplacer " (Alain Dister, L'Age du Rock, deuxième couverture). Presque 40 ans plus tard, le rock est toujours là, et en grande forme. Cette compile rend hommage à tous ces artistes aujourd'hui inscrits au panthéon d'un genre qui ne cesse de renaître et de gueuler sa jeunesse éternelle : Elvis Presley, Carl Perkins, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Little Richard, Eddy Cochran, Bill Haley, Gene Vincent, Buddy Holly, Fats Domino, Vince Taylor, Roy Orbison, Wanda Jackson, Bo Didley, Louis Jordan,… Ils sont tous là, et à les entendre on se dit que le rock a encore de bien beaux jours devant lui, parce que tous ces hits d'un autre âge, avouons-le, suintent encore la colère et le sexe, et n'ont pas à rougir face aux tubes FM de notre époque décatie. Le rock'n'roll ? Même pas mort !