Richard Chalk est le boss du label Topcat. Une écurie établie à Dallas très exactement, qui nous propose une nouvelle aventure du Lone Star State, c’est-à-dire un concentré d’artistes et de groupes qui se nourrissent aux savoureuses guitares texanes. Pour concocter ce « Cliffhanger Project », il s'est tourné vers une bourgade proche de Dallas, sise au sud de la rivière Trinity, en l’occurrence la riche communauté musicale d’Oak Cliff. C'est d'ailleurs de cette cité que sont originaires Ray Wylie Hubbard, Jimmie et Stevie Ray Vaughan. Mais pour la circonstance, il a choisi des gratteurs locaux, dont la plupart sont d’illustres inconnus. Ils se partagent les treize plages.
Rocky Athas est certainement le moins méconnu. Il est, en effet, sixcordiste chez le Blues Breakers de John Mayall. Cet ancien compagnon de classe de Stevie Ray a également longtemps milité au sein de Black Oak Arkansas. Il participe à quatre plages de ce recueil. Et tout d’abord "Texas girl", une ouverture saignante caractérisée par la guitare, dont il torture et écrase les sonorités à l’aide de ses pédales, dans un style proche de Vaughan. Et c’est son pote, Larry Samford, qui se charge des vocaux. La même équipe est reconduite pour attaquer "I'm tired", probablement la meilleure compo de Chris Youlden, personnage longiligne qui était préposé au chant, chez le Savoy Brown de la grande époque. Le travail de Rocky sur les cordes est grandiose. Ensuite, lors de la plage instrumentale, "Another day, another time". Enfin, Athas et Jimmy Wallace se partagent les cordes lors d’un autre instru, dont le titre correspond parfaitement au projet : "Oak Cliff Guitar Boogie".
A l’instar de Jerry Don Branch et Robert Ware, Wallace a sévi chez les Stratoblasters. Ils sont ici réunis pour la reprise de "The score", écrit par un certain Willie Dixon. Un excellent slow blues, chargé d'intensité dramatique. Un pur Texas blues au cours duquel les deux guitares s’emballent littéralement. Assez proche de celle de Billy Gibbons du ZZ Top, la voix de Branch est également percutante. La même équipe participe à la finale, en l’occurrence une merveilleuse reprise du "People get ready" de Curtis Mayfield. Les Stratoblasters, c'était le backing band de Bugs Henderson, un des grands gratteurs de Dallas. Et Bugs avait autorisé Wallace de reprendre le patronyme. Jimmy est aussi le patron du Dallas International Guitar Festival. A l'affiche de l’édition 2010, figuraient notamment Mike Morgan, Smokin' Joe Kubek, Buddy Whittington, Bugs Henderson, Denny Freeman, Rick Derringer, Neal Schon et Ted Nugent (NDR : ouf !)
Particulièrement doué à la slide, Christian Brooks drive son propre band, un combo aussi à l’aise dans l’univers du blues, southern rock, boogie, cajun ou honky tonk. Il interprète ici son "What's it gonna be?"
Russell Stonecypher n’est guère notoire. Il adapte le "Big legs, tight skirt" de John Lee Hooker. Sa slide transperce ce boogie très dynamique, mais sa voix est plutôt quelconque. Il enchaîne par le "She's got a ring in his nose and a ring in her hand" de Chris Youlden, et enfin, le standard "Take out some insurance" de Jimmy Reed.
Mike Jeffrey et Mike McCullough sont tout aussi anonymes. Ce qui ne les empêche pas de se révéler de talentueux musiciens. Ils se fendent d’une cover du "The nazz are blue" des Yardbirds époque Jeff Beck, un blues rock primaire et offensif. Mais c’est lorsque Jeffrey est aux commandes que le duo se montre le plus percutant. A l’instar de son "Only lonely", une douce ballade séduisante, parcourue par des accords de guitare en picking, mais au relief country.
Enfin, épaulé par Larry Samford au chant, David Brown maîtrise parfaitement sa cover du "Dimples" de John Lee Hooker.
Une œuvre truffée de toutes bonnes guitares texanes et qui a bénéficié de la production soignée de Robert Ware, le bassiste omniprésent du Cliffhanger Project!