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Blonde Redhead

Vole papillon, vole

Comme c'est étrange… Blonde Redhead, trio nerveux qu'on croyait coincé à la case noisy-rock, se voit pousser des ailes dans le dos et s'amuse à butiner sur les terres plus fertiles de la pop de chambre, le temps d'un nouvel album, l'épatant " Misery is a Butterfly ". Que s'est-il donc passé dans la tête de ces abonnés du riff tendu et du cri primal, alors que dehors s'agitent encore pas mal de jeunes détraqués, pour qui les Stooges et PIL semblent être l'issue de secours ?

" C'était quelque chose qu'on a toujours voulu faire ", s'exclame Kazu, cernée par la fatigue après d'incessantes interviews. " Un album avec de beaux arrangements, et plus de synthés ". On a beau chercher, on se demande en effet où sont passées les guitares, autrefois synonymes chez le groupe de colère et de rage. Le temps les aurait-il eues à l'usure ? " En fait elles sont là, mais elles sont bien cachées ! ", s'amuse la Japonaise. " Elles ressortent moins parce qu'elles sont davantage mixées aux autres instruments, surtout aux synthés ", confirme Amadeo, un des jumeaux, celui qui chante et qui joue de la… guitare, justement. Le synthé, donc, toute une histoire, qui nous rappelle parfois celle de Melody Nelson : " On adore Serge Gainsbourg ", répond d'ailleurs Amadeo, stoïque. Gainsbourg, Legrand, et même Bucharach, tant qu'on y est : pour la première fois, la musique de Blonde Redhead prend des allures de bande-son onirique d'un film couleur sépia, dont le scénario met en scène l'histoire d'un trio d'amis qui décide de changer de vie et d'apparence parce qu'il est dans l'impasse. 'Je t'aime moi non plus'? Sans doute, mais c'est encore ainsi qu'on les préfère : dans l'intimité de douces mélodies, au détour d'une pulsation érotique, à l'ombre d'un clavecin élégiaque, soupirant d'aise malgré leur passé tumultueux d'adolescents mal dans leur peau. Comme une chenille qui brise l'écorce brunâtre de sa chrysalide pour devenir papillon majestueux, Blonde Redhead a terminé sa mue, et vole maintenant haut dans la stratosphère, bien au-dessus de la mêlée. Comme l'explique si bien Kazu, de sa voix mutine, " Personne n'attend rien d'une chenille, mais beaucoup d'un papillon ".

On n'en attendait pas tant de Blonde Redhead, qui jusqu'ici ne nous avait jamais vraiment offert l'album parfait… D'autant que l'enregistrement de ce disque ne fut pas une sinécure : " Cela fait plus d'un an qu'on avait terminé l'album, mais on a eu pas mal de complications, explique Amadeo. D'abord notre producteur a perdu sa mère, ce qui fait qu'on a tout postposé, puis une fois de retour en studio, Kazu s'est cassée la mâchoire. Cerise sur le gâteau : on s'est fait éjecter de notre local de répétition, parce qu'à New York on n'aime pas trop avoir comme voisins des musiciens… ". Il en faut pourtant plus à Blonde Redhead pour se laisser abattre : au contraire tous ces tracas auront renforcé leur volonté de se renouveler et de tourner la page, d'où leur arrivée chez 4AD, label culte des Cocteau Twins et des Pixies. " Après tous ces problèmes, on avait vraiment envie de bouger, de prendre un nouveau départ. Au fond de nous, on ressentait un besoin de changement…", raconte Amadeo. "Changer de label, c'était pour nous une façon de changer d'air, de repartir à zéro. C'est comme quand tu ne te sens plus bien chez toi et que tu déménages, pas seulement pour changer de cadre de vie mais de vie tout court ".

Et il est vrai que la réputation vaporeuse du label anglais sied bien aux nouvelles aventures du trio new-yorkais, qui semble trouver ces ambiances surannées des plus confortables. Avec 'Misery is a Butterfly', Blonde Redhead vient d'accoucher d'un album splendide, chargé d'enivrantes émotions et de gracieuses mélodies. On dit souvent que les papillons ne vivent qu'un an, voire moins… Blonde Redhead devrait pourtant sans mal résister aux dommages du temps, grâce à ce disque hors modes, d'une beauté captivante.

Blonde Redhead

Amour et simulation…

Blonde Redhead est un trio new-yorkais réunissant les frères jumeaux Amadeo (guitariste/chant) et Simone (batterie/chant) Pace, ainsi que Kazu Makino (chant/guitare rythmique). Fondée en 1993, la formation a longtemps été comparée à Sonic Youth, avant d’emprunter, progressivement, un style plus personnel. Ce sont les frangins qui se sont prêtés à l’exercice de l’interview, en particulier pour nous parler de leur dernier album en date, « Fake can be just as Good », un disque épanoui et enfin affranchi.

Amadeo : Quand nous écrivons ou jouons ensemble, nous explorons énormément d’idées consciemment et inconsciemment. A nous trois, dans Blonde Redhead, nous partageons une sorte de conscience commune qui ne se développe pas seulement quand nous nous produisons, aussi quand nous sortons ensemble que ce soit chez des amis, au cinéma ou au théâtre...

Blonde Redhead appartient-t-il à une scène musicale précise ou bien vous considérez-vous plutôt comme hors de tout mouvement ?

Simone : On se considère plutôt comme des indépendants. En tout cas par rapport à la scène de New-York. Nous nous sentons bien plus proches de ce qui se passe à Chicago, point de chute de notre label Touch and Go. Et plus à Washington DC.
A :
Nous entretenons une véritable relation d’amitié avec Fugazi (Guy Picciotto a notamment travaillé pour eux, lors de l’enregistrement d’un single). Il existe une sorte de communauté, on s'invite les uns les autres soit pour un repas, pour une fête ou pour simplement boire un verre. L’esprit est très différent de celui de NY, où les gens sont frileux, ont peur d'approfondir les rapports humains, comme s'ils craignaient toujours d'y perdre quelque chose.

De la Sicile A New York

La tension constamment présente dans votre musique reflète-t-elle cette difficulté de rencontrer les New-yorkais ou l'expression du choc que vous avez dû ressentir quand à 13 ans vous avez débarqué aux USA?

A : Le moins qu'on puisse dire est que New- York et la Sicile sont vraiment deux endroits différents ou vivent deux sociétés très distinctes. Au niveau des valeurs, il n'existe aucune similitude. Les Américains ne sont pas aussi chaleureux, la famille n'existe quasi plus aux USA, les parents ‘s'en foutent’ et laissent leurs enfants seuls. La chose est inimaginable en Italie.
S :
Plus généralement, les Européens manifestent plus d'excitation à vivre, ils n'ont pas peur d'exprimer leurs sentiments, leurs émotions... Mais on ne peut contester l'énorme sentiment de liberté qu'on respire aux States, dès qu'on y débarque. C'est pourquoi, entre autres, que Kazu (elle nous le confirmera plus tard dans la journée), qui est arrivée aux States il y a 9 ans, s'y sent tellement bien. Elle aspirait à cette liberté après avoir souffert du sexisme japonais. Aux States, elle se sent l'égale à tous, acceptée par tous. Au Japon, la société est déjà très dure pour les femmes en général, alors pour celles qui tentent de jouer du punk rock, c'est presque invivable!

De qui est la phrase reprise dans le livret du CD : ‘I love exactly everyone the same amount’ ?

A : Elle est de Vern, le bassiste d’Unwound, qui a enregistré l'album avec nous. Il est très modeste et très honnête. Si on y réfléchit, on peut voir cette phrase comme très positive mais le contraire est vrai également, puisqu'il est impossible d'aimer exactement tout le monde de la même manière, à moins justement de simuler (‘fake’).
S :
Grandir, c'est un peu ça, c'est apprendre à faire semblant, à simuler. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce sont les enfants qui sont les plus honnêtes. Pour en revenir au titre « Fake can be just as Good », c’est un extrait du morceau « Bipolar », écrit par Kazu. Elle y exprime la sensation que si on aime réellement un être, on peut accepter que celui-ci puisse seulement faire semblant en retour.
A :
Dans un certain sens, nous aussi sommes occupés de simuler aux Etats-Unis, car nous n’appartenons pas réellement à la société US. Nous ne sommes pas des Américains dans l'âme. C'est comme si nous commencions à jouer du jazz. Nous aimons beaucoup ce style, mais nous ne pourrions jamais que faire semblant d'en jouer. Notre musique, ce n'est pas du jazz, c'est du punk rock.

Deux titres de l'album, « Pier Paolo » et « Futurism vs Passeism » se réfèrent à deux grands noms de la culture italienne du XXème siècle.

A : Nous avons lu les livres de Marinetti (auteur du manifeste pour une littérature futuriste en 1909). Il y a de bonnes idées. En ce qui concerne Pasolini, nous avons vu presque tous ses films. C'est quelqu'un que nous respectons. Sa démarche est honnête, très réaliste aussi ; c'est un professeur pour nous.
S :
Son génie réside dans la manière de concilier les extrêmes : l'amour et la haine, la beauté et la laideur, le silence et le son... Nous aussi, nous essayons de définir les extrêmes, en passant du bruit à la mélodie, de la mélodie au bruit.

(Article paru dans le n°57 du magazine Mofo d’octobre 1997)