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Cali

La vie n'est pas une caisse d'épargne !

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À mi-chemin entre chanson française et rock, Cali revendique depuis toujours une position d'artiste concerné par les problèmes de la société et du monde et n'hésite pas à s’investir publiquement.

Véritable touche-à-tout, Cali multiplie ses engagements, tant dans l’univers du théâtre, de la poésie, de la littérature que, bien sûr, de la musique.

« Ces jours qu’on a presque oubliés », son nouvel opus, paraît ce 14 octobre 2022 ».

Tout au long de ce nouvel elpee, le troubadour de la chanson française s’expose encore un peu plus en opérant une véritable mise à nu.

Humaniste, mais surtout profondément humain, Cali se confesse avec une sincérité désarmante tout en affichant un bel élan d’empathie.

Il cause finalement de ce qu’il connaît au fond le mieux : lui-même.

Sur ce disque, tu relates des moments forts vécus en compagnie d’êtres chers ; des femmes essentiellement, parties, quittées, envolées. Signaler leur disparition est-il le meilleur moyen de les garder auprès de soi ?

Mon prochain album parle de la disparition des femmes ? Ah bon, je ne sais pas trop... (rires). Elles ne peuvent pas partir ! Tu sais, j'ai perdu ma maman à l'âge de six ans. Pourtant, je lui parle tous les jours. Je lui raconte ce qu'elle n'a pas vécu. Elle est avec moi tout le temps. Même chose en ce qui concerne mon papa. Plus on avance dans l'âge et plus les proches disparaissent. J’ai l'impression que ce sont des anges. Ils sont toujours là, autour de nous, même si nous n'en avons pas conscience. Je ressens le besoin de l’extérioriser, que ce soit dans les bouquins ou dans les chansons.

Mais pour avancer, ne vaut-il pas mieux déchirer la page que de la tourner ?

Non, c'est une erreur ! Les enfants sont toujours là ! Ce sont eux qui tirent le chariot. Il ne faut jamais oublier ce que ces personnes ont laissé. Jamais, je n'oublierai le profond respect qu'avait mon père pour les êtres humains. Je me souviens que lorsqu'il dessinait des maisons derrière son bureau, des gens venaient le voir parce qu'ils étaient dans l’incapacité d’écrire. Il lui arrivait parfois de rédiger des lettres d'amour. Il voulait les protéger tout simplement. Je considère, quelque part, que c'est lui qui m'a montré le chemin. Je reste persuadé que le plus intéressant et le plus important, c'est de tenir la main des êtres humains et d'avancer tous ensemble. Je n'ai pas beaucoup connu ma maman. Mais je sais juste, en regardant sa photo, que c'est elle qui me donne l'envie de sourire aux autres. Tu sais, plus le temps passe et plus j'y pense. Quand on plonge dans l'enfance ou l’adolescence, on se remémore ces moments d'une intensité rare où la vie était devant nous auprès de ces femmes et de ces hommes dont la mission consistait à nous protéger. Lorsque je me réfugie dans ces souvenirs, je me sens préservé. Aujourd'hui, le monde est devenu tellement difficile à cause de ces sacs de chagrin et toutes ces guerres. Quand on était innocent, le cœur disait ses vérités. J'essaie parfois d'aller les chercher. Je ne veux rien effacer

En amour, lorsqu’on se quitte, la plupart des ex sont persuadés avoir perdu du temps en compagnie de cette personne. Et si l’on partait plutôt du principe, qu’au contraire, c’est gagner du temps sur la vie parce que chaque rupture permet d’avoir une angulaire précise et d’affiner ses postulats ?

Purée, j'aime cette réflexion ! Oui, je partage totalement ton point de vue ! Parfois, quand ça va trop bien, j'ai la fâcheuse tendance à me tirer des balles dans le pied. Les blessures permettent aussi de se poser. Je crois que c’est en tout cas la position à adopter en ces circonstances.

Il y chez toi cette volonté de ne jamais abdiquer et de s’enivrer par et dans l’amour et ce malgré ces années qui passent. L’amour est-il le seul intérêt de la vie ?

Oui, bien sûr ! Inconsciemment, j'écris des chansons qui plaisent aux gens. Elles me permettent aussi de tourner. Mais composer, c’est égoïstement prendre du temps pour soi et soigner ses propres blessures. Ce n'est que de l'amour. Que l’on aime ou que l’on soit aimé, il existe cette petite étincelle. Le mal du siècle, c'est la solitude. Quand personne ne t'aime, tu deviens un fantôme qui ne sert à rien. Tu sais, on vit, on meurt. On s'en fout. La vie n'est pas une caisse d'épargne !

L'amour se consomme et se consume aussi...

Oui, tu as raison, l'amour se consomme et se consume. L'amour, c'est comme un cheval, il traverse notre destin, sans savoir où l'on va. Mais, un jour ou l’autre, il faut lui donner à boire. L'amour, c'est pareil, il faut le nourrir. Vivre cette vie magnifique appartient à mes contradictions et mes difficultés. Je ne peux pas être à mille pour cent ni avec l'être aimé, ni les êtres aimés. J’en déduis que l'amour s'en va, mais lorsque je reviens, il revient. Mais quand je ne suis pas là, il n'est pas là non plus.

Les individus heureux en amour perçoivent-ils le sens de tes chansons ?

Je n'en sais trop rien ! Je crois qu’ils comprennent mes chansons, car il ne s'agit pas de philosophie. J'aime l'idée d'attraper des mots qui m'arrachent le ventre. Ces mots ne sont pas les plus compliqués. Me font-ils du mal ou du bien ? Je pense qu’ils peuvent faire du mal ou du bien aux personnes qui sont à mes côtés. Et puis surtout ce que je vis, d’autres le vivent tous les jours en rencontrant des situations différentes. Certains me témoignent d’événements incroyables et vont percevoir dans mes chansons un contenu que je n’aborde même pas moi-même.

J'ai eu la chance de pouvoir écouter ton dernier opus et j’ai l’impression que l’acoustique permet de s’approprier et d’exprimer au mieux cette intimité...

Je partage entièrement ton avis ! Je me suis réveillé un matin, chez moi, avec un tas de chansons. Je suis un très mauvais technicien, alors je dépose mon téléphone, j'allume le dictaphone, je joue du piano et de la guitare et j'y pose ma voix. J'enregistre en compagnie de Julien Lebart, un ami de longue date et un pianiste hors pair, qui a réalisé le disque avec moi. J'adore ce gars, il m'accompagne depuis le début. Il n'est pas présent aujourd'hui. Je n'ai pas envie d’accepter la musique que l'on me propose si elle ne me ressemble pas. Ce matin, j'ai écouté Johnny Cash, Bruce Springsteen (« Nebraska ») ou encore Bob Dylan. J'aimerais que le prochain Cali ressemble à ça. Pour ce disque, j'ai placé le micro à 1m50, j'ai pris l'harmonica et ma guitare. On a fait une prise. Steve Wickham des Waterboys (NDLR : en 2006, Cali était monté sur scène lors du rappel accordé par la bande à Mike Scott, à l’Ancienne Belgique – à lire ou à relire ) est venu y ajouter son violon magique. Un autre ami, de la guitare flamenco. Parfois, il y a de la contrebasse aussi. Le résultat oscille entre des chansons guitare-voix et violon-guitare-voix. Ce que je souhaitais exprimer à travers ce disque, je le murmure encore un peu plus ici. Nous allons bientôt fêter les 20 ans de la sortie de mon premier album, « L'amour parfait ». A côté de cette tournée, une autre s'intitule ‘Ne faites jamais confiance à un cowboy’. Je suis seul sur scène avec ma guitare. Dommage que ce soir, mon groupe et moi n'ayons pas le temps, sinon nous aurions interprété quelques compos. Mes amis sont très rock. Ils ont arrangé les morceaux différemment pour pouvoir être interprétées sur un banc à l’aide d’une guitare.

Tu as enregistré ces chansons en prise unique. Cette méthode te permet-elle d’accentuer le volet authentique ?

J'ose espérer que ceux qui empilent les choses le font de manière authentique ! Quand tu as des mots et une mélodie, deux choses l’une : soit tu habilles le tout pour aller au bal ou tu préfères la nuisette pour aller au lit. La différence se situe à ce niveau ! Perso, je préfère la petite robe de mariée en lin, avec la couronne sur la tête, dans la forêt en Irlande. C'est ce que j'ai fait de mes chansons (rires).

J’ai l’impression d’être en présence un homme différent de celui que j'écoute, plein de nostalgie et d’amertume, et de celui qui prend un malin plaisir en s’appropriant la scène.

Je ne suis pas d’accord avec toi en ce qui concerne l’amertume. Je n’en veux à personne et je ne suis pas aigri ! Vraiment, je ne me reconnais pas dans cette description ! Tu sais, dans la vraie vie, je suis quelqu'un de pétillant. On ne le voit pas forcément ici parce que je viens juste de me réveiller (rires). Mais, crois-moi, habituellement, je suis un gros déconneur. J’aime faire le pitre. D’ailleurs, je me suis blessé tout récemment au niveau du ligament. Heureusement, ce n’était pas sur scène. Lorsque je me produis en live, j'aime garder le côté sauvage tout en absorbant cet amour du public. J’en profite un maximum. C’est un moment récréatif, je suis avec mes potes.

Justement, pourrais-tu nous parler des musiciens qui t’accompagnent sur cette tournée ?

En réalité, je n’étais pas certain de pouvoir tourner cet été. Finalement, nous avons décroché une vingtaine de festivals. Je suis accompagné du guitariste de Mylène Farmer, du bassiste de Peter Doherty, du claviériste de Paul Personne et du batteur de Louis Bertignac. Ce sont des amis qui font du rock ou du blues. Je leur ai dit qu'on était là pour s'amuser. Dans le bus on s’éclate. Tout comme dans la vie d’ailleurs...

Un des titres qui a permis au public de te faire connaître est « C’est quand le bonheur ». Malgré la reconnaissance, le succès, les rencontres, les critiques positives et le rendu du public, tout est relatif. Je crois que la seule est vraie question à se poser serait ‘C’est quoi le bonheur’ ?

Tu sais, la vie d’artiste est faite de hauts et de bas. J’aime dévorer les biographies et les autobiographies. Est-ce que tu as lu celle de Springsteen intitulée ‘Born to Run’ ? Je te la conseille vivement ! Ce type est un extraterrestre ! Il ne faut pas nécessairement aimer l’homme pour lire cet ouvrage. C’est quelqu’un qui connaît l’être humain. Celle de Charlélie Couture décrit également des périodes de son existence très hautes et très basses. Pareil pour des gars comme Hubert-Félix Thiéfaine ou Bernard Lavilliers. Ce sont des totems, ils sont toujours là ! Le monde musical côtoie beaucoup de fake et de faux ! Heureusement que parfois tu croises des gens vrais dans un instant de grâce…

Lors d’une interview accordée à Muziczine, il y a quelques années, tu déclarais : ‘Pour moi le bonheur, ce n’est ni le passé, ni le futur, mais ces moments où l’on réalise ce qu’on vit sur l’instant’. Alors que dans le passé, tu semblais vivre l’instant présent, aujourd’hui, tu me donnes l’impression de te questionner davantage…

Je me souviens que lorsque j’avais 13 ans, sur la place de mon village, j’avais prédit que lorsque je serai grand, je deviendrai troubadour et que j’aurai plein d’enfants. Je suis devenu troubadour. Pour ce qui est des enfants, là aussi, j’ai accompli mon rêve puisque j’en ai quatre. Je souhaitais aussi vouloir mourir en Irlande. Navam (NDLR : une ville du comté de Meath, en Eire) me plaît beaucoup. J’aimerais effectivement un jour m’y établir. Mes musiciens irlandais y habitent et il m’arrive de leur rendre visite. Perso, le bonheur serait de vivre dans un petit cottage auprès de mes enfants et regarder les moutons et la mer, tout simplement.

Il y a aussi cette notion du temps qui passe. Dans l’une de tes chansons, tu cites : ‘Mes boucles noires ont disparues/Je perds mes cheveux sur le dessus’. Quel est ton rapport au temps et comment l’appréhendes-tu ?

Je suis fasciné par le temps ! J’ai assisté au concert des Rolling Stones, la semaine dernière, à Paris. Malgré ses 79 printemps, Mick Jagger est impressionnant de vitalité. Quand on dit de quelqu’un de cet âge qu’il est en forme, on sous-entend qu’il arrive à marcher, à se nourrir, etc. Jagger sur scène est un gosse. Ses musiciens, pareil. Ils ont ce soir-là saupoudré le public de quelque chose de magique. Je dois dire que ce show m’a communiqué une énorme pêche. En ce qui concerne le rapport au temps à proprement parler, tout va trop vite, comme un élan. Il y a un instant, nous parlions de « C’est quand le bonheur ». L’album dont est issu cette chanson est paru en 2003. Tu imagines, l’année prochaine, je fêterai ses 20 ans ! J’ai l’impression que c’était hier ! Tout le monde vieillit, c’est étourdissant ! Mais attention, ce processus ne me perturbe pas pour autant ! Sans doute, faut-il en profiter davantage, encore plus croquer la vie et faire n’importe quoi pour rigoler.

L’hommage rendu à Alain Souchon est émouvant. Pourtant, il y a plein d’autres artistes qui auraient mérité autant d’égards. Pourquoi lui et pas un autre ?

C’est une histoire particulière ! Il ne me connaissait pas, mais il est parvenu à se procurer mon numéro de téléphone et m’a passé un coup de fil. A l’époque, j’étais à Orly. Il adorait mes chansons. J’estime ce geste tellement touchant. Je l’ai croisé à plusieurs reprises ensuite. Souchon est un homme bourré de talent, d’une gentillesse et d’une tendresse exemplaires. Au fond, aimer, c’est admirer. Et admirer, c’est aimer. Il m’a peut-être influencé. Je crois qu’un jour, je vais consacrer une chanson à chacun de ces personnages. Ce sera une manière de leur dire merci.

Dani mériterait également sa place…

Je viens de perdre effectivement mon amie Dani. Sa disparition me bouleverse totalement. Je me suis saisi de mon stylo et j’ai griffonné quelques lignes en sa mémoire. Est-ce l’ébauche d’une chanson ? Je le pense, oui ! Je vais continuer à lui murmurer plein de choses à l’oreille. Si je réalise une rétrospective de mes chansons, j’y ai déjà cité pas mal de monde. Je viens du bal de village. Je faisais exactement ce que les gens souhaitaient. J’y prenais énormément de plaisir. Les gens adoraient parce qu’on savourait ce qu’on faisait. Même si certaines compos étaient plus obscures, les gens dansaient quand même, uniquement parce qu’on parvenait à les jouer et qu’on les appréciait. Pourquoi d’ailleurs, aurions-nous dû prendre le parti de s’attaquer à des chansons que nous n’aimions pas ? Il m’arrive aussi parfois de m’approprier celles des autres.

Tes long playings sont très différents. Comment se construisent-ils ? Le label impose-t-il une direction ou un genre particulier ? Que se passe-t-il entre la page blanche et l’album ?

Je conseille aux jeunes qui débutent d’engager un réalisateur. Je ne le voulais pas. C’est pourtant une démarche importante parce qu’il va amener un regard extérieur primordial, tout en y apportant des conseils judicieux. Daniel Presley a apporté sa collaboration lors du premier album. Il avait été conçu à l’origine en guitare/voix. Presley a pu y apporter sa patte sur les arrangements. J’ai pu bénéficier, au cours de ma carrière, du concours de Mathias Malzieu (NDLR : le chanteur/compositeur de Dionysos), Scott Colburn qui a bossé avec Arcade Fire ou encore Geoffrey Burton, guitariste belge. Puisqu’il existe un contrat qui te lie à ces personnes, ils possèdent un droit de regard sur ce que tu fais. Effectivement, il faut prévoir des chansons pour la radio, c’est une question inévitable. Tu sais, il semble que je commence à me faire vieux pour y passer. Je crois qu’il va falloir sans doute attendre encore un peu avant d’y être à nouveau programmé… dans la catégorie des vieux (rires). Nous sommes quelques-uns dans cette situation. Personnellement, je m’en fiche. Pour ce dernier disque, je suis en licence. Par conséquent, je suis responsable du produit fini. Julien (Lebart) et moi, nous ne nous sommes posé aucune question. Quand on crée de la musique, c’est pour être libre. Malheureusement, souvent, ce n’est pas le cas. Il s’agit d’un commerce, il faut vendre. Aucun patron ne me dirige et je ne suis pas le patron non plus. Ceux qui m’entourent sont davantage des conseillers. Jamais ils ne me donneront des directives contraignantes. En y réfléchissant, c’est quand même un luxe (rires).

A t’entendre, l’industrie du disque est une machine qui pourrait bouffer de l’intérieur les artistes…

J’ai écrit mon troisième roman ‘Voilà les anges’ sur cette thématique. Je débute cette histoire par un chanteur aigri. Mon dernier spectacle s’ouvre par ce même type de personnage. L’histoire d’un clochard, qui après s’être endormi avec sa guitare sur un banc, s’éveille face au public. Je raconte aux spectateurs qu’avant j’étais chanteur. Je leur demande s’ils s’en rappellent pour enchaîner par « C’est quand le bonheur » et une kyrielle de belles chansons. J’explique au public que je ne pouvais plus écrire parce que j’étais en quelque sorte empoisonné et que c’était malhonnête. Aujourd’hui, j’écris des chansons pour les jeunes qui passent et me regardent. C’est un peu le thème du spectacle.

Arno, un artiste belge, nous a quittés tout récemment. Sa seule limite était l’imagination. Touche à tout, tour à tout acteur de théâtre, écrivain, et chansonnier, je crois que vous avez ce point commun. Est-ce que je me trompe ?

Je me réfugie souvent derrière cette phrase ! Tantôt, on parlait de gentillesse, lui était un gentil. Certains l’ont connu plus que moi, mais nous avons eu l’occasion de partager quelques nuits ensemble. Arno était un protecteur. Un jour, en compagnie de ma famille, nous l’avons croisé à Bruxelles. Je lui exprime mon envie de manger des moules frites. Il se gratte la tête d’un air interrogatif. Une vieille dame s’approche et lui explique qu’il ne s’agit pas de la saison des moules tout en lui tapant la tête avec un parapluie. A cet instant, il y avait tout de la Belgique. Quand on regarde dans le rétroviseur de sa vie, il a creusé cinquante millions de choses. Sa mort provoque aujourd’hui de la souffrance, du chagrin et du désespoir, mais à côté de cette compassion, il y a une petite lumière qui s’appelle la vie, il faut s’y accrocher.

J’aimerais revenir sur une de tes collaborations avec James The Prophet lors d’une émission de ‘Taratata’. Vous vous étiez réapproprié magnifiquement un titre de Prince, « Purple Rain ». Chacune de tes collaborations sonne comme une évidence. Pourrais-tu imaginer un jour réaliser un album centré sur celles-ci ?

J’ai eu la chance de croiser Augustin Charnet. Nous bossions sur le projet de Léo Ferré. Ensuite, nous avons réalisé l’album « Cavale ». C’est un ami. Il n’est pas présent aujourd’hui car il s’est cassé deux doigts cet été. Cet homme m’a permis de découvrir une jeune génération, mais aussi de nouveaux sons. Je me suis beaucoup amusé lors de cette émission de ‘Taratata’. Cette jeune génération détient les clés en s’ouvrant davantage sur le monde. Il n’y a plus de limite, on chante dans la langue que l’on veut. On doit prendre exemple sur ces jeunes artistes. J’ai été subjugué par le travail de James. Ma fille, Coco, est violoncelliste et pianiste. Elle baigne dans le classique. Elle me fait écouter des musiques étonnantes qui me touchent énormément alors qu’elle n’a que 17 ans. Elle a vu le film retraçant la vie d’Elvis dont elle ne connaissait rien. Elle l’a trouvé exceptionnel. Je lui avais conseillé de regarder le ‘biopic’ pour découvrir l’homme parce qu’il est à la source de tout. Je suis très fière de ma fille. Elle vient de rentrer au Conservatoire de Paris et a obtenu 20/20 au bac de français…

 

 

Cali

Partager ‘ces choses défendues’… les font revivre…

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Cali, c’est ce chanteur français au bel accent ensoleillé qui dépense une énergie folle, en ‘live’. Mais cette tournée des « Choses défendues » dévoile une autre facette de cet artiste jamais à court de ressources. Quelques jours avant d’accorder son concert au Palace d’Ath (20 avril), il a consacré quelques minutes à Musiczine, alors qu’il était sur la route, en direction de Mont-de-Marsan.

Lors de ta dernière tournée, tu te dévoiles beaucoup au travers d’anecdotes, de tranches de vie. Pourquoi avoir choisi CE moment de ta carrière pour relater ces histoires ?

Ce n’était pas vraiment prémédité de les raconter maintenant. Et pas seulement par rapport à ma carrière, c’est aussi ma vie. Dont plusieurs événements m’ont poussé à me poser un peu plus. Et puis, il existait toute une série de compos plus douces que j’avais rangées dans des tiroirs, tout au fond, là où tu ne penses jamais aller les rechercher. Et là, c’était le bon moment pour finalement les ressortir et les proposer au public. Dans mes chansons, je raconte un peu mon existence aussi. Elles en décrivent certaines étapes. Parfois, tu n’as pas forcément envie de te remémorer d’anciens souvenirs. Mais là, aujourd’hui, j’avais envie d’y revenir.

Tu supplies les jeunes de croquer dans « Les choses défendues ». Cali devient-il trop vieux pour ces interdits ou au contraire, en profiter pleinement lui confère-t-il une jeunesse éternelle?

J’aime beaucoup l’idée de jeunesse éternelle mais c’est un peu illusoire. Je crois qu’il y a un peu des deux. Le fait de partager ces choses avec les gens les rend encore vivantes. Mais à un certain moment, t’as aussi le corps qui te rappelle un peu à l’ordre.

Quand tu chantes ou lorsque tu es sur scène : c’est « La vie quoi! ». Ton énergie débordante, ta sensibilité, ton partage… Où puises-tu cette intensité?

Je ne pense pas avoir une vie plus intense que la plupart des gens. Mais je profite de ce que la vie offre. Et notamment dans ces moments sur scène, c’est le moment lui-même qui est intense et donc il faut être pleinement dans ce moment et être avec lui dans l’intensité.

On te voit moins sauter un peu partout sur les planches Est-ce que tu prends autant de plaisir pendant cette tournée un peu plus calme ou est-ce que ce fou de Cali te manque?

Non, pour l’instant ce fou de Cali ne me manque pas. Il me manquera quand cette tournée sera finie. J’aurais alors envie de repartir en compagnie du groupe ; mais pour l’instant, je suis bien dans ce format de concert. C’est autre chose, pour moi et pour le public. Ce qui me permet de revisiter et de faire revivre mes propres chansons. C’est important aussi.

Justement, quelle est la réaction du public pour ces ‘one man shows’ ?

Les retours sont très positifs. Certains me disent, par exemple, avoir impression que je chante pour eux, comme s’il n’y avait que nous. J’évoque des moments de ma vie et les gens s’identifient à ces événements.

Tu reviens en Belgique la semaine prochaine. Tu nourris un lien personnel avec notre pays, il me semble.

C’est plus qu’un lien personnel. Je me sens un peu belge. J’adore venir en Belgique. Parfois, c’est là que je m’y sens le mieux. Il y a toujours un accueil particulier pour mes chansons. Et puis, me balader dans les rues de Bruxelles ou d’Ostende, par exemple, fait vibrer en moi une corde sensible.

Tu évoques aussi les gens qui t’ont artistiquement marqué pendant tes concerts. Tu parles notamment de Ferré. Si tu devais choisir une seule oeuvre qui t’a profondément touchée, ce serait laquelle ? Qu’elle soit musicale, littéraire, cinématographique…

Une seule? Wouah, t’es dur là. Parce que je pourrais en citer plein. Mais je choisirai le « David et Goliath » de Le Caravage. Cette toile m’a bouleversée.

C’est aussi un peu la tournée des anecdotes puisque tu en racontes pas mal pendant les concerts. En as-tu déjà l’une ou l’autre récente à révéler ?

Là aussi, il y en a plein. Mais il y a quelques jours, le concert qui s’est déroulé au Temple de Mulhouse était magique. L’un des plus beaux moments de musique de ma vie. Dans ce décor sublime, il y a vraiment eu ces deux heures hors du temps. Et pour en donner une autre, dans une autre salle, quelqu’un s’est manifesté pendant mon récital. En clamant qu’il était venu pour voir un concert pop/rock et pas entendre raconter ma vie. Dans la foulée, la conversation s’engage et on échange quelques mots. Et ensuite, toutes les chansons de mon répertoire, je lui ai destinées. Aussi, le regard des spectateurs se posait constamment vers lui. Finalement, ils l’ont peut-être regardé plus que moi.

On sait que tu est également attentif à l’actualité. Quel regard portes-tu sur les présidentielles françaises qui approchent?

Elles me terrifient. Cette campagne n’est plus qu’un jeu de ‘punchlines’. On ne parle plus ni de programmes, ni des idées. C’est terrifiant !

Cali

Etre chanteur, c’est devenir égoïste…

Écrit par

C’est dans le cadre du LaSemo, festival à épingler pour son approche conceptuelle, originale et pragmatique, que se déroule cet entretien. Cali est particulièrement décontracté. Dix petites minutes me sont accordées. Il va falloir sabrer dans les questions, sans quoi on risque allègrement de dépasser le temps imparti.

Merci Bruno pour avoir accepté cette interview destinée à Musiczine. En fait, faut-il t’appeler Bruno ou Cali ?

Comme tu veux ! Ce qui t’arrive dans la bouche le plus facilement.

Le titre de ton dernier opus fait référence à une chanson de Léo Ferré qui date de 1966. Sa poésie était écorchée, souvent ténébreuse. Cette compo est à l’antipode de sa discographie puisqu’elle est même chargée d’espoirs. Pourquoi ce titre plutôt qu’un autre ?

Ce n’était pas prémédité. A vrai dire, elle me hante depuis longtemps. Comme tu le dis très bien, Ferré est quelqu’un qui a écrit de très belles chansons. Pour moi, c’est le plus grand des poètes. Ses textes étaient merveilleux, souvent sombres, déchirants, tout en véhiculant des revendications. Ce morceau en particulier, je souhaitais qu’il figure en dernier, parce que c’était le plus doux. Il est teinté d’optimisme. Il ouvre les bras vers l’avenir. Cette mélodie est destinée aux enfants. Ils doivent comprendre que, dans la vie, tout n’est forcément ni tragique, ni sombre. Les rayons de soleil sont à portée de main. Ils doivent les agripper et leurs vies en seront plus belles… J’ai intitulé ce disque « L’Age d’Or » pour une autre raison. Je me suis aperçu qu’il était mon œuvre la plus lumineuse.

Il y a aussi, chez toi, une sorte de mimétisme. Tu adoptes un phrasé assez proche de Ferré. Etait-ce voulu et assumé ou alors y a-t-il une part d’inconscient ?

Il n’y absolument rien de prémédité. J’écoute tellement Ferré que son esprit doit couler dans mes veines. En même temps, je suis fan de groupes tels que U2, Simple Minds et les Waterboys. Comme une éponge, je m’inspire de ces courants et puise à droite et à gauche. Mais si ça peut ressembler un peu à Ferré, j’en suis très, très fier (rires).

Ton dernier elpee a très bien été accueilli. Tu as parfois, dans le passé, essuyé des critiques virulentes. Y es-tu sensible ? Qu’as-tu envie de dire aux détracteurs aujourd’hui?

Ce métier est fait de hauts et de bas ! Je pense que les critiques sont importantes parce que c’est le premier regard sur notre job. J’ai parfois râlé parce qu’on a colporté des propos vraiment pas sympas à mon égard. Un jour, une journaliste m’a traité de fou, de malade mental. Cela ne se fait pas ! Dans ma famille, il y a des patients qui souffrent de cette pathologie et sont soignés dans des unités spécialisées. Il faut être attentif à ce que l’on dit ! J’essaie d’être le plus honnête possible dans mon travail. Je raconte ma vraie vie et je ne chanterai jamais une chanson dont je ne suis pas fier. J’ai envie de dire aux détracteurs de tout poil : ‘Si vous aimez, tant mieux. Si vous n’aimez pas, tant pis !’ Le dernier album a très bien été accueilli. Ce qui m’a fait du bien parce que j’y parle beaucoup de mes proches.

Tu as écrit une soixantaine de chansons… et il y en a plus que 13 sur ton cd. Vu la quantité de matière, pourquoi ne pas avoir envisagé de publier un double LP ?

J’en ai déjà enregistré de très longs. Mais j’ai l’impression que ce choix doit rester un coup de feu. J’aime bien l’idée que lorsque le disque arrive en bout de course, on ait envie de réappuyer sur la touche ‘play’. Lorsqu’il contient trop de chansons, on peut se sentir pris en otage en quelque sorte. Je m’aperçois que celui que je considère comme ma référence –« This is the Sea des Waterboys »– ne comporte que neuf titres. Neuf perles ! Le mien aurait pu être plus court encore, mais j’ai du mal à choisir ceux que je vais éliminer. En ce qui concerne celles que j’ai écrites, mais qui ne figurent pas sur l’album, ce sont des moments de ma vie. Peut-être que dans deux ans, elles ne voudront plus rien dire ! Elles m’ont fait du bien au moment de l’écriture, mais elles ne verront jamais le jour ! 

On a l’impression qu’à chaque album, tu ressens le besoin d’immortaliser des polaroids de ta vie. « L’Age d’Or » fait référence à une époque révolue. Est-ce une manière de dresser le bilan de ton existence ?

Je ne sais pas si c’est le cas ! Aujourd’hui, j’ai trois gosses. A l’âge de 15 ans, je me souviens avoir déclaré à des amis : ‘Qu’est-ce que l’on va faire plus tard ?’ Perso, j’avais émis le souhait d’être un troubadour et avoir des enfants. Aujourd’hui, j’ai réalisé ce rêve. Ce n’est pas de la nostalgie, ni du regret. Je voulais plutôt exprimer ma gratitude à l’égard de celles et ceux qui ont construit ma vie. L’institutrice de mon village par exemple. Elle m’a donné le goût de la lecture et de l’écriture. Elle a exercé le plus beau métier du monde. Je remercie aussi ceux qui ont suscité chez moi l’envie de pratiquer le rugby. Mes enfants également. Sans oublier, mon premier amour évidemment. J’aborde tous ces thèmes ! Oui, c’est peut être, finalement, une manière déguisée de jeter un regard dans le rétroviseur de mon existence. Se dire qu’elle est faite de belles choses. Mais de terribles évènements aussi. En fait, il n’y a pas un âge d’or, mais plusieurs, selon les différentes étapes de la vie. 

Même si cet opus est parfois plus optimiste, on te sent encore aussi parfois très nostalgique. Cette mélancolie était déjà bien présente sur le disque précédent, « Vernet les Bains », qui se réfère au village où tu as grandi…

Ce disque est plus lumineux par rapport aux autres. Mais le mot ‘nostalgie’ est souvent collé au sentiment de ‘regret’. J’ai plutôt envie de l’associer au terme ‘heureux’. Je ne regrette pas. J’ai juste besoin d’un refuge. On en a tous besoin. J’imagine que toi aussi, il y a un endroit où tu as envie de te retrouver ou une odeur d’enfance dans laquelle tu as envie de plonger. Et j’ai besoin d’en parler ! C’est comme quand on ferme les yeux et qu’on veut s’immerger dans des endroits que nous chérissions parce qu’ils appartiennent à notre passé. Ca nous fait juste du bien ! Si tu écoutes une chanson que tu n’as plus entendue depuis 20 ans, mille souvenirs remontent à la surface.

Est-ce que le processus d’écriture diffère d’un opus à l’autre ?

Je fonctionne à l’instinct. Il est très compliqué de préméditer les événements. Sous peine de dénaturer ta muse. Je ne me dis jamais ‘Allez, il faut écrire maintenant !’ Bien au contraire, chez moi, le processus d’écriture est naturel. J’aligne des mots, qui deviennent des phrases. Elles-mêmes se transforment en humeur. Les chansons découlent de ces états d’âme. Je n’ai pas d’idée préconçue sur la façon dont ce processus va se dérouler. Le premier album était marqué par une rupture. Le second, par la naissance de ma fille qui a 10 ans aujourd’hui. Parfois, des relents politiques se sont manifestés, parce que j’étais engagé (NDR : à gauche). Rien n’a jamais été prémédité ! Je crois que dans le cas présent, je n’ai pas réalisé un disque triste. Ceux qui l’écoutent me disent qu’il leur fait du bien. Je crois aussi qu’il ne faut pas faire ce que les gens attendent. Etre chanteur, c’est devenir égoïste. Mais, c’est ainsi. J’essaie de vivre dans une vie qui peut devenir très compliquée. Le seul moyen que j’ai trouvé aujourd’hui pour m’en sortir, c’est d’écrire des chansons.

Cali, certains artistes préfèrent gommer leur accent pour interpréter leur répertoire. Tu adoptes la tendance inverse. Est-ce une manière consciente de revendiquer tes origines ?

Je suis né à Perpignan. J’habite dans un petit village situé à une encablure. Je suis peut être encore un de ceux dont l’accent est le moins prononcé chez moi (rires). C’est important de revendiquer ses origines. Par exemple, je suis heureux de me rendre à Marseille et d’entendre cette prononciation si particulière. Toi, tu as un accent qui est d’ici. Je suis comme je suis et ne changerai rien.

Dans ce métier, nombreux sont ceux qui souhaitent privilégier au maximum leur vie privée. Tu parles librement de tes origines, de ta famille, … Tu as choisi de t’exposer avec ta fille sur la pochette de l’album. Quel est ton sentiment par rapport à cette notion de ‘vie privée’, sachant que tu es une personnalité médiatique ?

Je pense qu’il y a une manière d’aborder la question. Je ne tombe jamais dans le voyeurisme. Ce sont essentiellement des déclarations d’amour ! Je me réfère à mes filles Coco Grace et Poppée. Je parle aussi de mon couple. On connaît des histoires comme tous les autres. On se jette des assiettes à la tête et on se réconcilie juste après. Je chante la vie de Monsieur et Madame ‘tout le monde’ en quelque sorte. Ce qui apporte un peu de bien-être à certaines personnes. Mais, je ne me pose pas vraiment ce genre de questions à vrai dire. Je pense que mes enfants sont plutôt fiers d’avoir un père qui les raconte sur un disque. Et lorsque je suis en concert, je suis content que ma famille soit auprès de moi.

On connaît Cali, chanteur. Mais, on connaît moins Cali, acteur de théâtre. Tu as joué dans une pièce qui s’appelait « Cowboy Mouth ». Comment as-tu vécu cet épisode ? Etait-ce un ‘one shot’?

J’ai adoré cette expérience. Dans un premier temps, je l’ai abordée comme une épreuve insurmontable. Le metteur en scène m’a mis en confiance. Ensuite, je me suis laissé aller naturellement. Le pitch est amusant. Il raconte l’histoire d’un type enlevé au Chelsea Hotel, en 1971. Une femme voulait le transformer en star de rock’n’roll alors que sa famille l’attendait ailleurs. Ensuite, mon personnage tombe amoureux. C’était une aventure enrichissante. Là, debout devant le public ! Sans micro ! On entendait les réactions des spectateurs : les applaudissements, les pleurs, les reniflements, les toussotements, … Tu vois, ça c’est la vraie vie. Pendant une heure trente, faire l’amour, se battre, jouer comme des enfants avec une actrice, c’était dingue. Je sortais de là remué. Un spectacle qui a duré quatre mois ! Je veux absolument le refaire. Le monde du théâtre m’a beaucoup touché et j’ai un très grand respect pour cette immense famille. Ils sont prêts tous les soirs, sur les planches, à donner le meilleur d’eux-mêmes…

Cali

Ne pas oublier les lo(Cali)tés…

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Lors de la tournée de concerts intimistes, programmée à travers la Wallonie, Cali s’est produit à la Maison de la Culture de Tournai. Une belle occasion pour l’interviewer. Rencontre avec un personnage sincère, réellement sympathique et amoureux de notre Belgique.

Autant l’écrire tout de suite, la plupart des vedettes de la chanson ou de variétés françaises n’accordent (lorsqu’elles vous l’accordent), en général, qu’un temps d’interview très limité. Souvent même minuté. Soit par souhait de l’artiste ou tout simplement par décision de leur management. Et je craignais le pire ce soir, après avoir transité par Live Nation, le label et enfin un attaché de presse… Car finalement, un autre contact m’annonçait vers 16 heures que l’interview prévue à 18 heures serait déplacée à… minuit !

Et pourtant, une fois face à Bruno (alias Cali) et son entourage, tout s’arrête. La générosité dont vient de faire preuve le Français sur scène, ainsi que tout son staff –sa ‘famille’ comme il l’appelle– va se prolonger pendant la bonne demi-heure d’interview. C’est juste à sa sortie de scène que Bruno est attendu. Très affable, il nous demande gentiment de patienter 5 minutes, le temps de prendre sa douche. Mais surprise, une bonne vingtaine de fans féminines ont été autorisées à faire la file devant la loge. Cali est à peine rhabillé que celles-ci se bousculent au portillon pour le rencontrer. Aussi, il me demande toujours aussi poliment d’attendre encore 5 minutes. Et nouveau témoignage de sa générosité, il ne va pas leur consacrer 5, mais 20 minutes, au cours desquelles il va signer des autographes ou se faire mitrailler par les flashes des admiratrices. Son producteur finira quand même par écourter la séance. Juste avant d’entamer l’entretien, je leur demande quand même le temps qu’il me reste pour cette interview. Ils me rassurent tous les deux, en m’invitant à prendre tout le temps nécessaire pour la réaliser. Je n’en croyais pas mes oreilles, et pourtant, c’était la vérité…

Vous vous transcendez toujours sur scène. Où puisez-vous votre énergie ?

Et bien figurez-vous que ces derniers jours j’étais fiévreux. A quelques heures du concert, je me demandais encore comment j’allais me débrouiller pour assurer le spectacle. Mais la scène c’est ma vie. Je me sens plus vieux quand je ne suis pas sur les planches. Et puis il y a ce public. Beaucoup d’artistes commencent d’ailleurs leur tournée par la Belgique pour se mettre en confiance.

Vous prenez également le temps de rencontrer vos fans…

C’est adorable de les rencontrer, et j’en profite. Un concert permet de passer la journée avec ses amis, répéter ; mais aussi, après le spectacle, de consacrer du temps à ses fans.

Après Forest National en 2008, vous avez opté pour la formule de la tournée acoustique et dans des petites salles. Pourquoi ce choix ?

En fait ce n’était pas prévu. Fin octobre 2008 on pensait arrêter après la tournée des grandes salles et des festivals. Et puis j’ai rappelé mes copains. J’avais besoin de rhabiller mes chansons. De les interpréter sous un format plus intimiste. Il est aussi important de se produire un peu partout et pas uniquement dans les grandes villes.

En 2007 vous aviez annoncé vous ménager une trêve. Elle a été de brève durée…

(rires) C’est vrai ! Depuis 2003, je n’ai pas vraiment arrêté. Ma tournée s’achève fin juin et puis je vais m’imposer un gros break. Je vais quand même jouer en compagnie d’un groupe qui s’appellera ‘Les Hyènes’. Seront impliqués le batteur et le bassiste de Noir Désir.

Votre label vous impose-t-il de débattre de votre album ?

Oh non, c’est pas grave, tu es libre de causer de ce que tu veux, tu sais ! Tu peux me poser toutes les questions que tu souhaites...

Merci, mais parlons en quand-même. Un live serait-il en préparation ?

Et oui, je peux même t’avouer que les concerts de Tournai et Mons serviront de ligne de conduite. Mais ce disque sera couplé avec la tournée électrique qui avait visité les grandes salles, en 2008.

Un mot sur notre compatriote Karin Clercq qui vous accompagne en première partie…

Je l’adore. On a partagé des scènes ensemble à nos débuts. Et là je suis content de la retrouver. C’est une artiste qui n’hésite pas à se remettre en question. A changer de formation. Elle m’interpelle beaucoup car elle évolue constamment. Et c’est très important.

Y a-t-il une question que vous aimeriez que l’on vous pose ?

J’aimerais surtout évoquer notre date du 10 mai aux Nuits du Botanique au cours de laquelle nous partagerons l’affiche avec Matthieu Boogaerts. Je suis très content d’y retourner. Je suis déjà passé par toutes les salles du Bota.

Que manque-t-il encore à votre brillante carrière ?

Je suis fier d’avoir chanté en compagnie de Simple Minds et des Waterboys. Mais aussi de Goeffrey Burton, dont le groupe Hong Kong Dong devrait bientôt percer. Mais lors d’une émission du ‘Grand journal’ de Canal +, j’ai eu la chance de croiser les musiciens de U2 et j’ai demandé une dédicace à Bono. Je rêve d’un duo avec lui. J’adorerai aussi partager l’univers d’Anton Corbijn.

Vous avez du succès auprès du public féminin ?

Ce qui me réjouit avant tout, c’est de voir des familles entières se déplacer pour assister à mes concerts. Quand je vois des grands-parents (NDR : et il y en avait dans la salle) et des petits-enfants qui se côtoient, cela me fait chaud au cœur.

Lorsque je me lève pour remercier Cali et clôturer cette sympathique interview, il n’hésite pas à prolonger la discussion.

Tiens je vois à ton T-shirt que tu es fan des Pogues, j’adore aussi, m’avoue-t-il…

Il me questionne sur l’actualité du groupe, sur la photo. Il revient à nouveau sur le Botanique… Bref la discussion se prolonge encore quelque temps. Cependant, je ne tiens pas à abuser, et quitte les lieux, après l’avoir vivement remercié de son accueil. Sans quoi, j’ai vraiment l’impression que nous en avions encore pour toute la nuit, à discuter…

Cali

L'exorcisme parfait

Depuis la sortie de son premier album, Cali est devenu notre meilleur ami, notre confident, notre défouloir et notre psy. Ses chansons d'amour écrites sans détours ni mensonges accompagnent nos humeurs changeantes et nos doutes quotidiens : dans ses mots qui cinglent nos certitudes on se love jusqu'au dégoût… Cet album, c'est la vie, et ça fait un bien fou. Rencontre avec un amoureux de l'existence, dont la sincérité nous aide à progresser et jouir, vaille que vaille.

Ton album débute par la chanson " C'est quand le bonheur ? " : est-ce qu'aujourd'hui tu te sens heureux ? Ou bien, malgré la reconnaissance, le succès, les rencontres, l'amour du public, tout reste relatif ?

Tu sais, c'est une question très conne, mais je l'assume… Pour moi le bonheur c'est ni le passé ni le futur, mais ces moments où l'on réalise ce qu'on vit sur l'instant. Des fois je me surprends à avoir des bouffées d'extase : ça dure 10-20 secondes, au volant de ma voiture par exemple et je ne sais pas d'où ça vient, mais je suis hyper heureux pendant 10 secondes. Puis ça s'arrête parce qu'on repense à des images du passé ou du futur, et c'est moins le bonheur… Ce que je trouve fort chez " C'est quand le bonheur ? ", c'est que je l'ai écrite en deux ans : les couplets deux ans avant le refrain. Mais dès qu'il est arrivé, le reste a coulé tout de suite : ce titre a été un tremplin idéal pour le reste de l'album.

Le bonheur… Penses-tu que les gens heureux en amour peuvent apprécier ton disque à sa juste valeur ? Comme s'il fallait avoir vécu ce que tu chantes pour vraiment te comprendre…

J'essaie de me persuader que tout le monde peut y trouver son bout de gras à grignoter ! Si tu l'as vécu ou si t'es malheureux, ça peut t'aider à te dire que t'es pas le seul… Un peu comme le journal de 20h, quand tu vois toutes les merdes qui se passent dans le monde, et que tu te dis qu'il y a pire que toi… Et puis les autres peuvent se dire : " Moi je ne vis pas ça, tant mieux ! ". Les deux sentiments peuvent donc être appréhendés, et je trouve ça bien.

C'est quand même bizarre de voir à tes concerts des gens qui chantent en chœur tes sombres textes, en souriant de toutes leurs dents… Ce n'est pourtant pas le Grand Jojo !

C'est le but ! J'aime par exemple l'idée que " C'est quand le bonheur ? " puisse être jouée lors d'un mariage, où tout le monde serait heureux et ferait une farandole… Alors que le texte en lui-même pourrait être lu lors d'un enterrement. J'aime bien cette dualité… " Je chante " de Trenet, par exemple : quand tu lis le texte, c'est terrifiant ! Mais quand tu l'écoutes comme ça en voiture, sans penser au texte, avec le vent dans tes cheveux, t'es heureux, quoi ! J'aime bien ces mariages un peu douteux. C'est comme avec ma violoniste, qui est très classique, alors que mon guitariste, lui, est fan de punk ! J'aime bien ce genre de conflit. C'est ce qui me fait avancer.

Voilà ce qui est intéressant : cette dichotomie entre tes textes, durs et déprimants, et ta musique, gaie et pleine d'allant.

Je crois que c'est plus fort quand tu plombes réellement le texte et que tu l'habilles de musique guillerette. Je me suis souvent essayé à écrire des textes très noirs en les accompagnant de musique très sombre, mais à la fin il ne te reste plus que la corde pour te pendre… C'est pas le but du jeu non plus, quoi !

La redondance n'aurait pas donné à ton disque cette violence… qui en fin de compte se veut salutaire.

Je crois de toute façon que la vie est comme ça. Quand tu discutes avec des amis tu te remontes le moral, tu rigoles, tu bois des coups, mais chacun traîne son boulet derrière lui… C'est ça l'idée, ouais.

Alina Reyes (NDR : grand écrivain qui s'est suicidée) a écrit un jour : " Où est l'amour sinon dans le mal brûlant du désir, de la jalousie, de la séparation ? "… Tu es d'accord ?

C'est peut-être sa vision de l'amour parfait. Pour moi il faut qu'il y ait de la violence. Pas physique, mais dans les pleurs. Ca peut aller très loin : le mal au ventre, les crises de nerfs, on se dit des choses qui vont trop loin et puis juste après il y a le calme plat, on essaie de se rattraper, de se pardonner, puis arrive le câlin, puis la mer se déchaîne à nouveau… L'idée c'est que le couple supporte ça tout le temps. Mais il arrive à un moment donné où la violence des mots, des situations ou même des silences… Quand il ne reste rien. Pour moi, l'amour parfait c'est ça : des très hauts et des très bas.

Un couple doit-il se déchirer pour mieux se retrouver ?

Je ne sais pas s'il doit le faire, mais il doit être capable de le faire.

Et quand on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoires à raconter (le fameux " Happy people have no stories ") ?

Je crois que les gens les plus heureux sont ceux qui ne réalisent rien du tout. Quand on a la chance, ou le malheur, de réfléchir un petit peu, c'est là qu'on peut plonger dans le malheur total, oui…

Et quand tu dis que " Mourir d'amour n'est plus de ton âge ", ça veut dire quoi ? A chaque rupture on 'meurt', non ?

C'est une phrase d'un instant : j'ai dû l'écrire quand j'avais 72 ans. Ou 84. Mais quand j'ai à nouveau eu 35 ans ou 19, c'est revenu d'actualité, " mourir d'amour " ! (rires)

Tes textes sont écrits au masculin, avec la femme qui passe pour la méchante de service, et l'homme pour un couard qui n'a rien vu venir, et qui soit implore " quelques miettes de tendresse ", soit fait le gros dur… ou passe d'un état à l'autre en quelques secondes. La vie, quoi…

Je me suis souvent surpris à conjuguer des adjectifs au féminin quand j'écris mes textes, donc je crois que mes chansons peuvent être tournées dans les deux sens. Il suffirait de changer quelques mots pour que mon album puisse être chanté par une fille ! Mais comme je suis un garçon, la méchante de service c'est la fille. Si j'avais été une fille, c'eût été le contraire…

M'enfin c'est bizarre que…

Le panache est important. J'adore ça. C'est-à-dire : une chanson, tu sais qu'elle va être lue ou écoutée, donc tu frimes. Moi je suis un frimeur. Je frime en me faisant soit largué, soit en acceptant de partir… Mais avec le panache. Même si dès que la lumière s'éteint, je me retrouve seul avec mon malheur et ma tristesse, complètement désintégré. J'aime bien cette idée-là aussi : quand la lumière est allumée, on sourit, et puis… J'aime bien cette idée des scènes de théâtre, où des gens vivent des malheurs absolus et sont obligés de jouer. Ca me correspond bien.

Le pire, c'est quand tu crois connaître ton/ta partenaire, et que tu te rends compte que d'une minute à l'autre tout peut basculer : en l'espace d'un instant, elle/il devient une personne totalement étrangère… C'est un sentiment vraiment horrible.

C'est horrible. Horrible. Mais si tu te retournes sur ta vie, il y en a qui disent qu'ils ont perdu du temps, moi je suis plutôt du genre à me dire que j'étais tellement pur et vrai avec elle que j'ai plutôt gagné du temps sur ma vie… Mais c'est terrible, c'est clair. Mais quelque part il faut être honnête et quitter l'autre au moment où tu le veux. Il y a des personnes qui restent ensemble et puis t'arrives à tes vieux jours et tu te dis que t'as gâché ta vie ou celle de l'autre, parce que tu sais qu'elle voulait te quitter depuis toujours mais qu'elle ne l'a pas fait, ou vice versa. Il n'y a rien de plus terrible.

Tu racontes les maux du cœur avec crudité, sans pudeur ni politesse. Est-ce pour toi la manière la plus sincère pour parler de ce genre de choses ?

C'est la plus sincère pour moi. Ce sont les mots que j'emploie tous les jours. J'aime bien cette idée de ne plus mentir. Tu vois, j'ai 35 ans, j'ai vécu au sein d'autres groupes pour lesquels j'écrivais des textes beaucoup plus mystiques, beaucoup plus difficiles à comprendre : le sens était caché derrière les images, était très difficile à discerner. Là aujourd'hui j'éprouve de la jouissance absolue à me retrouver devant des gens et à leur dire tout crûment ce que je pense. Ca me fait vraiment du bien, quoi ! Tu vois les yeux des gens et tu leur dis " je, je, je " avec des phrases très crues… Mon petit challenge c'est de rester dans le format chanson et poésie, avec mes mots. C'est ça qui m'intéresse.

Es-tu fier en un sens de " toutes les ignominies que ta bouche peut déverser " ?

Si tu veux, oui. Mais si tu me vois à 6h du matin complètement saoul ou à 6h du soir complètement clean, je te parlerai pareil. On pourra avoir la même discussion au sujet de l'amour. C'est quelque chose de fort : ne plus mentir, ne plus être un imposteur… Parce que souvent on va à son travail et on est obligé de se cacher derrière son costard. Moi non : mon travail ma permet d'être moi-même 24h/24.

Se dire tout, ne rien se cacher, est-ce selon toi une condition essentielle à l'harmonie dans un couple ?

C'est clair ! Moi par exemple ma copine, je ne la vois pas beaucoup, mais quelque part elle se raccroche au fait qu'elle sait que je suis vrai, et que je sais qu'elle est vraie. Je ne vois pas pourquoi je ferai n'importe quoi en son absence… Tu sais, chaque mensonge est un boulet qu'on traîne derrière soi…

Concernant l'écriture de tes textes : on te sent proche d'une certaine démarche littéraire à l'américaine, basée sur l'oralité.

(surpris et ravi) Tu tapes dans le mille ! Ecoute, moi je suis très fan de Brautigan, de John Fante, de Bukowski, de Salinger… J'ai tout lu, même leurs romans pas traduits. Ce sont des gens qui me touchent vraiment.

" Il y a une question " contient une référence à " L'Attrape cœurs ", non (" NDR : Où vont les canards quand ils ont trop froid ") ?

A fond ! Et " mon chien stupide ", c'est Fante ! Ce sont des petits clins d'œil à mes héros…

Est-ce que le format de la chanson pop te semble la meilleure manière pour mettre en musique tes histoires ?

J'ai la chance que ma maison de disque me laisse faire ce que je veux : si sur l'album la plupart des chansons sont formatées, j'en ai plein en réserve qui ne le sont pas. La chanson pop pour moi, c'est faire monter un couplet jusqu'au refrain, pour le faire exploser. Pour moi le maître en la matière, c'est Arno : il arrive à faire des chansons pop ou punk absolues, et juste après il va te sortir une complainte interminable piano-voix ! Il n'a pas de limites : sa seule limite, c'est son imagination… Et puis il ne perd jamais son identité, parce que sa voix est toujours là. C'est l'exemple que j'essaie de suivre.

Dans ta musique aussi tu passes d'un genre à l'autre : on y entend une fanfare, des arrangements de cordes, des guitares rock… En fin de compte ça résume bien tous les états de la rupture : la colère, la tristesse, la désinvolture,…

Et la beauté. Ca peut être très beau, une rupture. C'est une horreur, certes… Mais une horreur qui peut être très belle. Il y a une descente aux enfers irrémédiable mais ça peut aller chercher en toi des choses insoupçonnables. Tu grattes le fond de toi-même… Donc la rupture, si c'est pas mortel, c'est majestueux.

Et c'est universel ! A cet égard quel rôle doit selon toi jouer l'artiste face à son public ? Comment te positionnes-tu par rapport à tes fans ?

Je me sens très profiteur. Quelque part, je me sers d'eux, de leurs sourires, de leurs yeux qui brillent… J'en profite, c'est pour moi, quoi ! Je suis heureux que ça leur fasse du bien, mais c'est à moi que ça fait du bien - de les voir comme ça ! Les gens c'est mon psy, ouais…

Ca fait parfois du bien de penser d'abord à soi, surtout quand tout va mal…

C'est clair. Moi j'ai une TV et je l'allume plus du tout. Et puis quand ça ne va pas bien je regarde le journal de 20h et, c'est hyper affreux ce que je vais dire, mais je me rassure en me disant que ma petite vie, finalement, n'est pas si mal. Le tremblement de terre il est dans mon cœur, mais je ne suis pas sous les décombres.

L'amour parfait, deuxième ?

C'est quand tu te réveilles et que tu vois ta chérie qui dort à côté de toi, et tu te dis : " C'est avec elle que je veux vivre toute ma vie ". Et quand tu sais que tu ne te mens pas à ce moment-là, c'est encore un moment de gagné sur la vie. C'est du bonheur, ça dure un court instant, mais tu recules le temps de la fin, quoi… C'est ça, pour moi, l'amour parfait.