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Todd Rundgren

Mon ordinateur est un ami

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Personnage emblématique du rock progressif des seventies, producteur qui a bâti sa réputation au cours des eighties, Rundgren a toujours été en avance sur son époque. Sans doute un peu trop. Car hormis son expérience Utopia, ses albums n'ont jamais rencontré qu'un succès confidentiel. Aujourd'hui, il s'est transformé en porte-parole du nouveau procédé de lecture du compact disc interactif. Une nouvelle technologie qui vous accorde la liberté de moduler à l'infini (ou presque!) une même composition, suivant vos goûts ou votre humeur. C'est en tout cas ce qu'il nous a expliqué lors de la démonstration accordée à Gand et démontré à travers son album "No World Order", totalement conçu pour le nouveau procédé CDI. A l'issue de cette conférence, il nous a accordé cette interview...

Tu as un jour déclaré que dans le futur, il y aurait de plus en plus d'horizons musicaux à explorer, de plus en plus de nouvelles idées à développer. Or la plupart des artistes issus de ta génération affirment purement et simplement le contraire. Que le rock et la pop d'aujourd'hui sont atteints de revivalisme aigu. Qu'en penses-tu?

D'une certaine manière, je partage ce point de vue. Cela ne m'empêche pas de penser que nous sommes très loin d'avoir épuisé le potentiel de la connaissance humaine, et de croire fermement que la musique populaire contemporaine dispose encore et toujours d'un énorme potentiel créatif. J'admets que ceux qui se contentent de sampler leur prochain ou de piquer systématiquement des sonorités à gauche et à droite font le lit du revivalisme. Les musiciens se sont souvent rendus coupables de répétition. En voulant remettre les idées du passé au goût du jour. Le style d'écriture est devenu trop formel. Il faut l'admettre. Ce problème existe également dans les autres formes d'art. L'originalité vit hors de la norme. Il faut se donner la peine de gratter un peu la couche de vernis pour la découvrir. Depuis mes débuts, j'ai toujours essayé de trouver les moyens pour la mettre en évidence. Etancher la soif des nouvelles idées par la technologie.

Oui, mais la technologie, n'est-elle pas le fossoyeur du rock'n roll?

La commercialisation est le plus grand fossoyeur du rock'n roll. La technologie est une abstraction. L'électrification de la guitare est une innovation par rapport à son utilisation acoustique. L'important, c'est d'y maintenir le degré d'émotion. Mon computer est mon ami. Pour d'autres personnes, il est un ennemi. Il m'aide à créer. D'une certaine manière, c'est une forme de relation privilégiée. J'ai toujours essayé d'estomper la distinction entre l'aspect technologique et la forme émotionnelle de la musique. Mais la plupart des artistes ne comprennent pas le milieu au sein duquel ils travaillent. Ils s'y sentent mal à l'aise. Pourtant, il est beaucoup plus facile d'obtenir un résultat tangible, si tu tires parti au maximum du potentiel d'un studio.

Penses-tu qu'en disposant d'un CDI, monsieur 'Tout le monde' peut devenir producteur?

Je ne vends pas de la créativité. Je propose une expérience au sein de laquelle l'auditeur est impliqué. Il est dangereux de faire croire au détenteur d'un tel lecteur qu'il concocte sa propre création. Créer est beaucoup plus complexe. Je ne crois pas, d'ailleurs, que chaque utilisateur souhaite devenir un producteur. J'imagine mal que le premier venu soit capable de composer une chanson, de la jouer, de la chanter, de la sculpter. Il faut d'abord connaître son métier, et puis tenir compte de l'attitude individuelle du créateur ; une attitude qui n'est pas nécessairement la même chez tous les compositeurs, et encore moins chez l'auditeur.

Pour bénéficier des vertus du CDI, il est indispensable de se procurer un lecteur approprié. N'est-ce pas un peu pousser à la consommation?

Euh!... Il faut placer cette invention dans un contexte à plus long terme. Si j'avais été uniquement l'objet d'un projet lucratif, je n'aurais certainement pas accepté la proposition de Philipps. Mais il faut rester réaliste. D'un côté, je mène des expérimentations technologiques. De l'autre, il y a un énorme marché qui se pointe à l'horizon. Pas seulement dans le domaine de la musique, mais aussi et surtout de la vidéo. Avec ses spécificités techniques et éthiques. Quel sera le meilleur matériel? Qui emportera le marché? Personne ne peut encore le dire. Mais ce sont des choses qui ne me concernent pas. Mon rôle se limite à la création et à la recherche.

Dans cette nébuleuse interactive, que devient Todd Rundgren? Un musicien, un compositeur, un concepteur ou un producteur?

J'ai toujours voulu varier les disciplines. Malgré mon intérêt pour la technologie de pointe, je joue toujours de la guitare acoustique. Lorsque j'en ai le loisir. Et je ne pense pas que ce soit un problème pour moi de multiplier les fonctions. Pour deux raisons. La première procède de ma volonté à ne pas être pris au piège du business. La seconde? J'ai oublié... (rires)... Je déteste toujours faire la même chose. Si je ne pouvais explorer qu'une seule corde de mon arc, je me sentirais frustré...

Comme producteur, tu as travaillé avec des artistes comme les New York Dolls, Patti Smith et Psychedelic Furs. Est-ce que ce style musical te touche encore?

Pourquoi pas? Mais ces groupes appartiennent au passé. Mes goûts sont en constante évolution. Je m'intéresse à de multiples formes de musique contemporaine. J'aime Beck. Son attitude. Et puis également des ensembles obscurs dont personne n'a probablement jamais entendu parler ici. Des formations qui apportent quelque chose à la musique. Mais en vérité, je ne m'intéresse pas tellement aux musiciens, mais plutôt aux sonorités qu'ils parviennent à développer. Il existe, par exemple, un groupe qui répond au nom de Life. Je déteste son dernier album, à l'exception d'un seul fragment que j'estime remarquable. Mes goûts sont très variés et paradoxaux. Le rap me branche également. Je pense à Public Enemy. Aux messages sociaux qu'il colporte. A son débit rythmique sonique. A sa liberté de langage. J'ai beaucoup synthétisé cette forme musicale...

Tu as également produit les deux albums du groupe Pursuit of Happiness. Un très chouette groupe canadien que je crains être disparu depuis quelque temps.

Il a enregistré un troisième opus. Mais celui-ci a été produit par un grand producteur de heavy metal. L'entreprise a cependant complètement foiré. Dommage! Mais le groupe existe toujours. Il est constitué de musiciens formidables capables d'écrire de remarquables chansons et de graver de superbes disques. Il possède ce petit quelque chose qui vous fait craquer. Difficile à expliquer, d'ailleurs. J'aimerais travailler à nouveau pour eux. Qui sait? Peut-être dans le futur!...

En 1991, tu as mis fin à une longue collaboration avec Warner Music. Que s'est-il passé?

C'est un problème spécifique au business musical. Je n'étais probablement plus en odeur de sainteté. Ou alors trop vieux. Surtout, je ne vendais plus assez de disques à leurs yeux. Le label a toujours espéré que je ferais un come-back comparable au succès rencontré début des seventies. Mais cette idée n'a jamais été un but pour moi. Aussi, comme il existe de nouveaux et jeunes talents qui montent. Plus dociles, potentiellement plus rentables... Enfin, au bout de près de vingt ans chez la même firme de disques, cette solution me semblait un aboutissement normal. Et, c'était sans doute mieux ainsi. Je n'avais plus à justifier mes ambitions computarisées. Et j'ai les mains libres pour entreprendre ce que je fais aujourd'hui. Mon CDI en est la plus belle démonstration.

Version originale de l'interview parue dans le n° 28 (novembre 94) du magazine MOFO