Les Sparks comptent aujourd’hui 55 ans d’existence ! Et viennent de publier un nouvel elpee, « The Girl Is Crying In Her Latte ». Il y a à peu près un an, le duo se produisait à l’Ancienne Belgique pour un concert mémorable. Il est de retour ce mardi 20 juin, mais au Cirque Royal ; mais paradoxalement, la salle n’est pas comble. Et pourtant, des chaises ont été installées dans la fosse.
Ron et Russel Mael (78 balais, quand même !) s’efforcent toujours de renouveler leur musique. Tout au long des vingt-quatre albums que les frangins ont gravés –y compris l'album avec Franz Ferdinand et sans la bande originale d'Annette– tant de styles différents ont été explorés, qu’il est difficile de tous les décrire.
Le supporting act est assuré par Jim Burke, un hurluberlu bien sympathique qui répond au pseudo de M. B. Le Gentleman Rhymer. Un original en smoking queue de pie de couleur noire armé d’un mini banjo et d’une tablette. Et qui rape ou slamme, quand même ! Ce parodiste britannique bcbg s'habille avec style et dignité, fume la pipe et joue au cricket. Il a grandi à Cheam et fréquenté la Sutton Grammar School pour garçons. Il se produit régulièrement dans des pubs du Kent anglais. Son ‘chap hop’ est une sorte de hip hop dispensé avec un accent prononcé. Il vient de sortir son dixième album, « Quid Pro Flow », début juin 2023.
A la surprise générale, il entame son set par une reprise du « Here Comes Bob » des Sparks. La version est étrangement entraînante, cool et enfantine. Il faut le temps de pénétrer au sein de cet univers très second degré. Compo personnelle, « Hail The Chap » s’autorise un country rap. Hormis celles du banjo, les sonorités sont samplées via la tablette. Il enchaîne alors un long morceau composé de 11 extraits de chansons de Sparks. Un brin électro-swing, « Looking Forward To Leaving » est une autre compo issue de son répertoire. Et il achève son récital par le « Suburban Homeboy », des Sparks. Une première partie intéressante et surtout insolite. Faut dire que les frères Mael ont toujours eu le nez creux pour choisir des supporting acts décalés.
Setlist : « Here Comes Bob » (Sparks cover), « Hail The Chap », « Amateur Hour, Get In The Swing, Big Boy, Moustache, What Are All These Bands So Angry About ?, Strange Animal, Mickey Mouse, I Predict, When I'm With You, Missionary Position, All You Ever Think About Is Sex » (Sparks cover), « Looking Forward To Leaving », « Suburban Homeboy » (Sparks cover)
Après un petit changement de matos et une balance qui a duré un quart d’heure, les lumières de la salle s’éteignent. Les haut-parleurs diffusent « So May We Start », intro de la B.O. du film ‘Annette’. Le logo du band s’affiche en arrière-plan, lettre après lettre, guidé par un chenillard.
Le light show est constitué de 12 rectangles de leds placées sur des rampes verticales. Mais également d’une vingtaine de projecteurs placés au plafond destinés à mettre en exergue les artistes de teintes tour à tour bleue, jaune, rouge ou orange. Une estrade a été posée à l’arrière de la scène sur toute sa la longueur. Quatre musiciens s’y installent : deux guitaristes, un drummer et un bassiste.
Le look de Ron est toujours aussi atypique : une longue gabardine noire, un pantalon à pattes d’eph’ trop court de couleur grise, mais à large liséré noir, des chaussures trop grandes pour lui, des lunettes rondes chaussées sur le nez souligné d’une fine moustache, sans oublier son air sérieux et le regard fuyant. Il part immédiatement d’asseoir derrière ses claviers plantés à l’avant du podium et ne quittera son siège qu’à deux reprises : venir chanter trois mots et pour exécuter sa danse de l’automate désarticulé. Son look ne change pas depuis des années. Le sourire aux lèvres, Russel salue spontanément la foule en criant ‘Bonjour Bruxelles’, dans un français impeccable. Il a enfilé un costard aux couleurs de la Belgique. Un veston noir en haut, rouge en bas, un froc de couleur noire et des pompes de teinte jaune vif !
Issu du dernier opus, « The Girl Is Crying In Her Latte » ouvre le set. Un rock teinté d’électro, dont les paroles s’affichent sur la tenture arrière. Ce qui entraîne l’auditoire à exécuter un magnifique karaoké. « Angst In My Pants » (Trad. : de l’angoisse dans mon pantalon) oscille de la power pop à la synthpop néo-romantique, sous l’œil avisé de Ron, bien entendu.
Russel est un communicateur né, il a le don de rallier le public à sa cause et l’art de chauffer le public dans une salle. « Beaver O'Lindy » est un extrait de « A Woofer in Tweeter’s Clothing », le long playing le plus délirant et le plus caustique de la fratrie. Russel possède un timbre haut-perché légèrement nasillard qu’il pousse parfois en falsetto très aigu, inimitable. Sparks balance son premier skud, « When I'm With You », rappelant qu’en 1979 il avait bénéficié du concours du producteur Giorgio Moroder pour mettre en forme « No. 1 in Heaven », opérant alors un virage à 180 degrés en passant du glam rock à la pure musique électronique. Bien équilibrée, la setlist alterne anciens morceaux, parfois peu connus, hits et extraits du dernier LP, à l’instar de « Nothing Is As Good as They Say It Is ». Brandissant l’humour comme un étendard révélateur des maux et des troubles de nos sociétés, les portraits laissent ici une grande place aux femmes, adulées ou invisibles. S’ouvrant sous une forme semi-acoustique plutôt paisible, « It Doesn't Have To Be That Way » monte progressivement en puissance et vire au rock. Dansant, « Balls » navigue aux confins des univers sonores de Gary Numan (pour l’électro) et des Pet Shop Boys (pour la sophistication). « We Go Dancing » invite, bien évidemment, à la danse. Ce qui décide d’ailleurs les plus audacieux à faire le pas. Mais dès la fin du morceau, ils reprennent leur place sur leurs chaises.
Ron est toujours aussi impassible. Parfois il esquisse un demi-sourire pendant quelques secondes. Il se lève quand même pour rejoindre son frère afin de poser une voix de slammer sur « Shopping Mall of Love », avant de retourner derrière ses claviers. Mais c’est l’euphorie dans l’auditoire lorsqu’il se redresse une nouvelle fois, jette son manteau noir sur ses claviers et exécute une danse d’automate désarticulé pendant « The Number One Song In Heaven », avant de revenir, derechef, tranquillement derrière ses ivoires. « All That » est une compo qui vous flanque des frissons partout. En 20 titres, Sparks a puisé au sein de 14 de ses albums. Ce qui a démontré son extrême polyvalence, passant du glam rock à la dance pop en transitant par la musique électronique et l‘électro/pop contemporaine, tout en y ajoutant une attitude théâtrale. Un groupe intemporel ! Parfois, le backing group s’efface afin de laisser la fratrie donner toute la mesure de son talent… Russel remercie alors Bruxelles, là où les frères Mael ont enregistré deux elpees. Un vrai régal ! Impérial ! Du grand art !
Setlist : « So May We Start », « The Girl Is Crying In Her Latte », « Angst In My Pants », « Beaver O'Lindy », « When I'm With You », « Nothing Is As Good as They Say It Is », « It Doesn't Have To Be That Way », « Balls », « Shopping Mall of Love », « The Toughest Girl in Town », « Escalator », « We Go Dancing », « Bon Voyage », « Music That You Can Dance To », « When Do I Get To Sing My Way », « The Number One Song In Heaven », « This Town Ain't Big Enough For Both Of Us », « Gee, That Was Fun ».
Rappel : « My Baby's Taking Me Home », « All That ».
(Organisation : Gracia Live)