Certains concerts marquent à jamais de leur empreinte la mémoire et l’imaginaire. Pour diverses raisons, parfois très subtiles. Pour trois enfants âgés de onze, neuf et huit ans, ce tout premier concert avec papa (ça, c’est moi), cette soirée restera tout simplement inoubliable. C’est que peu de monde peut se targuer d’avoir été le pôle d’attraction de l’artiste pendant toute une soirée. Compte-rendu au travers des yeux d’enfants émerveillés par la simplicité et la gentillesse d’une grande artiste.
Ce soir, pas de cirque, pas de cinéma, mais pour la toute première fois, un concert avec papa. Nous découvrons les jardins du Botanique et nous nous amusons dans ses allées. Quand papa nous rappelle à l’ordre. C’est qu’il n’a pas envie du tout de rater le début du concert ! Et puis, vu notre taille, mieux vaut rentrer parmi les premiers, histoire de jouir d’une vue imprenable sur la scène. L’attente est un peu longue, mais elle vaudra assurément le coup.
Quand EMA monte sur scène, le violoniste s’est déjà lancé dans une intro sombre et tourmentée. Les jeux de lumières ajoutent une aura particulière et nous plongent directement dans l’ambiance. EMA (pour Erika M Anderson de son vrai nom) se lance alors dans un spoken word habité qui plante le décor.
A peine avons-nous fini d’applaudir à tout rompre que le morceau suivant s’enchaîne. La musique semble bancale, osciller entre douce folie et rage contenue. Maman dirait que ça sonne faux. Et papa rigolerait bien. EMA, elle, s’en moque pas mal, parce qu’elle a l’air complètement absorbée par son chant. Elle est habitée par sa musique. Quand elle interprète « Grey Ship », son navire tangue et menace d’être englouti par les flots, mais en capitaine de son navire ivre, la capitaine redresse l’embarcation et conduit le morceau à bon port. Intensément vibrant, cette plage s’échoue doucement sur les rivages d’un désespoir mal contenu. Simplement magnifique.
Après « Milkman », le groupe se fend d’une reprise des Violent femmes (« Add It Up ») tout simplement renversante. S’ensuivent la totalité des titres issus de son magistral premier album, « Past Life Martyred Saints », qui tous donnent cette improbable sensation d’être en équilibre précaire au-dessus du vide sans jamais menacer de sombrer.
Combinant avec justesse et émotion, déluge sonore et ambiances sombres, cette artiste fragile sous ses airs de foldingue (elle porte une chaîne autour du cou, comme un chien, c’est rigolo !) transporte la salle et comble le public qui pour la majorité découvre ce soir tout son potentiel.
Mais la vraie alchimie du moment, elle s’est déroulée entre elle, mon frère et ma sœur. Car touchée par notre présence, EMA a confié, à plusieurs reprises, son réel bonheur de voir des enfants au-devant de la scène. Un cadeau pour elle, un véritable souvenir inoubliable pour nous, qui avons même eu le privilège de gratter sa guitare en pleine séance de larsens. Hé ! Vous en connaissez beaucoup qui à nos âges respectifs ont fait du noise sur la scène de l’Orangerie ?
Transposés dans une autre dimension, nous l’avons contemplée se déhancher, onduler, psalmodier, s’extasier et enfin s’offrir complètement dans un show d’une rare véracité.
Pas de semblants mais de vraies émotions au bout d’un rappel terminé dans la poussière d’un « Red star » intense et contemplatif.
Nous ne pouvions partir sans la rencontrer, et c’est elle qui est venue à nous, aussi gentille et simple que lorsqu’elle se produisait quelques minutes auparavant. La star du jour nous demandant de prendre la pose en sa compagnie pour une série de photos immortalisant cette nuit magique que nous n’oublierons jamais. Merci Madame EMA, vous êtes une grande dame.
Organisation : Botanique