C’est déjà et malheureusement, le troisième et dernier jour que nous passons au Sziget. Tout nous semblait si paradisiaque : le lieu, l’affiche, la météo, la bonne ambiance ou encore les nuits interminables. Aussi une question nous vient à l’esprit. La Bible nous dit que nous devons accepter par la foi le fait que Dieu existe. Mais une théorie cosmologique nous précise que toute situation résulte d’un élément déclencheur. Ces moments paradisiaques vécus au Sziget démontreraient-ils l’existence de Dieu ?
Le soleil darde ses rayons sur l’arrière-scène de la Pop Rock Main Stage, lorsque Skunk Anansie monte sur les planches. Un show qui démarre en trombe. Crâne rasé, Deborah Dyer, alias Skin, est vêtue d’une combinaison moulante. Noire. Mouchetée. Garnie de plumes dans le dos, à hauteur des épaules. La frontwoman troque rapidement ses chaussures à hauts talons pour des bottines (Doc Martens) avec lesquelles elle pose les pieds sur le public en interprétant son tube « Weak ». C’est une véritable pile électrique en ‘live’. Le public est euphorique et l’accompagne au chant sur « Over the love », un extrait de son dernier album, « Wonderlustre ». « Charlie Big potato » et « Brazen » alimentent le début de set. « On my hotel TV » parvient à faire jumper la foule. Et en fin de parcours, Skunk Anansie nous réserve encore « Hedonism » ainsi que « Because of you », démontrant ainsi, s’il le fallait encore, que Skunk Anasie n’a rien perdu de sa verve.
Changement d’ambiance sous la Burn Party Arena. Il y fait torride pour accueillir Trentemøller. Dans le milieu des 90’s, Anders Trentemøller était parvenu à innover, dans l’univers électro, à l’aide de son projet, Trigbag. Une créativité que le Danois a bien pris soin de reconduire sous son patronyme. Faut dire que l’artiste n’hésite pas à puiser dans des tas de références, pour enrichir sa solution sonore ; aussi bien rock, krautrock que EBM. Auxquelles il n’hésite pas à ajouter des scratches. Et le show accordé ce soir s’inscrit parfaitement dans cet esprit. Embrumé, le début de spectacle est dominé par des projecteurs de couleur rouge (NDR : et tant pis pour les photographes !) Anders est soutenu par deux vocalistes plutôt sexys. Mais aussi par un guitariste et un drummer, à sa droite. Pourtant, c’est le natif de Copenhague qui est bien aux commandes. Il s’agite derrière ses consoles. Un show plutôt rare et certainement à revoir, au cours duquel on épinglera pour points d’orgue, « Moan » et « Take me into your skin »…
Rarissime également, la présence des Deftones, lors d’un festival. Un groupe de métal californien, fondé en 1988, à Sacramento. Devenu depuis culte, il est drivé par Chino Moreno. Du haut de son estrade, installé à l’avant de la scène, le leader ouvre la setlist par « Diamond Eyes » et « Rocket Skates », deux singles issus du dernier opus de la formation étasunienne, paru en 2010. Mais il ne tient pas très longtemps en place et saute d’un côté à l’autre du podium, devant ses fans surexcités! Et Sergio Vega, le nouveau bassiste du groupe, est aussi allumé. Il vient cependant soutenir Chino, aux vocaux, sur « Engine No. 9 » (NDR : Sergio a remplacé Chicheng, victime d’un grave accident de la circulation ; il est cependant sorti du coma et ses amis musiciens, parmi lesquels on épinglera les membres de Korn, Metallica et Disturbed, ont publié une chanson, dont les bénéfices, devraient lui permettre de supporter les frais médicaux). Chino est en forme. Et lorsque le band attaque « Be quiet and Drive » et « Elite », le spectacle est à son paroxysme. Le public pogote sec. Et il est insatiable. A peine le temps de sécher à l’écoute de « Sextape », et le combo nous balance « Birthmark », un véritable retour aux sources pour ceux qui, comme Ludovic, avaient flashé sur leur premier elpee. Que du bonheur ! On suivra aussi l’actualité de Chino qui a monté un nouveau projet baptisé Crosses †††, en compagnie de Shaun Lopez, le guitariste de Farn Concept qu’il compte mener en parallèle avec les Deftones…
Prodigy a déçu. Pourtant, fin 2009, il avait accordé une prestation époustouflante, à Forest National. La foule est cependant toujours aussi compacte en cette fin de soirée. Et la setlist épingle notamment « World's On Fire », « Breathe », « Omen » et « Poison ». Mais le son est loin d’être exceptionnel. En outre, la voix de Maxim semble lasse. Il ne chante pas, mais se contente de pousser des cris. Un ensemble de circonstances qui vont rendre le concert insipide…
On décide alors de se rendre devant le podium des musiques du monde, pour y applaudir Oi Va Voi. Ne pas confondre avec Oio Polloi. Oi Va Voi est une formation londonienne qui s’est déjà produite en Belgique, à plusieurs reprises. Notamment à l’AB, Dour et dans le cadre du festival Couleur Café. Leur troisième album, « Travelling the face of the globe », est paru en 2009 ; un disque dont les chroniques étaient plutôt partagées (http://www.musiczine.net/fr/chroniques/oi-va-voi/travelling-the-face-of-the-globe-ep/). Mais ce concert est surtout un bon prétexte pour goûter l’atmosphère au sein de laquelle baigne l’auditoire, face à cette Pesti Est stage. Un endroit que nous avons peu fréquenté. Il y avait bien eu Gotan Project, la veille, mais nous n’avions assisté qu’à une partie de leur show. La foule est bien moins nombreuse que près de la scène principale. Mais l’ambiance y est nettement plus conviviale. Des spectateurs affichent de grands sourires. D’autres s’égosillent, se mettent à siffler ou encore osent des pas de danse. Manifestement, le climat est propice à un bon concert de world. Et on a la chance de pouvoir le vivre. Maintenant, peut-on vraiment qualifier la musique d’Oi Va Voi de world ? Les puristes qualifient leur expression sonore de folk magyar teinté de rock britannique, d’afro-soul, d’électro, de musique traditionnelle indienne et hébraïque. Tour à tour, le chanteur/guitariste/mandoliniste/compositeur Nick Ammar, la vocaliste Bridgette Amofah, une véritable panthère noire dont la plastique est irréprochable et la longueur de la jupe, inversement proportionnelle à la dimension de sa voix (NDR : n’hésitez pas à jeter un coup d’œil à notre rubrique ‘photos’) ou la violoniste (NDR : d’origine indienne, elle remplace Anna Phoebe) se réservent le devant de l’estrade. Bref une manière idéale de clôturer, pour nous, ce festival, dans la joie et la bonne humeur.
Car l’heure est déjà au bilan.
Avec comme moins :
- on aurait aimé plus de World ou de Folk à l’affiche. A l’instar du Dranouter d’autrefois, qui a perdu sa spécificité folk. Faut dire que la tendance est de plus en plus au artistes pop-rock et aux têtes d’affiches hype qui drainent les foules.
- Les prix : par rapport à 2010, le montant du ticket d’entrée n’a pas augmenté. C’est un bel effort. Néanmoins, l’inflation fait également des ravages en Hongrie. Une situation qui pénalise les autochtones. Ils doivent casser leur tirelire afin de pouvoir participer à cet événement ; la plupart d’entre eux se contentant, le plus souvent, de s’y rendre, au mieux, un jour, lors du week-end.
Et comme plus :
- la météo ensoleillée, comparé au temps maussade vécu en Belgique, à la même période
- la diversité : des scènes, des bars, de la nourriture, entre autres…
- le public : encore plus international que chez nous, et moins focalisé sur la tranche 15-25 ans
- le cadre idyllique du site, et les charmes de la ville qui abrite ses thermes
Et si finalement, le Sziget était bel et bien la preuve que Dieu existe. Ce n’est pas pour rien que ce festival figure dans le top 10 de l’European Festival Awards. Et trône même en première place dans le top 5 du quotidien insulaire, The Independent.