Ce weekend des 26, 27 et 28 novembre 2010, l’agence de booking ‘Toutpartout’ et ‘Benelux Promotor’, en collaboration avec plusieurs salles de spectacles et clubs bruxellois, organisaient à Bruxelles, leur premier festival Autumn Falls. C’est dans ce cadre, le vingt-septième jour de l’hostile mois de novembre très exactement, et à l’Ancienne Belgique, que deux des plus attendus concerts de l’année se sont déroulés. Le premier a été dionysiaque, le deuxième apollinien.
Et tout d’abord celui de Dan Snaith, qui a rebaptisé le patronyme de son projet Manitoba en Caribou. Ce soir il est accompagné par trois musiciens. Leur objectif ? Transformer l’AB en territoire de célébration, à l’aide d’une musique faussement électronique. Et pour cause, ce psychédélisme est alimenté par la guitare, les drums et les synthés. Mais aussi par les projections qui servent de toile de fond ; en l’occurrence la spirale si spécifique de la pochette de « Swim », le dernier opus du groupe. Projections aussi hypnotique que les motifs hallucinogènes entretenus par « Kaili » ou « Labilela ». Tous les morceaux essentiels de cet opus y sont passés d’ailleurs, des titres toujours aussi fulgurants, éclatants, au bord de l’apocalypse, sur lesquels se pose la voix délicate de Snaith. La basse omniprésente et profonde ainsi que la batterie impétueuse se chargeant de rythmer les compos qui se succèdent sans merci pour le repos des corps et des âmes…
Et la fin sera magistrale. Une espèce de glorification solaire psalmodiée pendant de longues minutes, une louange à un soleil déjà disparu sur le firmament bruxellois depuis des heures, des jours, des mois, comme si cette danse, ce rituel, ce sacre anticipé du printemps pouvait le ramener à nouveau, cet astre, ce « Sun » répété tant de dizaines de fois par la bouche épuisée de Dan Snaith.
Lorsque Beach House monte sur l’estrade, le décor est transformé. Victoria Legrand s’assied au centre du podium. Elle sert littéralement d’aumônier de cette grande oraison collective qui va s’étaler pendant une bonne heure et demie. A ses côtés, Alex Scally ; mais également deux ou trois autres musiciens, selon, invités à soutenir sa voix caverneuse, à coups de guitares et synthés. En arrière-plan, on observe trois constructions énigmatiques, des pyramides hautes d’un mètre et demi ou un peu plus, comparables à des œuvres minimalistes, idéales, mystiques. La lumière, réduite à une lueur, ne nous permettra jamais de découvrir le visage presque aussi beau que sa voix, dit-on, de mademoiselle Legrand.
Le tracklisting de « Teen Dream » a été interprété, dans sa quasi-intégralité. Il a été enrichi de morceaux issus des autres LP publiés par le duo de Baltimore. Parfois, parmi les strates vaporeuses de sons synthétisés, un véritable tapis d’étoiles surgit et des dizaines de points de lumière se mettent à scintiller comme autant de centaines d’yeux émerveillés. Les sonorités nous caressent et un frisson nous parcourt l’échine. La voix, grave et légèrement éraillée, est la seule texture rugueuse dans l’univers féerique de Beach House où il n’y a pas de place pour le risque ou l’improvisation. Tout semble solide comme de la pierre, cohérent, maitrisé. Heureusement, d’ailleurs. Ainsi, nous nous y baladons en leur accordant notre confiance, au rythme langoureux de « Silver Soul », « Norway » ou « Better Times », moment choisi par les claviers pour atteindre toute leur puissance. Les sonorités diffusées par les haut-parleurs, ce soir, sont si limpides, que le rêve évoqué par Beach House semble palpable, près de nous. Tout, tout près de nous…
Caribou + Beach House