Il existe de nombreux points communs entre les enfants et les amateurs de Rock, et ce, mis à part une certaine part d'immaturité revendiquée. Notamment ce plaisir sans cesse renouvelé de se faire peur.
Dans ce domaine ludique, nous, adorateurs de ce qui fût à une époque pas si lointaine encore appelé la musique du diable, nous excellons dans un petit jeu macabre. Proclamer haut et fort que le Rock est mort (ou la Pop, sa sœur sucrée, selon les tendances). Et de lui trouver urgemment un sauveur. Foncièrement voué à l'échec, cette quête n'en revêt pas moins une importance de taille. Il permet au genre d'aller de l'avant, à défaut de le renouveler. Et de lancer les étoiles dans le firmament, tel un feu d'artifice teinté des couleurs de l'espoir. O la belle bleue, o la belle rouge. Et en l'espace de quelques instants, la star pâlit, jusqu'à disparaître bien souvent complètement. Ou parfois, une légère aura continue de scintiller dans le ciel. Ou parfois, mais c'est beaucoup plus rare, l'étoile s'accroche à un pan du ciel, et grossit, grossit, et se mue en astre. Alors, durant l'éclipse, tel ou tel autre groupe est appelé à nous sortir des ténèbres. Ironique si l'on pense que le noir nous va si bien. Ainsi soit-il !
Aujourd'hui, que descende donc l'aura de lumière des flamboyants Arcade Fire, nouveaux fers de lance proclamés et encensés aux quatre coins de la planète. Et voyons si le salut du Rock passera par eux. Pour ce faire, je chausse mes lunettes teintées, met ma crème indice protection 3, pas plus. Point trop n'en faut. Je ne fais pas partie de la horde sans cesse grandissante des aficionados du groupe, je n'attends donc rien de particulier de cet opus, et encore moins il est vrai qu'il nous sauve de quoi que ce soit. Allez hop! C'est parti.
D'entrée, « The suburbs », le premier morceau donne le ton. Les Canadiens savent y faire. On le savait déjà. Une chanson Pop parfaite, sans trop de sirop d'érable. Ne reste plus qu'à tenir la longueur. Et quelle longueur! Une heure à se dorer la pilule. L'exercice risque d'être périlleux. Car si l'album venait à faiblir, les nuages de l'ennui ne tarderaient pas à venir nous faire de l'ombre. Après un peu plus de cinq minutes, les voilà « Ready to start ». Ah bon? C'était pas déjà commencé? S'enchaînent pêle-mêle un « Modern man » à la rythmique subtilement syncopée-atrophiée, un « Rococo » dont le titre pourrait faire craindre le pire (qu'il évite fort habilement) dont les guitares shoegaze annoncent le morceau suivant, un « Empty room » aux sonorités 90's, improbable rencontre entre Kevin Shields et... Abba. Assurément un moment clé de l'album. Ça tape fort. Le ton se fait ensuite plus ouaté. Toujours aussi lumineux. Qu'à cela ne tienne! Inutile de se brûler les ailes trop rapidement. Demandez à Icare ce qu'il advient quand on s'approche trop du soleil. Puis, déjà, vient le dixième morceau, « Month of May ». Là, le pouls s'accélère. La sueur perle. Les genoux s'entrechoquent. Efficace. Trop efficace. Debout sur ma serviette de plage, je m'apprête à me remuer, je suis lancé, le sable est trop chaud, je veux en découdre. La machine est lancée. Mais au lieu de cette débauche de décibels que j'attends avidement, je suis convié à m'assoir et balancer la tête gentiment sur une paire de ballades, certes, fort agréables, mais un rien frustrantes. Allez, quoi, c'est quand qu'on se bouge? J'attends impatiemment de pouvoir me remuer à nouveau. Las. Je ne quitterai plus le sol. Mes rêves de lévitation s'évaporant dans les arrangements synthétiques et vaporeux de « The suburbs », en version onirique, qui clôt le chapitre. Entre temps, des morceaux comme le très 80's « Sprawl II » ou l'entêtant « We used to wait », au tempo de plus en plus soutenu, m'auront convaincu du talent indéniable du combo à rallonge de Montréal. Mais point de coup de soleil. Tout juste un coup de chaleur.
Un album Pop de haute tenue, magnifiquement orchestré, un poil trop poli (ah! Cette obsession pour les productions léchées), bref, un des albums de l'année, pour les amateurs du genre. Mais cela n'empêchera pas le Rock de mourir à nouveau. Pour mieux renaître de ses cendres. L'apocalypse est pour demain, et après-demain, et ainsi de suite... Et c'est très bien comme ça. Bon, allez, c'est pas tout ça, moi, je retourne dans ma cave.