Le dernier album de Bowie a fait couler beaucoup d’encre. Enfin façon de parler. D’ailleurs, il suffit d’aller voir sur les moteurs de recherche, pour se rendre compte du nombre de chroniques qui lui ont été consacrées. Bref, votre serviteur va essayer d’aborder ce texte sous son angle, le musical possible. En remettant l’œuvre dans son contexte, bien sûr.
Si ses lyrics sont tour à tour explicites (NDR : au cours de « Dollar days », il confesse : ‘je vais mourir’) ou alors symboliques, il servent d’indices à un véritable jeu de piste qui scanne de nombreux moments de son existence. Un peu comme un mourant, avant de s’éteindre, repasse le film de sa vie. La booklet est de couleur noire, et les paroles sont en surimpression brillantes, mais de la même teinte. Pas toujours facile de les décrypter. Le titre de l’opus se réfère à l’étoile noire. Pas celle de Dark Vador, quand même. Suivant la bible, Jésus a ressuscité « Lazarus ». Bowie espérait-il secrètement un miracle ? Une chose est sûre, il avait parfaitement programmé sa fin de vie. Publiant, par ailleurs, cet opus, deux jours avant son départ. Vers quelle constellation ?
L’œuvre ne baigne certainement pas dans la béatitude. C’est sûr ! Le climat est sombre, très sombre, mais l’expression sonore est riche, très riche, même. Le premier instrument dont a joué l’artiste était le saxophone. Et lors des sessions, il a notamment reçu le concours d’un saxophoniste de free jazz notoire, en l’occurrence Donny McCaslin, qui accentue l’aspect dramatique et tourmenté de la plupart morceaux. A l’instar du titre maître (NDR : près de 10’ quand même), piste dont la succession d’atmosphères, entretenues par la voix (parfois overdubbée ou vocodée) de Bowie, embaumées de chœurs, mais aussi déchirées par les drums, parsemées d’effets électro et même balayées par un filet de flûte, évoque l’univers de King Crimson. Celui qu’a illuminé Mel Collins de son sax. Pensez à « In the wake of Poseidon », « Islands » et « Lizard ». Un instrument toujours très présent sur « ‘Tis a pity she was a whore », un titre bien enlevé par des drums métronomiques. Qui se révèlent bien plus amples sur « Lazarus », un morceau aux nappes sonores gémissantes, sensation de douleur accentuée de nouveau par ces cuivres.
Plus surprenant et même carrément angoissant, bien que rythmé, « Sue (Or in a season of crime ») nous replonge dans la galaxie de la bande à Robert Fripp qui aurait percuté celle de Boards of Canada après avoir frôlé une comète drum & bass. Incantatoire (NDR : cette voix suppliante !), « Girls love me » baigne au sein d’une atmosphère plutôt mélancolique, mais paradoxalement réminiscente de Peter Gabriel, circa « Us ». Même la voix et les arrangements rappellent l’œuvre la plus amère de l’Archange. Et si les deux derniers morceaux de l’elpee se révèlent davantage pop, ils ne sont pas pour autant plus allègres. « I can’t give » est hanté par un saxophone plus nightclubbien. Tout comme « I can’t give everything away » ; mais sur cette plage finale, la voix de Bowie se contente de crooner.
Un fameux testament, dont il faudra des années (lumières ?) avant d’en connaître tous les secrets… C’était certainement sa dernière volonté ! Coproduit par le fidèle Tony Visconti, et pas vraiment facile d’accès, « ★ » est un album 5 étoiles, mais de couleur noire !