Pour tous ceux qui auraient loupé un ou plusieurs épisodes de ces folles aventures, reprenons les choses au commencement. David Pajo demeure une des figures emblématiques du rock alternatif. Ce garçon a creusé de nombreux fossés, perçant de nouvelles galeries, ouvrant des perspectives aux jeunes générations.
Fin des années 80, on retrouve David Pajo à bord de Slint, groupe impétueux, posté à l’avant-garde du math-rock. Dans les nineties, le musicien portera les couleurs de The For Carnation et, surtout, des incontournables Tortoise. Fort de ces différentes expériences, David Pajo est régulièrement sollicité. Ainsi, en 2003, Billy Corgan, alors en dépression post-Pumpkins, lui propose une virée du côté de chez Zwan, supergroupe à la mégalomanie assumée.
En solo, David reste discret. Caché sous les patronymes d’Aerial M ou de Papa M, il livre régulièrement des disques de bonne facture. L’année 2005 marque néanmoins un tournant dans la vie de cet expérimentateur de l’ombre. David Pajo décide, en effet, de chanter sous son propre nom. Révélation. Plus fort encore, son premier album porte son nom : écouter l’éponyme « Pajo » et pleurer la dépouille d’Elliot Smith...
Elliot Smith. On y revient toujours. Le nouvel album de David Pajo s’intitule « 1968 ». Très bien. En 1968, Elliot Smith n’était pas encore né. Même pas mort. De toutes façons, les pop-songs de David Pajo s’inscrivent au calendrier de ses loisirs. Il ne cherche pas à reproduire les délices sonores du pauvre Elliot. Pourtant, il s’en approche, insouciant de son époustouflant talent. Peu médiatisé, David Pajo constitue une alternative de choix aux œuvres des Beatles et de Nick Drake. Pajo ou la plus belle découverte pour tous les lèche-bottes de Sufjan Stevens. Les chansons gravées sur « 1968 » forgent davantage encore ce constat. Les mélodies s’enchaînent, laissant derrière elles des effluves sixties revigorantes. On s’incline devant la classe de certaines compositions : « Who’s That Knocking », « Insomnia Song ». On sourit en percevant un clin d’œil mélancolique : « Let It Be Me ». On se délecte de cet album en forme de livre de chevet. A écouter le soir, au coin du lit, un peu d’herbe à la main. Sans crainte du lendemain.