Artiste tout terrain, boute-en-train légèrement schizophrène, Benjamin Schoos, alias Miam Monster Miam, revient sur le devant de la scène pour nous présenter « L’Homme Libellule », son septième album. Depuis Liège, l’artiste plane à travers les décennies et (ré)explore les galaxies axiales de la pop moderne. Après une série d’albums ancrés dans la plus pure tradition folk, Miam Monster Miam signe une petite tuerie, méchamment décalée, clin d’œil assumé à l’Homme à la tête de chou et à de nombreuses théories scientifico-fictives. Une pochette splendide, des sonorités seventies arrangées en pleine guerre des étoiles, une bonne dose d’humour : c’est le grand retour de Miam !
Sur « L’Homme Libellule », ton nouvel album, tu délaisses la musique folk, tes côtés les plus sombres, pour te concentrer sur des mélodies ouvertement rétro futuristes. Comment expliques-tu ce changement de direction ?
J’essaie toujours de me surprendre en suivant mes inspirations du moment. J’avais enregistré un disque, juste après « Soleil Noir ». Ce mini album s’intitulait « L’histoire de William Buckner ». Il était très minimaliste… La suite logique de « Soleil Noir » devait être « Baby Banjo », un enregistrement très folk. Mais sur cet album, je touchais vraiment aux limites du style. D’une certaine façon, il s’agissait du disque de trop. Si bien que le jour du mixage, je suis arrivé en annonçant : « On ne mixe pas l’album ! Je vais faire autre chose ! ». A l’époque, l’envie de retravailler avec des synthétiseurs était très forte. J’ai donc commencé à enregistrer des morceaux qui me passaient par la tête en m’accompagnant de synthétiseurs. De fil en aiguille, le disque s’est profilé. Tout s’est passé très vite : pour me rendre au studio, je prenais le bus. Chaque jour, sur le trajet, j’écrivais les paroles des nouvelles chansons.
Une partie de l’album a été enregistrée au Danemark. Comment tes chansons sont-elles arrivées en Scandinavie ?
Quelques morceaux ont été composés, voire retravaillés, là-bas. Mais je ne m’y suis pas rendu… En fait, le gros du travail s’est déroulé à Liège, à la Soundstation.
Sur l’album, tu es accompagné des ‘Love Drones’, un orchestre un peu particulier. Peux-tu nous en parler ?
En fait, les ‘Love Drones’, c’est l’équipe de Phantom sous un autre nom. En gros, il s’agit de tous les musiciens qui accompagnaient Jacques Duvall sur son dernier album : Sophie Galet, Pascal Scalp, Georges Hermans, etc. On retrouve aussi Jérôme Mardaga (NDR : alias Jeronimo). Marc Moulin est également venu prêter main forte. Mais je tiens à souligner que Marc n’est pas un membre permanent de Love Drones ! Pour le disque, je me suis aussi entouré de gens qui s’appellent les Massachusetts. Dans la vraie vie, ils ne font que des reprises des Bee Gees. Là, pour l’occasion, je les ai invités à venir faire des chœurs sur le disque !
Sur le morceau « 69 Love Songs », tu collabores une nouvelle fois avec Jacques Duvall. Depuis quelques années, vous semblez vous attirer mutuellement. Comment êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?
Sur l’album « Baby Banjo », Jacques avait réalisé quelques reprises de grands standards de la musique traditionnelle américaine. Cette collaboration était géniale. Ensuite, on a embrayé sur l’aventure Phantom. Au départ, Jacques nous rejoignait uniquement pour enregistrer un disque. Mais l’ambiance aidant, il a pris goût à la scène. Aujourd’hui, je pense que nous formons une petite famille qui se personnalise sous les traits de Freaksville. Pour revenir à « 69 Love Songs », Jacques m’a aidé à écrire les paroles. C’est vraiment le roi de la rime : il est très fort ! A mes yeux, Jacques Duvall est un héritier de Gainsbourg. Et comme Serge Gainsbourg est assez présent dans les ambiances de « L’Homme Libellule », la collaboration de Jacques tombait sous le sens…
Justement, parlons de Gainsbourg… Son spectre traverse de façon évidente ton nouvel album. Comment cette idée est-elle, née ?
A la base, j’avais envie de réaliser un disque pop, en français… Très vite, la volonté de parasiter mes chansons s’est imposée… Après avoir trituré les synthétiseurs pour composer les nouveaux morceaux, je me suis posé une question : quelle grammaire utiliser pour les textes ? Mon désir, c’était de donner naissance à un disque de genre. C’est pour cette raison que j’ai composé des chansons dans un moule clairement défini. Ensuite, il fallait faire évoluer cet album vers d’autres horizons, afin d’éviter qu’il ne sonne comme une sorte de sous-Gainsbourg.
Selon toi, quel est l’impact de Gainsbourg sur la musique pop, en général, et sur ta propre musique, en particulier ?
Si on parle aujourd’hui de génie en évoquant Gainsbourg, il faut garder à l’esprit qu’en son temps, il enregistrait bide sur bide… Jacques Duvall me disait encore récemment qu’à l’époque, il n’était pas facile de dénicher les premiers enregistrements de Gainsbourg chez les disquaires belges… Dans le fond, le génie de Gainsbourg, c’est d’être arrivé à sentir ce qui allait marcher à l’étranger pour, ensuite, le mettre à sa sauce. Partant de là, avec Freaksville, on se sent proche du processus créatif entamé par Gainsbourg. Nous aimons mélanger la chanson à l’indie rock américain, l’esprit lo-fi à la langue française. Par contre, je pense sérieusement que certaines personnes pourraient être déstabilisées par « L’Homme Libellule », en le concevant comme une vulgaire photocopie de l’œuvre de Gainsbourg. Pour comprendre cet album, il faut creuser et dépasser les clichés.
Qui est « L’Homme Libellule » ?
Je trouvais très amusant d’opposer ce titre à d’autres intitulés de ma discographie : « Soleil Noir », par exemple. On se trouve là du côté sombre et crépusculaire de la chose. Cette fois, le titre implique quelque chose de plus lumineux. C’est assez logique en somme : « L’Homme Libellule » tire sur quelque chose de plus léger…
Sur l’album, tu allonges une liste de références artistiques à la mode (The Arctic Monkeys, la Star Académy, Asia Argento, etc.). Cherches-tu à opposer ce côté nouveau, hype, à une musique délibérément rétro futuriste ?
Peut-être inconsciemment. Mais ma musique s’inscrit dans mon époque… En ce sens, elle est terriblement présente. Après, on peut vraiment parler de ‘name droping’, une technique pop ancestrale…
En concert :
le 19 à la Soundstation
le 20 au Botanique
le 26 octobre à l’Abbaye de Stavelot
le 17 novembre au Rayon Vert à Jette