Salle comble. Plus une place de disponible pour ce concert attendu. Vérification faite, la hype draine donc bien les foules et met un sacré feu aux poudres. Les aiguilles ont dépassé la ligne des 21 heures et quatre asticots, musclés comme des crevettes belliqueuses, débarquent sur l'immense scène des Halles. Dans la fosse la tension a depuis longtemps franchi les limites calorifiques réglementaires. Bloc Party. Le nom est lancé. En moins d'un an, ces jeunes banlieusards londoniens sont parvenus à imposer au monde des tubes dantesques, une énergie positive et une imagerie foutrement sexy. En incontestable leader, Kele Okereke vient présenter son groupe. Une formalité pour la foule massée à ses pieds : voilà plus d'une demi-heure qu'elle scande inlassablement le légendaire patronyme.
« Like Eating Glass » ouvre les hostilités. Ici, personne ne réalise que le concert a réellement commencé. C'est la stupéfaction. Pour certains, cette vision scénique semble toucher au spirituel. En ce sens, Bloc Party est plus qu'une énième formation de rock'n'roll. Ces gosses ouvrent des portes aux enfants du rock, se posent en point de départ des goûts musicaux d'une nouvelle génération. Pour les plus vieux, c'est rassurant : tout les espoirs sont permis. L'explosion surgit lorsque le groupe laisse résonner l'énorme riff de « Banquet », troisième morceau d'un set puissant, sans fausse note. Kele racle les cordes de sa guitare, s'acharne corps et âme sur sa malheureuse Stratocaster. Dans son dos, Matt Tong alimente une rythmique furtive. D'une frappe sèche est assurée, le batteur impose le beat, les pulsions vitales de cet univers décharné. Pourtant la mélodie ne s'égare jamais des titres de Bloc Party. Au contraire, les quatre musiciens garantissent au public une incessante sinusoïde mélodieuse, un rigoureux slalom entre le timbre épileptique de Kele, les distorsions ténues de Russell Lissack (deuxième guitare), les coups de buttoir de Matt et la ligne de basse séculaire de Gordon Moakes. Gordon, tiens. Parlons-en de celui-là : Fidèle valet de Kele, il surgit toujours au moment opportun, offrant ses imparables refrains aux complaintes fulgurantes de son compère. Il s'exécute toujours en contrepoint mais apporte, lui aussi, une pierre élémentaire au Bloc. Les morceaux s'enchaînent avec fureur et violence : « Helicopter », « She's Hearing Voices », « Positive Tension », tous les titres du premier album y passent.
Vient alors le moment du rappel et du nouveau single « Two More Years », entonné à l'unisson par une cohorte de fans en pâmoison. Bloc Party maîtrise (désormais) son sujet et ne se prive pas de savourer son bain populaire. Le set des Anglais s'achève brusquement (peut-être trop) sur un ultime « Pioneers ». Acclamations méritées.