Afin de permettre aux aficionados de patienter jusqu’à son festival qui se déroule en août, l’organisation Alcatraz propose ponctuellement des club-shows. Et, en programmant Lordi en tête d’affiche, elle respectait à nouveau un label de qualité. Du haut de ses vingt-trois années de carrière et bénéficiant d’un succès décuplé, suite à sa victoire décrochée à l’Eurovision (un des rares éclairs de créativité dans ce concours), les monstres ont littéralement assuré le show, ce mercredi soir, en mêlant parfaitement comédie et horreur.
L’ouverture de bal revient à Hollywood Groupies. Ce combo italien pratique un Heavy Metal somme toute classique, mais idéal pour une entrée en matière. Il débarque sur scène en toute simplicité. Mirko peine cependant à rejoindre sa batterie (enfin, celle de Dirty Passion, deuxième groupe de la soirée). Il faut dire que le podium de la salle courtraisienne n’est pas très large et que le fond est déjà envahi par le matos, caché, de Lordi. C’est donc dans un espace contigu que le quintet conquiert petit à petit les metalheads présents, puisant ça et là dans leur album « Punched By Millions Hit By None » et leur dernier LP, « Bitchcraft », sorti l’année dernière. Foxy et Kelly, chanteuse et lead-guitariste du band, emplissent l’espace à elles deux. Les ‘sisters’, comme elles se surnomment l’une l’autre, sont toutes deux de cuir et bas résilles vêtues, leurs chevelures noires et blondes virevoltant aux rythmes des riffs. Rien ne sert de tourner autour du pot, leur charisme et attitude sexy charment le public. Un look qui détonne par rapport au bassiste, Condor, que l’on croirait directement issu d’un band de grunge des années ’90. Un bon moment dans la bonne humeur, malgré un set parfois un peu trop linéaire et quelques difficultés à meubler les espaces entre les morceaux. Mais ce ne sont que des détails…
Le temps de se rafraîchir et de se soulager (à moins que ce ne soit fait dans l’ordre inverse ?), deux roll-ups à l’effigie de Dirty Passion sont installés de part et d’autre du podium. Kriss, chanteur de la formation, déboule sur l’estrade coiffé d’un chapeau de cow-boy et vêtu d’une chemise ouverte à l’effigie des Ramones. L’impressionnant guitariste Chrisse, au t-shirt sans manches, de couleur grise, usé par les shows, et au pantalon multi-patché, se plante devant votre serviteur, armé de sa guitare. Nasty et Mike, respectivement bassiste et batteur du band, visiblement inspirés par l’époque Mötley Crüe, complètent le quatuor suédois. Proposant un Heavy plus sale et plus cru que le combo précédent, Dirty Passion est visiblement attendu. Acclamé dès leur arrivée, les musiciens vont tenir la barre haute pendant leur set, hypnotisant la fosse tant par leurs riffs teintés heavy que par la voix très belle et claire du frontman. Un voyage où l’on se laisse prendre par la main, atteignant émotionnellement son apogée sur « Addicted », morceau exécuté partiellement à la guitare sèche par Kriss. ‘We’ll come back later, see you soon Belgium’, s’exclame le chanteur. Difficile à croire, mais les quarante minutes du set sont passées trop vite. Une belle découverte !
Les entrées digérées, place maintenant au plat de résistance. Et quel plat ! Côté scénique, on reste dans le classique. Un backflag frappé du logo de Lordi tapisse l’arrière-plan, tandis que disposées à gauche et à droite du podium, deux toiles, sont tendues sur des armatures métalliques, en guise de rappels. Plongeon dans le noir, la foule crie et scande le nom du band. Une femme habillée en hôtesse se plante au milieu de l’estrade, mimant l’atterrissage d’un avion à l’aide de deux bâtons lumineux bleus. L’engin atterri, les monstres débarquent sur « Nailed by the Hammer of Frankenstein », le single de leur dernier opus, « Scare Force One ». Quelle présence ! Les costumes, magnifiques dans leur laideur, ne sont pas sans rappeler un film d’horreur série Z. Incarnant un énorme bœuf au visage squelettique, coiffé de deux cornes, le bassiste, Mr OX, en impose par son regard démoniaque et ses gestes amplifiés. D’énormes ventilateurs ne manquent pas de rafraîchir les monstres, suffoquant certainement en dessous de leurs déguisements rocambolesques. ‘On a plutôt l’habitude qu’il fasse froid en Finlande. Ici, c’est carrément l’été torride’, lance Mr Lordi, frontman du band.
On ne perd pas de temps et « This is Heavy Metal » est de suite enchaîné, suivi de leur incontournable tube « Hard Rock Hallelujah », connu internationalement (NDR : Tu vas voir qui ce soir ? Lordi ? Connais pas… Ah si les monstres de l’Eurovision ! Je serais curieux de voir le nombre de personnes qui ont vécu ce moment de vie le jour du concert). Le public, pourtant majoritairement constitué de trentenaires et de quadragénaires, répond présent quand la bête au micro en forme de hache leur demande de sauter au rythme du morceau. Un premier solo marque à présent un break lors de ce show. Les spots blancs se focalisent sur Mrs Hella et son clavier. L’espèce de femme décharnée au regard mi-aveugle, mi-zombie, s’excite sur ses touches et lance « Hell Sent in the Clowns », également issu de leur dernier LP. Un clown démoniaque, de blanc vêtu, commence à courir entre les musiciens, chassé à coup de hache par le géant Mr Lordi.
A moins que vous ne l’auriez pas encore compris, le groupe met le paquet quant au côté visuel de sa prestation et ne lésine pas sur l’utilisation d’objets divers et variés tout au long de leurs vingt et un morceaux proposés au cours de cette soirée. En témoigne la nouvelle apparition du même clown sur « Blood Red Sandman », déambulant sur scène avec un petit seau. Il y plonge la main et la secoue sur la foule. Nous sommes donc désormais… bénis de gouttes de faux sang ! Mr Mana nous sert ensuite son solo. Plongé dans l’obscurité, il martèle ses fûts de baguettes luminescentes bleues. Il faut dire que chaque musicien a droit à son moment de gloire en cette soirée, profitant de l’espace, à lui seul, pendant 5 minutes. Deux titres après la performance du drummer, c’est au tour du bassiste bestial Mr Ox d’être sous les feux des projecteurs. On lui apporte une caisse posée sur des roulettes. Elle contient un vieil homme. Mr Ox s’en approche et commence à la martyriser. Le pauvre bougre crie, appelle à l’aide. En vain. La bête se retire enfin laissant un trou béant et ensanglanté au niveau du ventre. Rassasié de tripes, le bassiste peut à présent démarrer son solo, qu’il enchaîne à « How to Slice a Whore », tiré de leur dernier LP.
Le band a également conservé une bonne ha bitude pour le ‘live’. Celle de toujours réserver un morceau qui n’est jamais sorti. ‘A fucking B-track or whatever you name it…’, lance le chanteur, avant que ne démarre “Don’t let my Mother Know”. Il ne fallait en tout cas pas avoir peur d’être maculé en cette soirée. C’est en effet à présent une pluie de mousse qui s’abat sur nos têtes ; rien de tel, au final pour lancer « It Snow in Hell », extrait de leur album « Arockalypse », un disque publié en 2006. Quelques chansons plus tard, nous sommes à nouveau plongés dans le noir, avant que n’apparaisse Mr Amen sur la droite du podium, coiffé d’un némès, ce foulard rayé blanc et bleu que portaient les pharaons à l’époque. Il a ainsi également droit à son solo (modéré, soit-il dit en passant) sur « Amen’s Lament to Ra II », un intermède issu de « Babez for Breakfast ». Le show s’achève par deux titres qui figurent sur « Get Heavy », paru en 2003. A peine les goules reparties dans les loges que le public s’en donne à cœur joie : ‘we want more, we want more !’ Mr Lordi réapparaît sur le podium, chaussé de lunettes, coiffé d’une casquette de pilote d’avion et armé d’un pistolet Co2 à air froid. Une énième mise en scène afin d’entamer le titre éponyme de leur dernier LP, « Scare Force One ». C’est finalement, en portant deux grosses ailes d’insectes dans le dos, que le frontman termine cette prestation, haute en couleurs. Le combo y réserve alors de ses plus gros tubes, « Who’s Tour Daddy » et « Would You Love a Monsterman ».
Les Finlandais n’ont certainement pas révolutionné le monde du Heavy Metal et leurs compositions sont toutes, au final, très easy-listening. Mais ils valent certainement le déplacement pour leurs prestations scéniques, parvenant à créer un véritable monde de l’horreur, crédible du début jusqu’à la fin. Etre outrancier, ce n’est pas compliqué. Mais parvenir à rester authentique dans l’outrance, relève d’une maîtrise certaine. Une belle soirée au pays de l’horreur déglinguée.
(Organisation : Alcatraz clubshows)
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