C’est une nuit chaude. C’est une nuit moite et oppressante. Une de ces nuits zébrées d’éclairs silencieux qui s’étendent frénétiquement au dessus de la tête des hommes.
Une foule dense se presse aux portes du Magasin 4.
C’est une de ces nuits d’où émane le parfum des souvenirs d’une autre époque. Une nuit où la lune se révèle mystérieuse et chargée de sens. Une nuit hors du temps mais qui s’en imprègne. Une nuit qui suspend son envol, retenant le bruissement de ses ailes pour écouter cette douce mélodie flottant dans l’air. Et ce soir, à l’intérieur, l’air devient sensiblement de plus en plus lourd, étouffant, au fur et à mesure que la salle se remplit.
Sur scène, le Liégeois Phil Maggi (actif notamment au sein d’Ultraphallus) commence patiemment la construction d’une architecture alambiquée qui bientôt envahit totalement l’espace sonore.
Si l’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ce genre de performances somme toute passablement inerte, où il n’est guère aisé de s’extasier devant un savant qui accomplit minutieusement son expérience, complètement absorbé par son propre univers, au grand dam d’un auditoire pas toujours convaincu, reste à saluer l’inébranlable foi de l’artiste accouchant d’une montagne.
Décrire l’ensemble tient de la gageure, que seul un fou comme moi s’autoriserait à relever.
Voici donc un aperçu bancal d’une prestation pyramidale ayant connu son apogée dans un malstrom bruitiste : BBBrrrrrrrrkkkksssssssstikfiiiiiiiirrrrrrrrrggghhmmmmtttfff-blip-crrrrrrrrrrrrrrrrrvvvvvvoomoomoomoOMMMMOOOMMMFFFFFFFFFFTTTTTTTSSSSSSSSSSRZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ
La relative efficacité de ce pâle descriptif ne devant pas vous distraire de l’essentiel. A savoir, pour hypnotique et transcendantale que puisse être ce type de composition bruitiste, le peu d’apport visuel crée immanquablement un vide difficile pour l’esprit à combler.
De fait, Phil Maggi envisagerait d’après certains échos glanés ce soir de s’adjoindre la complicité de danseuses lors de ces prochaines prestations. A bon entendeur…
Quelques bouffées d’air frais volées au dehors par l’entremise d’une porte de secours entrouverte, permettent aux plus téméraires des non-fumeurs d’attendre sagement l’arrivée du groupe pendant que votre serviteur préfère, lui, s’échapper par la porte principale et sacrifier quelques fibreuses muqueuses pulmonaires au Dieu tabac.
Le ciel rougeoyait et se déchirait par endroits. Dans les volutes bleutées, se dessinait le retour au sein de l’enfer.
Les musiciens, forcément plus très jeunes de Tuxedomoon pénètrent alors sur la pointe des pieds. Cueillis par les applaudissements enthousiastes, aussi bien que par la pesante atmosphère, les membres du groupe entament leur set sur un mode cinématographique.
Ambiances feutrées qui se découpent avec grâce sur les immenses tentures pourpres avant de doucement prendre une orientation plus électro, une fois quelques problèmes techniques entre la boîte à rythme et les retours résolus.
Entre expérimentations jazzy et intégrité Rock, le plus belge des combos américains n’ayant jamais tranché (pour le meilleur d’une discographie irréprochable) ils nous offrent ce soir un bouquet éclatant épinglant une majeure partie de titres plus anciens, à l’intention des fans de la première heure, mais avant toute chose, pour se faire plaisir.
Allant jusqu’à oublier l’insoutenable fournaise et faire oublier à la majorité d’un public conquis les improbables caprices d’une météo tropicale, échouée aux abords de Bruxelles.
Après The Ex, autres dinosaures toujours éclatants de vitalité, le Magasin 4 nous offrait à nouveau une bien belle nuit, placée sous l’égide d’une lune ronde et goguenarde.
Dehors, le Sirocco soulève les premières feuilles mortes se love autour de nos âmes...
Organisation : Magasin 4.