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Amenra

A vous glacer le sang…

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Dans le cadre d’une tournée mondiale, Amenra se produit ces 30 et 31 mai 2024, à l’Ancienne Belgique. Les deux concerts sont sold out. Votre serviteur assite au second. Et la formation revient pour 3 nouvelles dates, dans la même salle, en mars 2025, preuve que leur succès ne fait que s’amplifier...

Plus rien ne semble arrêter la formation courtraisienne fondée en 1999 et construite autour du chanteur charismatique Colin H. Van Eeckhout.

Le line up implique également les guitariste Mathieu Vandekerckhove et Lennart Bossu, le drummer Bjorn Lebon ainsi que le bassiste Tim De Gieter.

Le combo pratique un post/doom puissant et intriguant à la fois. Raison pour laquelle, elle arpente, depuis plusieurs années déjà, les plus grandes scènes du monde entier, à la rencontre des adeptes de la Church Of Ra. Notoire pour l'intensité de ses performances live, le groupe entraîne à chaque fois son public dans un voyage musical étrange au cours duquel Colin et ses disciples exorcisent leurs démons. Dans leurs textes, ils abordent, pour thèmes, la douleur et la souffrance, mais aussi le droit d'oser regarder les choses en face. Chaque album est l'intégration d'un traumatisme. Ce qui explique la série d'albums baptisée « Mass », suivie, en 2021, par « De Doorn », un opus en explore les thèmes du deuil et du chagrin, marquant un tournant dans son évolution.

Doodseskader assure le supporting act. Il s’agit d’un duo belge réunissant le bassiste d’Amenra et guitariste d’Every Stranger Looks Like You, Tim De Gieter, et le drummer de The K., Sigfried Burroughs. Formé à Gand, en 2019. son sludge est teinté d'influences post hardcore, punk, heavy metal, hip hop et grunge. A son actif, deux elpees, « MMXX : Year Zero », paru en 2022, et « Year II ».

Une toile noire est tendue en arrière-plan sur laquelle des vidéos plus morbides les unes que les autres sont projetées, mais également les paroles des morceaux, comme lors d’un karaoké –et la foule ne se prive pas de les reprendre en chœur, laissant uniquement les ombres de cette section rythmique basse/batterie se profiler sur cet écran.

Baignant au sein d’un climat en clair-obscur permanent, cette prestation quoique sombre et percutante va se révéler unique en son genre et surtout superbe ! (Pour plus d’infos sur le groupe, voir page ‘Artistes’ ici)

Setlist : « Pastel Prison », « The Sheer Horror Of The Human Condition », « Bone Pipe », « I Ask With My Mouth, I'll Take With My Fist », « Innocence (An Offering) », « FLF », « People Have Poisoned My Mind To A Point Where I Can No Longer Function ».

Les rituels d'Amenra sont depuis longtemps universels et gagnent à chaque tournée des fidèles toujours plus nombreux, de Saint-Pétersbourg à Rio de Janeiro. Amenra en live, c'est une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie, qui vous donnera envie de les revoir encore.

« Boden » la pièce d’entrée va durer pas loin de 20 minutes et les 15 premières minutes sont réservées au drummer qui fait tinter une cloche tibétaine. Puis, les deux guitares se mettent à vibrer avant que le reste de l’instrumentation ne rejoigne l’expression sonore et le morceau de s’achever en apothéose. On vient d’entrer dans l’univers d’Amenra.

« Razoreater » embraie sans transition. Les sixcordes libèrent tranquillement leurs sons monocordes, le batteur apporte les nuances et la basse se greffe à l'ensemble. Tout est parfait. Dos au public, Colin déclame son texte de manière un peu froide et impersonnelle, puis sa voix devient ‘screamée’. Mais il ne s’établit aune interactivité entre le band et l’auditoire. Tout semble figé et glacé. Même la musique. Et pas la peine d’espérer un pogo ou round circle. L'entrée furieuse des guitares, l'apocalyptique démesure de cette rythmique incendiaire et ce chant noyé sous le magma sonore ininterrompu, finit par vous glacer le sang… Amen(ra) ! Et pas la moindre respiration entre les 9 morceaux du concert !

Avant la Covid votre serviteur avait découvert Amenra lors d’un set acoustique de toute bonne facture. Ce soir, le contraste est saisissant. Malgré un début prometteur, la suite s’est révélée bien trop monocorde au goût de votre serviteur, et il est resté sur sa faim…

Setlist : « Boden », « Razoreater », « De Evenmens », « Plus près de toi -/ Het Gloren », « Heden », « Aorte-Ritual », « A Solitary Reign », « Diaken », « Terziele, Am Kreuz »

(Organisation : Ancienne Belgique + Live Nation)

Amenra

Replacer l’humain au centre de la terre…

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1918-2018 : cent ans que les ultimes balles de la Première Guerre mondiale ont cessé d’arracher des vies. Pour la circonstance, la province de Flandre-Occidentale a planifié ‘GoneWest’, un événement culturel commémoratif programmé à Poperinge, Furnes, Nieuport, Dranouter et Diksmude. C’est dans cette dernière ville, sur la Grand-place, qu’Amenra a imaginé un specacle tout à fait atypique. Compositions originales écrites pour l’occasion, projection de clichés sélectionnés par le photographe Dirk Braeckman et la sculptrice Tine Guns, sans oublier une démonstration de Buto, danse mystique japonaise, interprétée d’une main de maître par Imre Thormann. Tentative de mise en mots d’une puissante expérience sensorielle.

Ponctuels comme d’habitude, les musiciens prennent place. Les mines sont graves et concentrées. Une épaisse fumée enveloppe le podium. Le silence est de rigueur et est empreint d’autant de respect que de recueillement face à la prestation qui va se dérouler. Après un moment suspendu dans l’air, au cours duquel les artistes semblent s'accorder à l’unisson, sans pour autant se concerter, le mur de son s’élève et s’abat sur la foule. Vêtu de sa longue chemise noire à col Mao, Colin van Eeckhout rompt momentanément avec son habituelle chorégraphie en s’exécutant face à l’auditoire. Son corps n’est qu’un catalyseur de sentiments et de sensations : ses hurlements nouent l’estomac, ses chants clairs psalmodiés ou récités, mais toujours à fleur de peau, figent sur place. Les illustrations abstraites observées en arrière-plan –supports visuels pour entrer en transe– sont aujourd’hui accompagnées de photos de la Première Guerre mondiale, projetées sur des écrans géants, situées de part et d’autre de l’estrade. Les ressentis face à la musique, généralement refoulés au niveau de l’inconscient, sont ici cristallisés par des fragments de mémoire, froidement concrets. Des hommes envoyés au front, des tranchées, des masques à gaz défiant une mort certaine, des regards dévorés par la peur, des instants de fraternité, clope à la main, avant d’expirer un dernier souffle sur le champ de bataille. Les compositions sont lourdes, les corps se balancent frénétiquement d’avant en arrière. Il se produit quelque chose, au-delà des mots.

Puis du côté gauche de la scène apparaît une forme courbée, qu’on devine humaine. Vêtu uniquement d’une ample couverture beige, les mains liées dans le dos, le danseur Imre Thormann s’avance lentement, à pas saccadés, vers l’avant du podium. Le crâne entièrement rasé et maculé d’une substance blanchâtre, les yeux perdus dans le vague, l’artiste déforme son visage au gré des émotions qui le traversent. Un accoutrement qui ne peut que faire penser aux prisonniers de guerre. Il parvient finalement à se détacher les bras, puis enlève sa couverture. Seul un léger pagne lui recouvre l’entrejambe. Son corps –qui n’est que peau, muscle et os– est transpercé par la peur, la joie, l’excitation, la tristesse, le désespoir ou encore l’abandon. Certains gestes défient la gravité. Il tombe, se relève, est à nouveau happé par le sol. Ses épaules claquent sur les planches. Si certains spectateurs avaient osé un trait d’humour ou un petit cri blagueur à son arrivée, toutes et tous ont à présent adopté le lourd silence. La tension est palpable. On ne peut s’empêcher de penser à toutes ces émotions qu’ont dû vivre ces hommes et ces femmes en 14-18. À celles et ceux qui sont tombés là, à l’endroit même où on assiste à ce concert, cent ans plus tard.

La guitare et la basse accompagnent les mouvements étirés de l’interprète ; ses pas sont guidés par des impacts de batterie. À l’arrière de l’estrade, le vocaliste psalmodie, joue de sa voix tel un instrument, participe à l'ambiance macabre. Une transe ‘pluriaristique’ s’opère entre les artistes. Soudain, le rythme s’emballe. Amenra retrouve la violence de ses compositions. Imre Thormann est frappé de plein fouet. La démence se lit désormais sur son visage. Cette forme de folie lorsque tout est perdu, qu’il n’y a absolument plus rien à espérer. Le fil est rompu, la plongée dans le vide est inéluctable. Il s’empare de la corde qui retenait la couverture à sa taille et l’enroule autour de son visage. Violement, avec force et détermination. Les liens lacèrent ses joues, son cou, son front, ses yeux. La folie de la Grande Guerre a finalement eu raison de lui, comme l’ont été des milliers d’autres personnes. Après avoir exécuté cette Danse des Ténèbres (autre nom de la danse Buto), pendant une grosse demi-heure Imre vide les lieux en chancelant (pour les photos, c'est ).

Seconde partie du set. Place au répertoire classique du band. Colin van Eeckhout s’agenouille sur les planches, inondé par un faisceau de lumière. Série de deux coups métalliques. Les aficionados savent qu’il s’agit de l’intro du « Boden », issue de l’album « Mass V ». En lettres dorées, apparaissent en fond : ‘To all people from the colonized countries, who died protecting their homeland’. La commémoration se poursuit. Alors que les écrans latéraux diffusent en discontinu des clichés d’archive immortalisés sous l’occupation, l’arrière-plan devient le théâtre de l’injustice mondiale actuelle : des images de bateaux de migrants pleins à craquer, prêts à tout pour sauver leur peau, des familles palestiniennes chassées de leurs propres terres, des enfants enlevés à leurs parents, dont un père embrasse pour la dernière fois son fils. La puissance de la musique d’Amenra devient dénonciatrice de cette justice bafouée aux quatre coins du monde. Les applaudissements du public résonnent désormais comme des actes de résistance.

C’est sur « Diaken », issu de son dernier LP, « Mass VI », que le band courtraisien prend finalement congé de son audience. Un par un défilent les noms des personnes dont la vie a été soufflée pendant ce premier conflit mondial, à Diksmude. Malgré l’aspect atypique de ce show, les musiciens se retirent, suivant le même rituel, dès que le dernier morceau est achevé. Les acclamations sont nourries. L’auditoire semble conscient d’avoir assisté à une prestation hors du commun, aussi unique que poignante. Les mines sont hagardes. Certains regards sont perplexes, d’autres pensifs ou encore émus. Le genre d’expérience qui remue, provoque un tourment intérieur qui nécessitera quelques jours avant de pouvoir être maîtrisé. Chacun en tirera une leçon, une pièce du puzzle à ajouter sur la table. Désormais, malgré l’hétérogénéité du public présent, toutes et tous seront reliés de manière invisible grâce à ce vécu au-delà des mots d’une heure et demie. C’est pourtant loin de ses principes, mais Amenra s'est, ce soir, engagé politiquement, au sens noble du terme, en replaçant avec force et vigueur l’humain au centre de la terre… Pour les photos, c'est ici

La formation aversoise Flying Horseman assurait le supporting act ; pour en découvrir le reportage photo, c'est

(Organisation : 4AD + GoneWest)

NB : les photos figurent sur la partie néerlandophone de Musiczine (ici pour le show d'Amenra, pour une sélection avec Imre Thormann)

Amenra

Au-delà des mots et des sens…

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C’était à Charleroi qu’il fallait se rendre en cette douce soirée de printemps. Et pour cause, le combo courtraisien Amenra, auteur l’unanimement reconnu « Mass VI », s’apprête ébranler autant les murs de l’Eden que les âmes et les cœurs de près de 500 metalheads réunis pour l’occasion. Plus qu’un concert, on va assister à une expérimentation des sens où une myriade de pensées et de ressentis vous prennent à la gorge pendant un peu plus d’une heure. Ou quand la musique devient spirituelle.

Hormis quelques dates de plus en plus sporadiques programmées au Coliseum, Charleroi n’incarne pas, dans l’imaginaire collectif de l’amateur de musique lourde, la ville belge par excellence qui accueille le plus de concerts de Metal. En apprenant que le Centre Culturel de la ville, décide d’accueillir Amenra à l’Eden, on a donc le droit d’être étonné. Mais un étonnement qui vire rapidement à la satisfaction. Caractérisée par son esthétique raffinée –une élégante brasserie aux urinoirs à gueules de requin– cette salle à taille humaine peut accueillir jusqu’à 600 personnes tout en se prévalant d’une excellente acoustique. À peine le temps de savourer une ou deux pressions servies dans des gobelets frappés du logo des lieux que s’ouvrent les portes de l’arène du jour. Le Paradis va devoir remiser ses couleurs en coulisses et laisser place à la palette de gris.

Il revient à Fär d’immerger lentement le public dans l’obscurité. Originaires de Brakel, ce duo réunissant An-Sofie De Meyer au chant et Tim De Gieter au synthé et aux beats, est pour l’occasion flanqué, derrière son kit de batterie, de Sigfried Burroughs, échappé du groupe electro Onmens. De l’electro dark, c’est également ce que propose Fär. Ces trois lettres, à la graphie gothique, sont projetées en blanc sur l’écran géant tendu à l’arrière du podium. Face à elles, de noir vêtue et à la chevelure blonde tombant sur les épaules, An-Sofie envoûte le public de sa voix claire et robotique, portée par les nappes froides et aseptisées émanant des synthés de Tim, au t-shirt amplement déchiré sur les côtés et littéralement déchaîné sur ses instruments. Sigfried, penché sur ses fûts, contribue à la séance d’hypnose collective. Ce band originaire de Flandre-Orientale va nous accorder un généreux set d’un peu plus d’une demi-heure. Et son expression sonore procure un effet semblable à celui d’un bon verre de whisky : une progressive inhibition des sens et une mise à l’aise où l’environnement se transforme en chez soi. Un grain de folie aurait néanmoins permis au show de véritablement décoller, se contentant ici de garder pied alors qu’on aurait clairement pu planer.

Le stand de merchandising, situé à l’arrière de la salle, est à présent pris d’assaut. Il faut dire qu’il est particulièrement achalandé : t-shirts, pulls, casquettes, bonnets, vinyles, cd’s, affiches, livres, calepins et autres raretés frappées de la touche artistique du band. De quoi amaigrir quelques portefeuilles. Un étal qui illustre parfaitement le concept incarné par la formation : Amenra est certes un groupe de musique, mais il se situe bien au-delà. C’est un univers, un vecteur de sentiments qui passe par l’oreille, la vue, l’esprit et son inconscient. Une lecture par la lorgnette d’une face plutôt sombre de la réalité et des sensations. Une expérience de l’obscurité.

Les lumières s’éteignent. Le logo est projeté sur un écran disposé à l’arrière du podium, une espèce de triskèle terminée par des serres de rapace. La fosse commence à s’emplir d’une envoûtante odeur d’encens. Une épaisse fumée blanche occupe l’espace. Les membres du groupe pénètrent silencieusement sur les planches, le visage fermé. Ils sont tapis dans l’obscurité, à l’exception de Colin H. Van Eeckhout, vocaliste de la formation. Il s’agenouille dans un faisceau de lumière, dos au public. Puis s’empare du long cylindre ainsi que de la barre métallique placés devant lui et les fait tinter par série de deux coups. Une fois, deux fois, trois fois… Le temps se dilate, plus un bruit ne s’échappe de l’auditoire. Un silence religieux. Les yeux perdus dans le vague et vêtu d’un t-shirt noir où figure comme seule inscription la marque de skateboard ‘AntiHero’, Matthieu Vandekerckhove commence à glisser son plectre sur les cordes de sa gratte. La tension monte. Levy Seynaeve et Lennart Bossu, respectivement bassiste et guitariste, quittent leur face-à-face avec leur ampli pour se planter au bord de l’estrade. Bjorn Lebon donne le la d’un gros coup de cymbale et « Boden » entame la Messe. Le son est assurément lourd, pesant et fort, mais pas saturé. Autant les murs de l’Eden que les cages thoraciques se mettent à vibrer. La voix hurlée, aiguë et plaintive de Colin déchire l’espace. La fosse, constituée majoritairement de trentenaires et de quadras, est soudainement prise d’un spasme, balançant la tête et même le haut du corps au rythme hypnotique de la batterie. La transe opère.

Une salve d’applaudissements clôture la fin du premier morceau, suivi d’un retour au silence arraché par quelques ‘chut’ de part et d’autre de la foule. Silence, le souffle se bloque. Le très mélancolique « Plus près de toi », issu du dernier LP d’Amenra, « Mass VI », poursuit l’office. Aucune fausse note, le set est carré, les extrémités en sont même ciselées. Autant les parties lourdes et violentes arrachent tout sur leur passage, autant les instants plus calmes sont d’une absolue fragilité, telle une feuille morte prête à s’envoler de l’arbre au premier coup de vent. Colin ôte sa chemise noire et dévoile son t-shirt tout en demeurant toujours de dos face à son audience. Une habitude du vocaliste. Plus les morceaux s’égrènent, plus il semble habité par les compositions. Les veines de ses bras deviennent de plus en plus apparentes, gonflées à bloc. Chaque hurlement lui est arraché, propulsant son corps vers l’avant. Ses mains acérées fendent l’espace, quand elles ne viennent pas agripper ses flancs ou son dos, dans une torsion de bras digne d’un envoûtement. Il faudra attendre la moitié du set pour finalement apercevoir son visage pendant quelques secondes, les yeux ulcérés et plongés dans l’horizon, comme s’il lui était vital de déverser sur son auditoire un trop-plein d’énergie accumulé depuis le début du concert. Retour ensuite dans sa bulle de violence intérieure, tel un métal en fusion qui s’écoule sans aucun filtre. L’homme finira par faire tomber le t-shirt, laissant apercevoir cette immense potence inversée en traits pleins lui recouvrant le dos.

Les autres musiciens demeurent, a contrario, dans la retenue, chacun enfermé sur lui-même, n’ayant pour échange avec le public que de rares contacts visuels. Une profonde introspection dont la somme de ces bulles, pourtant d’apparence hermétique, finit par englober chaque recoin de la salle. Un vaste mouvement circulaire, une tempête d’émotions à laquelle il devient impossible de résister. Les âmes sont également tantôt bercées, tantôt bousculées, si pas heurtées, par ces projections en noir et blanc de ruines, de visages, de paysages, de torrents d’eau ou encore d’animaux aux contrastes accentués. « Nowena », issu de « Mass V », permet à Levy Seynaeve, à la chevelure pour le moins ébouriffée, de s’approcher du pied de micro planté au milieu de l’estrade et d’imposer sa voix gutturale, conjointement à celle de Colin. Le temps n’est plus qu’une perception théorique ; il se dilate, se reforme sur lui-même, se détend à nouveau. « . Silver Needle. Golden Nail. » devient apocalyptique. Les sonorités se fondent les unes dans les autres puis s’arrêtent sans crier gare. Abruptement. Huit morceaux plus tard, le cérémonial prend fin. Les musiciens déposent leur instrument sans un mot et disparaissent en coulisses. Hébétée, la foule comprend petit à petit que le rituel est achevé. Les lumières se rallument dans la salle, toujours sans bruit. Les consciences se réactivent, retissent des liens avec la réalité. Un arrière-goût de trop peu envahit le corps, telle une sensation de manque après de longs mois d’abstinence. Quelle que soit la durée, l’âme de tout un chacun a été ensorcelée un moment par des sonorités, dont il serait vain d’essayer d’y apposer plus de mots que nécessaire. Une danse folle où la psyché a pris la main des sens et ont, ensemble, tournoyé diaboliquement pendant plus d’une heure.

(Organisation : Eden)

Setlist : “Boden”, “Plus Près De Toi (Closer To You)”, “Razoreater”, “Diaken”, “Nowena | 9.10”, “Terziele”, “Am Kreuz”, “Silver Needle. Golden Nail”

Amenra

Un set acoustique, mais énigmatique…

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Pour la première fois, j’assiste à un concert de la formation courtraisienne Amenra. Un set acoustique accordé dans le cadre de l'IBM (Inspired By Black Metal). Il se déroulera en configuration assise. Sous cet aspect, l’AB peut accueillir 1 000 personnes. Ce soir, on en dénombre plus ou moins 800.

La première partie est confiée à Jonas Van Den Bossche et Benne Dousselaere. Un concert bruitiste et agressif auquel votre serviteur n’a pas du tout accroché…

‘Unplugged’, la prestation d’Amenra sera empreinte de délicatesse. Sur la gauche de la scène six sièges forment un cercle tourné vers l'intérieur, comme pour affirmer la cohésion parfaite du groupe. Impliquant deux guitaristes, un bassiste et un drummer. Un line up enrichi par la violoniste Femke de Beleyr.

Chaque artiste est arrosé par une lumière blanche émanant du plafond ; une manière d’intensifier le mystère de l'atmosphère ambiante. Qu’on pourrait qualifier de cosy, voire de feutrée. Le chant et la musique ne transpirent aucune violence ou agressivité. La mélodie est calquée sur l’instrumentation. On se croirait dans un concert de black metal réadapté par le ‘classique’. Pas besoin de boules-Quiès ; le son parfait.

Le set s’ouvre par « Aorte Ritual, Nous Sommes Du Même Sang », un extrait de l'album « Mass IIII ». La musique est sombre et écrasante ; mais c’est le titre manifestement le plus approprié pour entamer les hostilités. Après « Razoreater » et « Nowena 9.10 », deux extraits de « Mass V », on a droit à une excellente cover  du « Parabol » de Tool, une piste qui figure sur l’elpee « Lateralus ». La violoniste Femke de Beleyr monte sur l’estrade pour attaquer « The Dying of Light ». Tout au long de « Wear My Crown », un fragment de l'Ep « Afterlife », la guitare électro-acoustique vous invite à vous plonger dans un voyage imaginaire, décrit par la projection d’images sur un écran sis à l’arrière-plan du podium.

La voix de Colin van Eeckhout est quand même particulièrement onctueuse. « Longest Night » est une nouvelle compo. Les interventions du violon de Femke prennent le pas sur les guitares. Tout comme sur « To Go On.: And Live With Out », au cours duquel elle posenégalement la voix.  Un concours qui accentue l’aspect mystérieux de la chanson. Sophie Verdoodt a des cheveux couleur de blé. Elle déclame quelques lyrics ténébreux dans la langue de Vondel. Après 45 minutes, sans demander leur reste, les musicos vident les lieux ? Pas de salut au public, ni de rappel. Drôle de comportement. Ce groupe est une énigme. Pourtant, le set acoustique était excellent. Sombre et métallique. Un moment, non pas de solitude, mais de recueillement. Comme si l’AB avait été transformée en cathédrale.

(Organisation : Ancienne Belgique)

Amenra

Mass III

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Des profondeurs de l’abîme surgissent encore quelques pourfendeurs du plus sombre aloi. Alors que le monde s’empresse d’éradiquer toute velléité susceptible d’exposer la couche de crasse ambiante, d’autres crachent à la face de tout un chacun la noirceur et le désespoir dont il faudra bien un jour prendre conscience. Amen Ra joue dans cette cour là. Et il n’est pas question ici d’une quelconque divinité prétexte à racheter vos inavouables péchés.

Leurs prestations scéniques (parfois dans des endroits insolites tels que des chapelles ou dans la forêt), plutôt impressionnantes, laissaient présager du meilleur. Force est d’admettre une petite déception quant à la voix, ici légèrement étouffée. Sonnant, de fait, un peu creuse. Qu’importe, la puissance du propos se révèle idoine et dévastatrice. Nos quatre chevaliers de l’apocalypse usinent un riff lourd, qui pèse sur nos frêles épaules et nous enfonce bien bas. Une ambiance proche de celle développée par Isis. Pas de joie feinte, aucune couleur criarde à l’ordre du jour. Nulle trace de refrain échappatoire. Juste un rouleau compresseur en marche. Inexorablement.

Mais alors que résonne le glas, les ténèbres s’ouvrent sur un crépuscule nouveau. Un sentiment salvateur se dégage progressivement. En contrebas du champ de ruines se faufile le chemin de la rédemption. Tout est dans le titre épitomé « From Birth To Grave. From Shadow to Light ». Ne vous reste qu’à traverser. Si vous osez. Une prière ? Et puis quoi encore…