Le KABB nous vient du côté de Champaigne, dans l'Illinois. Nous ne sommes pas trop loin de l'Indiana, bien au sud de Chicago. Cette formation avait commis un album très prometteur en 2006 : "Put it in the Alley". Les musiciens sont jeunes. Ils ont presque tous la trentaine. Le line up n’a pas changé. Andrew Duncanson, chanteur/guitariste à la voix si caractéristique est toujours au poste. Il est soutenu par le guitariste Josh Stimmel, l’harmoniciste Joe Asselin (originaire du Maine), le drummer Ed O'Hara et le bassiste Chris Breen. Le seul vétéran de l’équipe, puisqu’il affiche plus de 50 ans. Le quintet signe les onze chansons de ce second opus, une œuvre produite par le génial Nick Moss. Manifestement l'originalité de Kilborn Alley procède du timbre vocal d’Andrew, son chanteur. Il est bouleversant, particulier, ténébreux et très personnel. Mais aussi susceptible de rappeler celui d'Eric Burdon. En outre, Duncanson vit sa musique. Le groupe puise ses influences majeures dans le blues urbain. En particulier celui de Chicago. C'est-à-dire cher à la génération des Muddy Waters, Howlin' Wolf, Otis Rush et autre Magic Sam. Tout en y injectant un chouia de ‘Southern fried soul’, dans l’esprit de Johnny Taylor, Denis Lasalle ou encore Tyrone Davis. Kate Moss a réalisé la pochette du CD. Illustrée par la porte d'entrée d'un vieil immeuble vétuste de Maxwell Street, on ne peut pas dire qu’elle soit très accueillante (NDR : mais existe-t-il encore ?)
"I'm spent" ouvre l’elpee. Mais ce titre ne donne pas le ton à l’ensemble. La slide lance le rythme et nous entraîne rapidement au cœur de l’atmosphère lourde du Delta. Le rythme galope. Le chant de Duncan est puissant. Joe Asselin et remarquable à l’harmonica. Il est même déchaîné. Ses courtes phrases sont acérées, tranchantes, agressives. Son souffle nous prend à la gorge. Chant blues imprimé sur un tempo lent, "Christmas in County" est coloré par l'orgue Hammond de l'ami Gerry Hundt. Duncan chante, la voix empreinte d’émotion. Elle traduit une immense peine. Son cœur saigne. Les lyrics décrivent la solitude qui ronge un détenu, dans sa prison, un jour de Noël, loin de sa famille. La guitare est très dense et mélodieuse. L'harmonica accentue ce sentiment de désespoir. Duncanson éclate en sanglots. Blues rapide et tonique, "Fire and fire" semble sortir tout droit du Westside de Chicago. La voix est proche de celle de Luther Allison. Asselin restitue le climat sonore d’un Junior Wells à ses débuts. "Crazier things" vire vers le Southside cher à Muddy Waters. Le son des studios Chess est ici reproduit. Assis dans un coin du studio, Gerry Hundt dispense un solo à la fois saisissant et sublime sur sa mandoline électrique. Il est immédiatement talonné par les cordes de Stimmel, tandis que Joe, les poumons gonflés à blocs, se libère. "Come home soul" change de style. Une ballade soul hydratée par l’orgue Hammond. La voix de Duncan est délicieuse. En fermant les yeux, il n’est pas difficile de voir se profiler l’ombre de Luther Allison. Le solo de Nick Moss est saturé d'émotion. Le thème de cette compo traite de la situation délicate des soldats américains en Irak. "Redneck in a soul band" épouse une sorte de country blues frénétique. L'harmonica est omniprésent, mais dans un registre réminiscent de Sonny Terry. Le morceau est très participatif. "It's a pity" est un blues lent, dépouillé. La voix d’Andrew y transpire son vécu. Il sort aussi de sa réserve sur les cordes de sa Stratocaster. Asselin est à nouveau bouleversant dans sa manière de faire vivre son instrument. Le titre maître est une invitation à se déhancher sur la piste de danse. Duncan et Abraham Johnson se partagent un duo aux vocaux. Johanson est un vocaliste noir, mais surtout l’ami de Duncan. Le sax de Dave Fauble appuie la rythmique très soul. "The weight on you" replonge dans la soul dansante. La voix est à nouveau en état de grâce. A l’instar d’un Sam Cooke soudain doté d'un timbre puissant et rocailleux. L'orgue Hammond opère son come-back. Savoureux ! "Lay down" prend la direction de Chicago. Mordante, la rythmique est terriblement proche du "Mellow down easy". La section rythmique accomplit un sacré boulot pour lancer Asselin à la poursuite de Junior Wells. Une formule reconduite sur "She don't know". Un dernier rappel nous est accordé sous la forme d’un bonus track. C’est-à-dire une version différente de "Redneck in a soul band" ; mais pour la circonstance, dans le style de Chicago exécuté à haut régime. Excellent!